Rennes. Ukraine Vision(s), un regard nouveau à travers l’objectif de six photographes

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photo adrienne surprenant
Adrienne Surprenant

Les Champs Libres présentent Ukraine Vision(s) du 15 octobre 2024 au 2 mars 2025 dans l’escalier de la bibliothèque et la galerie du premier étage. Cette exposition met en parallèle les œuvres de photographes de l’agence MYOP et les écrits d’auteurs et autrices membres de l’association Pen Ukraine. Après plus de deux ans et demi de guerre, cet événement recueille des souvenirs en image. Leur travail, étendu sur plusieurs mois, nous donne un nouveau regard sur la guerre.

Au cœur d’un dialogue entre photographes et auteurs, les images se mêlent aux récits pour offrir un témoignage aussi bouleversant que percutant. Dans un pays où la liberté et l’indépendance semblent compromises, cette exposition nous fait la promesse de dépeindre avec honnêteté la dureté de ce quotidien. Le travail de Guillaume Binet, Laurence Geai, Zen Lefort, Chloé Sharrock, Michel Slomka et Adrienne Surprenant a été publié dans l’ouvrage Ukraine Fragments en septembre 2023. Les six photographes mettent leur talent au service de l’engagement et cette exposition permet à chacun de partager sa vision subjective du conflit. L’agence MYOP est un collectif qui travaille, à l’international ou localement, sur une problématique sociale. Pen Ukraine est une ONG qui défend la liberté d’expression et auteurs et autrices en Ukraine.

ukraine visions rennes

Ukraine Vision(s) un projet collectif avant tout 

Adrienne Surprenant, photojournaliste membre de l’agence MYOP a partagé avec Unidivers son expérience, notamment à travers son projet en Ukraine. Le journalisme, c’est une histoire de famille pour Adrienne. Née de parents journalistes, elle a suivi cette voie par vocation. Son premier reportage était au Nicaragua. Elle a documenté le projet de construction d’un canal qui aurait eu un impact désastreux sur les populations locales : « Il y avait déjà quelque chose de très social et de très environnemental dans ce premier projet », détaille la photographe. 

Adrienne-Surprenant
Adrienne Surprenant © Sebastien Riotto

Le projet en Ukraine, quant à lui, a été organisé par plusieurs photographes de l’agence MYOP pour laquelle travaille Adrienne : « J’ai rejoint MYOP il y a deux ans et demi, c’est un peu comme un collectif dans lequel les gens travaillent à l’international, notamment sur des questions sociales», explique Adrienne. Chaque membre s’investit à son échelle dans les projets : « Exposer mon travail sur l’Ukraine en équipe, je trouve que c’est beaucoup plus fort que de le faire dans son coin», souligne-t-elle. Le croisement entre les photographies et les textes écrits offre un témoignage détaillé et touchant : « Les auteurs ukrainiens ont complété les trous avec quelque chose d’incroyablement personnel. La poésie de leurs textes, c’est comme des images en fait », illustre Adrienne.

« Maman, tu as entendu ? Qu’est-ce que c’est ?
Dors, tu as rêvé.
Le ciel au-dessus de nous ne trahira pas,
solide comme le fond de l’océan.
Et qu’est-ce qui vient de passer ?
Probablement une bonne fée.
Aux cheveux de feu, comme la respiration
d’un volcan qui s’est enflammé.
(…)
Après tout ce que nous avons vu, appris
et vécu. Pense seulement à la chance que
nous avons eue. Nous avons eu de la chance,
vraiment, tu le penses ?
Je pense que personne n’a eu de chance.
Personne n’a été épargné, personne n’y a
échappé.
»
Kateryna Babkina

adrienne surprenant
Adrienne Surprenant

Pour trouver les sujets à photographier sur place, il y a une part de préparation, notamment avec l’aide de producteurs locaux qui facilitent les échanges et une part de spontanéité, au fil des rencontres. Adrienne évoque son projet sur le traumatisme, dont certaines images sont dans l’exposition. Elle a rencontré des profils très différents : « J’ai rencontré une femme qui faisait du théâtre, elle a fait un burn-out et en a perdu la parole sur scène à un moment », raconte la photographe. « Tu vis un traumatisme par empathie », poursuit-elle.

« Tu vis un traumatisme par empathie. »

Un quotidien bercé par des paradoxes 

Dans ce quotidien chaotique, Adrienne est frappée par le paradoxe de la vie en Ukraine. Elle développe : « ça peut paraître étrange, mais il y a une forme de normalité qui s’établit, de quotidien qui revient après autant de temps de guerre. » Continuer de vivre, de sortir et de rire malgré la violence de la réalité, c’est ce que tentent de faire les Ukrainiens depuis plus de deux ans maintenant. Elle a choisi de raconter plusieurs histoires pour montrer la diversité des profils : « Le trauma et les expériences de la guerre sont multiples et je voulais donner un truc représentatif de tout ça », explique Adrienne. « Je voulais différents types de traumatisme. Il y avait une personne qui ne se laissait pas craquer, mais qui ressentait de la colère en voyant les civils vivre comme si de rien était », continue-t-elle.

Ce quotidien parfois presque banal, Adrienne en a d’ailleurs vécu l’expérience. Elle explique avoir alterné entre des journées intenses et d’autres bien plus calmes durant lesquelles elle n’avait plus l’impression d’être dans un pays en conflit : « Il y a des périodes où l’on se faisait des journées de travail de 13h minimum et des moments où j’allais boire le thé chez une amie ukrainienne, j’allais voir des amis, on allait au resto », raconte la photographe.

Un élan de solidarité dans la violence du conflit

Adrienne partage une histoire qui l’a particulièrement marquée durant son reportage en Ukraine : « C’était trois frères qui avaient été arrêtés, torturés et exécutés par les Russes. Il y en a un qui a tourné la tête au moment de se faire tirer dessus et la balle a traversé sa mâchoire et est ressortie par son oreille. Il s’est fait enterrer vivant et a réussi à sortir ».

À travers le témoignage qu’elle a recueilli de cet homme, un vrai message de solidarité est ressorti. C’est grâce à l’aide de deux inconnus qu’il a survécu. Ils n’ont pas hésité à l’aider en le soignant et en le nourrissant. La solidarité, c’est d’ailleurs un terme qui ressort à de nombreuses reprises durant cet échange. Ces situations extrêmes créent des liens solides et puissants entre des personnes qui ne se connaissaient pas à l’origine : « Tu as des actes de solidarité complètement hallucinants, ça fait ressortir le plus beau comme le plus laid ». Il existe un contraste saisissant entre l’horreur insupportable à laquelle ils sont confrontés et la générosité touchante de certaines personnes.

Le travail mené par les photographes de l’agence MYOP, complété par les écrits d’auteurs et autrices de Pen Ukraine sera exposé aux Champs Libres jusqu’au 2 mars 2025.

INFOS PRATIQUES

Du 15/10/24 au 02/03/25
Les Champs Libres, dans l’escalier de la Bibliothèque et la Galerie du premier étage
Cours des Alliés, 35 000 Rennes

Ouvert du mardi au vendredi.

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