La Réparation de Régis Wargnier cuisine la mémoire entre Bretagne et Taïwan

Avec La Réparation, en salle le 16 avril 2025, Régis Wargnier signe son grand retour derrière la caméra, trente-deux ans après l’Oscar de Indochine. Ce drame sensible, à la croisée du thriller psychologique, du récit initiatique et de l’épopée gastronomique, interroge les zones d’ombre de l’intime, dans un récit en deux temps entre la Bretagne et Taïwan. Le restaurant étoilé Le Moulin de Rosmadec à Pont-Aven a servi de décor.

Un récit en tension : disparition et quête de vérité

Quelques heures avant l’attribution tant attendue de sa troisième étoile Michelin, le chef Paskal Jankovski (Clovis Cornillac) disparaît lors d’une partie de chasse, accompagné de son second. Sa fille Clara (Julia de Nunez), tout juste vingt ans, se voit propulsée seule à la tête du prestigieux établissement familial. Deux ans plus tard, alors que le deuil s’est mué en silence, une invitation anonyme à un sommet culinaire à Taïwan relance l’intrigue : et si la vérité n’était pas celle que tout le monde croit ?

Une mise en scène élégante, parfois trop contenue

Wargnier excelle à filmer les matières, les textures, les gestes de cuisine. Les plans sur les plats sont composés comme des natures mortes, et la photographie, oscillant entre brume bretonne et lumière tropicale, confère au film une beauté plastique indéniable. Pourtant, cette élégance visuelle tend à prendre le pas sur la dramaturgie, dont à distancier, voire occulter l’émotion.

Des interprétations marquantes

Julia de Nunez impressionne dans un rôle de jeune femme déterminée, tendue entre la fidélité au passé et le besoin de se libérer. Clovis Cornillac, même en creux, donne une épaisseur mystérieuse à son personnage d’homme brisé. À leurs côtés, Julien de Saint-Jean apporte une belle nuance dans un rôle pivot, à la fois compagnon et obstacle.

Les thèmes : transmission, réparation, filiation

Le titre du film est polysémique : il évoque la réparation d’un lien père-fille, d’un savoir-faire menacé, mais aussi d’une mémoire fragmentée. Le scénario, coécrit par Wargnier, touche à la question du pardon, de la violence sourde du silence familial, et de l’héritage non choisi. Sans jamais tomber dans le pathos, le film propose une méditation sur ce qui nous lie et nous délie.

La Réparation est un film finalement romanesque, à la fois modeste et ambitieux, qui séduit par la qualité de ses interprètes et la justesse de son regard sur les blessures intimes. Régis Wargnier y cultive un classicisme assumé, trop sage, mais sincère. Une œuvre de maturité, traversée par une question : comment vivre avec l’absence ?

LA RÉPARATION de Régis Wargnier - Bande annonce