Rennes. Smash, nouvelle micro-brasserie dans le paysage des bières artisanales bretonnes

--> Pour recevoir chaque semaine par courriel les derniers articles relatifs à Rennes, cliquez ici

brasserie smash

Smash fêtait le lancement officiel de ses premières bières le 10 novembre 2023. Avec ce projet de micro-brasserie rennaise, l’entrepreneur-bistrotier Jean-Louis Serre entend bien se passer des bières industrielles dans ses établissements. Elles seront remplacées par des productions locales et artisanales conçues par le brasseur Antonin Gourdault-Montagne. Visite à la brasserie.

À l’accueil de la brasserie Smash, située dans la zone commerciale de la route de Lorient, à Rennes, on est surpris de tomber nez à museau avec un chaton faisant ses griffes sur le parterre en jonc de mer. « Ça se fait en brasserie pour éloigner les nuisibles. C’est nos agents de sécurité », explique Jean Tanguy, responsable de la commercialisation, du marketing et de la communication pour Smash.

brasserie smash
Jean Tanguy et Antonin Gourdault-Montagne

Avec le chef brasseur Antonin Gourdault-Montagne, ils sont les porteurs de ce projet financé par le bistrotier rennais Jean-Louis Serre (propriétaire du Hibou Grand Duc, du Saint-Germain, de La Cavale, de La Piste, de La Nouba et de Bretone) et son associé Roman Le Furaut. « Jean-Louis voulait se passer de la bière industrielle dans ses bistrots, avoir plus de bières bretonnes et artisanales. Alors il a eu l’idée de monter une brasserie pour s’approvisionner », raconte Jean Tanguy. Un an et demi plus tard, c’est dans une salle de brassage flambant neuve aux cuves d’aluminium rutilantes que coulent les premières gouttes de bière Smash.

Cet exemple typique d’intégration verticale (le fait d’ajouter à son activité celle de l’un de ses fournisseurs, ou de l’un de ses clients) surfe sur le boom de la micro-brasserie française. « Aujourd’hui en France, la consommation de bière artisanale représente 10 % de part du marché », précise Antonin Gourdault-Montagne. « C’est une nouvelle philosophie de la bière artisanale, qui suit les tendances d’Amérique du Nord et qui laisse la place à plein de styles de bière », poursuit le brasseur. Oubliez la vision simpliste blonde, blanche, brune. Place à la lager, à la wheat, à la stout, à la sour, à l’IPA, à la NEIPA, et autres mille nuances de malt et de houblon. Cette grande diversification fait le succès actuel de la bière auprès des consommateurs. Alors que le marché de la bière était en déclin entre 1980 et 2010, en 2022 la bière passe devant le vin dans les boissons alcoolisées préférées des Français (source : baromètre Sowine/Dynata). Le petit ballon en prend un coup dans le nez.

Jean Tanguy, qui a consacré son mémoire de fin d’études à la révolution brassicole en France à travers l’exemple de la brasserie parisienne Gallia, nous apporte quelques éléments de contextualisation. « Ce qu’on appelle la révolution craft est un mouvement américain, né dans les années 70, de réappropriation des brasseries qui avaient disparu suite à la Seconde Guerre mondiale avec les grands groupes industriels. En France, le mouvement arrive à Paris au début des années 2010. Aujourd’hui, on est le pays d’Europe avec le plus de micro-brasseries qui ouvrent. » La Bretagne est parmi les régions les plus dynamiques dans ce phénomène. Et pour cause, les premières brasseries locales sont apparues avant les années 2010. « Tout petit, je voyais déjà mes parents boire de la Dremmwel, puis de la Philomenn », témoigne Jean, originaire des Côtes d’Armor.

brasserie smash
À la base de la bière, le malt : des céréales germées et cuites pour libérer leurs arômes.

Mais c’est pendant son stage chez Gallia à Paris que Jean Tanguy tombe dans le monde de la bière artisanale. Et Antonin Gourdault-Montagne aussi. Ce dernier a grandi en buvant de la sous-marque (« à 4,25 € le pack de 24 » se rappelle-t-il), puis de la bière industrielle. Quand son envie de brasser de la bière prend forme, le Parisien d’origine se rend chez Gallia. « Je voulais brasser de la Chouffe. Ils m’ont dit : dégage. Je suis revenu plein de fois et finalement ils m’ont pris comme bénévole pour construire leur bar, puis comme stagiaire en brasserie. C’est là que j’ai compris la bière artisanale. C’était un univers des possibles que je ne connaissais pas, des bières noires aux bières acides, des bières aux fruits, sucrées, fortes, légères, tout est possible », s’enthousiasme Antonin. 

En plus d’une palette de goûts infinie, ce qui séduit Antonin c’est l’ambiance qui règne dans ce microcosme balbutiant. « On n’est jamais concurrents entre micro-brasseries. On se soutient, on se donne des conseils, on fait des collabs en permanence. Dès que quelqu’un est en galère de tel outil ou telle matière première, on se dépanne. C’est un monde incroyable d’entraide et de passion », dépeint le jeune brasseur, les yeux pétillants.

