Le chorégraphe et danseur Bouside Aït Atmane (alias Zid), également co-directeur du CCNRB, présentera sa création R1R2 Start du mercredi 18 au samedi 21 janvier 2023 au CCNRB. Puis, le public est invité à passer des Heures Joyeuses en sa compagnie dimanche 22 janvier. Pendant ce moment privilégié, les participants approcheront son travail et son processus créatif. Unidivers l’a rencontré afin qu’il raconte son parcours et ce spectacle plein de nostalgie.
Unidivers – Comment vous êtes-vous mis au hip hop et particulièrement au locking ?
Bouside Aït Atmane – Je pratiquais la gymnastique au lycée, mais les modalités d’entraînement étaient trop rigides, tout comme ce qui était développé en termes de mouvement et de créativité.
Après une blessure, j’ai décidé de changer et je me suis inscrit à un cours de danse hip hop dispensé dans une salle de musculation. C’est là-bas que j’ai rencontré mon premier professeur, Manu, aujourd’hui juge dans la grande compétition internationale de hip hop Juste debout [l’entretien à eu lieu en mars 2019, ndlr.]. Cette rencontre a énormément contribué au choix de ma spécialité je pense. Il m’a donné les bases de tous les styles de danse et le locking a été pour moi le plus facile à appréhender. J’ai retenu très facilement les mouvements de base.
Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours eu envie de danser, je regardais des vidéos pour essayer de faire pareil.
Unidivers – Comme le popping, le locking est un style de danse appartenant au funky style. Quelles en sont les caractéristiques ?
Bouside Aït Atmane – Au départ, le locking se danse sur de la funk et par extension la disco funk et la disco. Il se danse aujourd’hui sur tous les styles de musiques confondus.
Les histoires que l’on m’a racontées sur Don Campbell, le créateur du locking, ont participé à mon intérêt pour cette danse qui est née d’une erreur. Le danseur ne maîtrisait pas le funky chicken, un pas de danse très à la mode dans les années 70. Il le reproduisait dans le sens inverse et s’arrêtait. Cette erreur a fini par devenir un mouvement de base dans le locking.
De ce que ses proches racontent, Don Campbell, fort de son charisme, avait quelques défauts de danseur : il avait du mal à être sur le temps, à compter la musique, etc. En dépit de ses faiblesses, il n’en est pas moins devenu un leader qui a fédéré autour de ce style de danse aujourd’hui connu et dansé dans le monde entier. C’est drôle de se rappeler que tout ne part que d’une erreur, c’est inspirant.
Unidivers – En 2014, vous cofondez la YZ Compagnie avec Yanka Pedron. Quelles sont les intentions générales de la compagnie ?
Bouside Aït Atmane – Créer de manière spontanée avec notre univers immédiat. Le nom déjà a été trouvé de cette façon : spontanément, à cause justement de notre univers immédiat. Avec Yanka Pedron, nous avions particpé à un concours TV sans avoir de nom de groupe. Quand l’organisation a demandé un nom, Yanka et moi nous sommes regardés et il a répondu « YZ » en référence à Yanka et Zid (Bouside Aït Atmane alias Zid, NDRL).
Cette anecdote résume les intentions de YZ : trouver un nom de manière hyper spontanée, en lien direct avec l’univers immédiat du moment. Nous avons ensuite participé à un concours organisé par IADU – Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines (programme d’accompagnement en danse hip hop sur tout le territoire national, NDLR) où j’ai rencontré Chloé Le Nôtre, la directrice artistique et technique, qui m’a brièvement expliqué les modalités du concours.
Il faut savoir que dans le milieu dans lequel nous avons appris la danse, un clivage existe entre les danseurs de battle et ceux de spectacles. À l’époque, Yanka et moi participions plus à des battles, mais nous pratiquions les deux catégories. L’idée d’un spectacle sur le battle est née de ce constat qui se trouvait à ce moment-là dans notre univers immédiat. Nous nous retrouvions souvent au milieu de conversations entre les puristes du battle et les danseurs de création. Ils ne comprenaient pas les modalités d’entraînement des danseurs de battle. Le spectacle Dans l’arène (2015) parle de ce clivage et reprend tous les codes du battle.
Plus tard, je me suis remis à jouer à de vieux jeux vidéos, un tas de souvenirs sont revenus et m’ont donné envie de les partager avec le public. D’où ma motivation à créer R1R2 Start.
Unidivers – Étiez-vous vous-même – peut-être encore aujourd’hui – amateur de jeux vidéos justement ?
Bouside Aït Atmane – Un peu, oui, surtout le rétro gaming et les vieux jeux. Les possibilités technologiques n’étaient pas aussi étendues que maintenant, le créateur devait être encore plus inventif et futé. J’ai toujours respecté cette faculté à créer avec trois fois rien, une inspiration pour l’univers du spectacle.
Unidivers – À travers la thématique des jeux vidéos reprenez-vous le même processus créatif que celui de votre précédent spectacle Dans l’arène – c’est-à-dire insérer des codes des battles dans un spectacle ?
Bouside Aït Atmane – Pas dans cette nouvelle création. R1R2 Start rassemble ce qui m’a marqué dans le jeu vidéo. C’est comme un pèle-mêle chorégraphique où beaucoup de choses sont racontées. Le format se rapproche de l’hommage, les codes du jeu vidéo y sont détournés, mais j’ai voulu apporter une nouvelle dimension au spectacle de danse institutionnelle en y intégrant une approche plus personnelle.
Si vous assistez au spectacle vous vous rendrez compte que – sans l’avoir fait exprès – R1R2 se découpe en deux parties. Une première est en phase avec ce qu’on pourrait attendre de la création chorégraphique d’un codirecteur de CCN (Centre Chorégraphique National, NDLR) et une autre, plus improbable, un méli-mélo chorégraphique qui interroge le spectacle.
R1R2 Start est la création d’un spectacle de danse institutionnelle à ma sauce. Selon les parties, le spectateur peut voir deux spectacles en un.
Unidivers – Cette double entrée s’est imposée involontairement lors de la conception de R1R2 Start ?
Bouside Aït Atmane – Ce double aspect est présent dans le spectacle, car, selon moi, il existe également dans l’univers du jeu vidéo un clivage entre la partie technologique et la partie humaine des jeux vidéos. Le mot « humaine » est à entendre dans le sens du travail des codeurs, des créateurs, du joueur, etc. D’un autre côté se trouve le monde du personnage, complètement différent et plus artificiel. Cette différenciation se traduit et se ressent pendant toute la durée du spectacle ce qui donne une couleur particulière à R1R2.
Unidivers – Avec l’éventail de personnages qu’offrent les jeux vidéos, pourquoi avoir choisi Mario, Peach et des Lapins Crétins en particulier ?
Bouside Aït Atmane – Mario est certainement le personnage le plus connu dans le monde du jeu vidéo. Le scénario du jeu se résume à la même histoire depuis 25 ans : le sauvetage de la princesse Peach. Dans mon enfance, j’ai pourtant plus souvent vu ma mère sauver ses petits princes qu’inversement. J’avais envie de faire un petit pied de nez à ce schéma, d’où la présence de Mario. Ce n’est pas un jeu français, mais il a une force fédératrice incroyable (jeu d’arcade développé et édité par Nintendo, NDLR). Il rayonne tellement qu’il s’est immiscé dans les souvenirs de chacun, même ceux qui ne jouent pas, peu importe l’âge. Au final, Mario le plombier appartient un peu à tout le monde.
Les Lapins Crétins sont une création française lancée par la société française Ubisoft en 2006. Ce sont les personnages français les plus connus dans le monde du jeu vidéo et ils représentent notre fierté de Français. Je trouve ça drôle qu’il s’agisse justement des lapins crétins. J’aime le caractère de ses personnages : pas très intelligents , ils font n’importe quoi, mais ils sont heureux. Cette réponse peut sembler naïve, mais est pourtant vraie pour moi. Est-ce qu’au final ces petits personnages déjantés n’auraient pas trouvé la clé du bonheur ?
J’aurais pu me contenter des jeux français, mais j’avais peur d’être dans un cheminement trop personnel. J’avais besoin que le public s’y retrouve. Le pourcentage de connaisseurs est moindre face à celui des personnes qui ne jouent pas et il était important de trouver des points d’accroche sur un référentiel commun.
Unidivers – Pour en revenir au schéma classique de l’homme qui sauve perpétuellement la femme. Est-ce pour cette raison que les danseurs (Ludovic Piscioneri et vous-même) enfilent les costumes de princesses et la danseuse Priska Caillet celui de Mario ?
Bouside Aït Atmane – C’est frontal comme choix (rires), mais je trouve quand même extraordinaire qu’il s’agisse du même scénario depuis aussi longtemps… Super Smash Bros, le dernier jeu vidéo Mario sorti cette année, reprend encore ce schéma : Mario fait le tour du monde pour sauver Peach, mais pour la première fois, la fin innove. [ALERT SPOILER]. En 2018, l’année du changement : une fois sauvée, Peach part faire le tour du monde dans son coin. En sachant que le jeu vidéo a été créé en 1983, ça paraît incroyable. Il a quand même fallu un petit morceau de vie avant de voir une évolution…
INFO PRATIQUES
Facebook Compagnie YZ / Site Garde Robe
CCNRB, 38 rue Saint-Melaine, CS 20831, 35108 Renes Cedex 3
Infos : 0299638822 – info@ccnrb.org
R1R2 Start de Bouside Aït Atmane, du 18 au 21 janvier 2023.
Mercredi 18 janvier 2023 : 14 h 30
Jeudi 19 janvier : 20 h
Vendredi 20 janvier : 20 h
Samedi 21 janvier : 18 h
Tout public à partir de 6 ans. Tarifs : 10 € plein / 8 € réduit / 4 € SORTIR !
Heures joyeuses avec Bouside Aït Atmane, du dimanche 22 janvier, de 11h à 17h. Tarifs : brunch inclus : 12 € plein, 10 € réduit, 4 € SORTIR !