L’Adec, maison du théâtre amateur de Rennes, offre depuis 1970 un soutien à la pratique théâtrale en Ille-et-Vilaine. Sa salle qui permet de programmer des créations locales, sa bibliothèque spécialisée, ses ateliers et stages ou encore ses actions culturelles en ont fait un acteur incontournable de l’art dramatique en Bretagne. Rencontre avec Élise Calvez, directrice, et Sophie Dziengelewski, chargée du développement culturel de l’association.
Avec l’Adec, maison du théâtre amateur, la MJC la Paillette et son théâtre, et plus récemment le café-théâtre Le Bacchus, spécialisé dans le stand-up et les spectacles d’humour, le quartier de Bourg-l’Évêque à Rennes concentre une forte activité d’art dramatique. Parmi ces trois structures, l’Adec a la particularité de s’être créée par et pour des passionnés qui ont souhaité aider et encourager la pratique en amateur du théâtre, outil de connaissance de soi et des autres, social par essence.
« L’association naît en 1970 de la volonté de mettre en commun du matériel, des livres, et de proposer des formations à une époque où les ateliers théâtre étaient beaucoup plus rares », explique Élise Calvez, directrice de l’Adec (pour art dramatique expression culture). Elle n’a pas toujours été domiciliée rue Papu, comme aujourd’hui, et avant de trouver sa maison, l’association a eu plusieurs adresses, dans le quartier de Villejean d’abord, puis dans l’actuel centre d’art contemporain La Criée. Et son activité ne prenait pas non plus la même forme : « on était sur du théâtre de tréteaux, des déambulations dans la ville, des spectacles saisonniers », continue Élise Calvez.
En 1989, la ville de Rennes propose à l’Adec de s’installer au 45 rue Papu. Construit en 1925, le bâtiment a d’abord été un grand théâtre de patronage paroissial, puis un cinéma de quartier au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Transformé à nouveau en théâtre, ce refuge permet à l’association de consolider sensiblement ses activités, notamment la proposition d’ateliers et la programmation de spectacles à l’année. En 2005, elle hérite d’un nouvel espace à quelques centaines de mètres, dans l’ancienne école Papu, qui lui permet de développer sa bibliothèque.
Aujourd’hui, l’association compte quatre personnes salariées, un conseil d’administration de douze bénévoles, entre 300 et 400 adhérents participants aux stages et ateliers animés par des artistes ou des compagnies professionnelles. Elle est, de plus, un centre de ressources et de diffusion pour les 280 troupes de théâtre amateur d’Ille-et-Vilaine qu’elle répertorie sur son site Internet.
Parmi les actions en faveur de la découverte théâtrale entreprises par l’Adec, citons d’abord le volet d’initiation. Cette saison, dix stages et cinq ateliers à l’année sont au programme, ainsi que des masterclass régulières avec des artistes de la saison du TNB. Il s’agit là de trouver un équilibre « entre ce que le public veut et des choses qui le sortent des sentiers battus », explique Élise Calvez. Ainsi, chaque année la proposition se renouvelle, que ce soit par l’ajout d’axes, de thématiques, ou le travail avec de nouvelles compagnies. « Depuis toujours l’Adec fait des stages longs avec des compagnies professionnelles en création, pour faire dialoguer les amateurs avec des équipes pros et leur faire découvrir des univers, des nouvelles manières de travailler », détaille Élise. Cette année par exemple on trouve un stage d’art clown, d’écriture et radio ou de lecture à voix haute.
Cette première activité s’adosse également à un volet d’action culturelle, en priorité à destination des scolaires. Le temps d’une journée, des collégiens peuvent venir découvrir le quotidien d’une troupe de théâtre. Selon une logique de l’apprentissage par le faire, ils sont initiés au fonctionnement du plateau de scène, à la lumière et au son, choisissent des textes à la bibliothèque et montent dans la journée de petits spectacles. L’Adec développe encore des compagnonnages plus durables où des compagnies se rendent plusieurs fois dans un établissement pour préparer avec les élèves une restitution finale au théâtre.
La bibliothèque de l’Adec est aussi un outil majeur. Ouverte à tous les adeptes de théâtre, elle permet aux enseignants, aux animateurs d’ateliers ou aux troupes d’amateurs de trouver des textes adaptés, avec les conseils de Sophie Dziengelewski, chargée de la gestion du fonds. Celui-ci, qui compte aujourd’hui 18 000 références, a été en partie constitué par un don important de Guy Parigot, figure du théâtre en Bretagne et fondateur du TNB, dont la bibliothèque porte désormais le nom. Les rayonnages se sont étoffés avec les années grâce à d’autres dons de bibliothèques et une veille constante sur le théâtre contemporain et le théâtre jeunesse notamment.
En plus de la bibliothèque, les troupes d’amateurs peuvent bénéficier auprès de l’Adec d’un soutien administratif, pour se monter en association ou gérer les droits d’auteurs par exemple. L’association peut aussi mettre à disposition ses locaux pour des répétitions ou aider à en trouver, et apporter des éléments de formation technique. Enfin, c’est un lieu de diffusion privilégié.
En effet, une des activités phares de l’Adec est la programmation de spectacles de troupes amateurs, généralement une fois par semaine, le vendredi soir, pour plus de 80 représentations à l’année. Plus qu’une direction artistique, il s’agit d’un travail de coordination, assuré par Élise Calvez. « Les troupes font des demandes, qu’on essaie de satisfaire dans la mesure du possible, selon le calendrier. Avec un enjeu de diversité : refléter l’activité des troupes de théâtre amateur », détaille la directrice. Ainsi, depuis le début de la saison 2022-2023, on a déjà pu assister à des comédies, des drames, du théâtre en breton, du théâtre documentaire et social ou des lectures.
Cette variété est le miroir de celle qu’on trouve entre les différentes troupes d’amateurs, qui peuvent venir aussi bien de quartiers urbains, de zones rurales, de jeunes, d’étudiants, de retraités, de corporations de métier, etc. Sophie Dziengelewski souligne à cet endroit l’esprit de convivialité qui accompagne leurs activités. « C’est, pour beaucoup, une manière de se retrouver », affirme-t-elle.
Et à cette variété des amateurs répond celle du public, comme nous l’explique Élise Calvez. « Une partie sont des proches des participants, qui ne vont pas forcément au théâtre d’habitude. D’autres sont attirés par le fait que ce soit du théâtre amateur, dans un lieu qu’ils connaissent, qui les intimide moins, à des tarifs accessibles et avec l’idée que ce sont des gens comme eux sur scène. D’autres enfin sont tout simplement des mordus de théâtre. » Il se joue donc dans le théâtre amateur une question d’accessibilité qui, au-delà du mot parfois vague de médiation, renvoie à la dimension sociale ancestrale du théâtre.
Après un début de saison 2022-2023 bien chargé, l’Adec conclura 2022 avec trois nouveaux spectacles (les 9, 16 et 18 décembre). Onze spectacles sont en préparation pour le deuxième trimestre, ainsi que l’organisation d’un temps fort en mars, Les Herbes folles, dédié aux jeunes troupes de théâtre amateur. Le dernier trimestre est lui aussi traditionnellement bien occupé avec l’accueil du festival étudiant Les Nocturnes Insolites, du festival de quartier Les Fleurs du Mail en juin, et l’organisation du festival Pleins Feux, où chaque atelier de l’Adec présente les pièces travaillées dans l’année. Bref, les planches ne sont pas près de dormir à la Maison du théâtre amateur de Rennes.
À noter que le 4 mai, se tiendra une soirée autour de la parution d’un ouvrage universitaire dirigé par Marion Denizot, enseignante à Rennes 2, retraçant l’histoire de l’Adec et du théâtre amateur en Bretagne.
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