Après avoir fait ses armes pendant cinq ans en tant que brasseur de Gallia, sous le mentorat de Rémy Morin, Antonin Gourdault-Montagne rejoint la nouvelle brasserie Prizm à Montpellier. Là-bas, il devient expert en bières à l’américaine : « des grosses IPA avec beaucoup de houblon, fortes en alcool mais qui n’en donnent pas l’impression, des imperial stouts à 13° au café, etc. » En travaillant sur des productions importantes, il apprend à maîtriser de grosses machines. De quoi bien le préparer à devenir head brewer (brasseur en chef) et chef de production chez Smash. Et quand Jean Tanguy l’appelle pour lui parler du projet, il est tout de suite partant.

brasserie smash
Le mur de la brasserie a été peint par l’artiste rennais Tom Nelson.

À partir de décembre 2022, une fois les locaux trouvés et Antonin Gourdault-Montagne dans la boucle, il faut construire la brasserie, choisir les bonnes machines et superviser leur installation. C’est encore un autre métier que le brasseur découvre, mais c’est aussi une fierté pour lui de pouvoir dire à propos de sa brasserie : « c’est moi qui l’ai faite ». La brasserie Smash devrait être en capacité de produire 3000 hectolitres par an. C’est une production importante pour une micro-brasserie (il faut bien approvisionner les bars de Jean-Louis Serre qui débitent), mais une goutte de bière par rapport aux industriels. « On est considéré comme une micro-brasserie jusqu’à 200 000 hectolitres par an. Mon plus grand fermenteur fait 40 hectolitres. Un fermenteur chez Heineken fait 5000 hectolitres, il fait quasiment le double de ma production annuelle en deux semaines », détaille Antonin.

Ce qui distingue la bière artisanale issue d’une micro-brasserie de la bière industrielle, ce sont notamment les quantités de production, la qualité des matières premières et la touche humaine du brasseur. « On est tout grain », annonce Antonin Gourdault-Montagne. « On utilise que des céréales nobles, les industriels brassent beaucoup avec du maïs ou du riz qui coûtent moins cher », traduit-il. « Le pur malt, qui est un argument de vente pour les industriels, chez nous c’est la base », reprend Jean Tanguy. Antonin nous explique aussi la place qu’ont prise les machines et l’automatisation dans les brasseries industrielles. « Je brasse en goûtant régulièrement. Eux ont des capteurs partout qui mesurent et ajoutent automatiquement ce qui manque. Ce sont les machines qui brassent. »

brasserie smash

Chez Smash, même si Antonin Gourdault-Montagne maîtrise des techniques de brasserie de grande envergure (notamment le maniement de la centrifugeuse, qui permet de gagner du temps dans l’élimination des particules de céréales et de houblon et d’obtenir un produit plus constant), c’est la créativité de l’artisanal qui prime. « Antonin a une approche dans son travail qui est celle d’un chef cuisinier », commente Jean Tanguy. Les bières Smash s’organisent en deux gammes. D’une part, une gamme fixe qui revisite des standards, dans le but de pouvoir s’inscrire dans le circuit des bistrots traditionnels : « une lager, une weiss, une blonde belge, une triple et l’IPA, notre fer de lance », liste Jean Tanguy. « On les voit un peu comme un premier pas dans la bière artisanale. L’idée c’est de convaincre avec cette gamme et de donner envie d’aller plus loin en découvrant nos bières éphémères », continue-t-il. « On retrouve dans nos bières une typicité de houblon. J’aime le houblon et j’essaie de faire ressortir son aromatique, même dans les bières très amères, c’est ma patte, l’aromatique », explique Antonin Gourdault-Montagne.

brasserie smash
Houblon

D’autre part, la gamme éphémère (2 à 5 références nouvelles par mois) sera l’occasion de « chercher des palettes aromatiques plus complexes, des projets un peu délirants », annonce le brasseur. Il compte par exemple reprendre et retoucher des styles oubliés (comme la altbier, spécialité de Dusseldorf, ou la pilsner tchèque), ou encore faire des bières avec des fruits. Ses bières éphémères, Antonin les baptise en reprenant des chansons de sa playlist de rap français : « Anunnaki c’est pour Vald, Social Club pour Oxmo Puccino… ». La première gamme éphémère compte aussi deux collaborations : la Boss Finale avec Gallia (dernière bière embouteillée par Rémy Morin avant son départ de la brasserie parisienne) et l’Agua Bendita, une collaboration avec la brasserie Sauvage, de Rennes, à l’occasion des 10 ans du bar le Hibou. La prochaine collaboration se fera avec le brewpub Bloom Pop, récemment ouvert à la Courrouze, où un bec fixe est dédié aux bières éphémères de Smash.

Car oui, rassurez-vous, on trouvera les bières Smash ailleurs que dans les bistrots de Jean-Louis Serre. « Monter une brasserie juste pour quelques bistrots ce ne serait pas viable, ni aussi palpitant pour nous. On veut distribuer notre bière dans des caves, des salons, d’autres bistrots. Être une brasserie à part entière », conclut Jean Tanguy.

Site Internet

Article précédentSaint-Brieuc. Une librairie éphémère au Totem de l’Innovation les 2 et 3 décembre
Article suivantMorbihan. Fils de Lorient, le film maintenant en DVD

--> Rennais, pour recevoir chaque semaine par courriel nos derniers articles, cliquez ici

Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici