Qu’ils se nomment Ello, Framasphère, Red Matrix, les nouveaux réseaux sociaux veulent renouveler notre manière de fréquenter le Net. Au point que nous pourrions explorer d’un œil neuf les relations sociales que nous avons avec l’outil Internet. Mais nos vieilles habitudes ont la vie dure…
Internet n’a jamais été aussi présent dans nos relations sociales. On se « like », on twitte, on « share » ses photos, on se « linked in » avec ses collègues. Il faut pratiquer la langue de chèquespire afin créer des néologismes les plus impénétrables. Qu’il est loin le temps où l’on créait innocemment un profil « public » sur le F Bleu en partageant un peu tout et n’importe quoi (surtout d’ailleurs !). Désormais, il est plus facile de trouver son voisin de palier sur un site de rencontre à thème que sur un réseau social étant donné tous les verrous qui se sont ajoutés ces dernières années. Oui, le nombre de réseaux sociaux communautaires explose avec des thèmes qui vont des recettes à l’orthographe en passant par la religion, la musique, les animaux, l’architecture, les sorties, les médecines alternatives, les comités, les sex-toys, etc. L’idée initiale qui consistait à dépasser le cercle habituel de ses amis, relations, goûts et hobbys a en nette régression.
Ainsi, j’ai eu dernièrement l’immense chance de découvrir grâce à un réseau social professionnel (heu, lequel déjà : Viadeo, Linkedin, Yupeek ? Je ne sais plus parmi la cinquantaine
où je suis inscrit) que mon voisin est titulaire d’un doctorat en physique quantique spécialisé dans les quarks et qu’il travaille dans la programmation de machines-outils dédiées à la production d’éclairs au chocolat ! Par contre, pour partager un peu plus avec lui, c’est raté (dommage, j’adore les éclairs). En pratique, une grande partie des internautes ont scindé leurs habitudes entre plusieurs réseaux aux fonctions précises : amis, relations, intérêts, lifestyle, quotidien, hobbies, rencontres, professionnels, religieux, associatifs. Rares sont ceux qui suivent encore servilement la volonté de saint Zuckerberg : se cantonner à Facebook pour tout.
Prenez Ello, par exemple, le réseau qui fait le buzz depuis fin 2014 en promettant une expérience sans pub. Quand on y va (Unidivers peut vous filer des invitations, au passage), on déchante très vite si on espère y retrouver son expérience « Facebook ». Déjà, il n’y a aucune personne de votre entourage à moins de connaître celui qui vous a invité (et même, ça fait un peu léger pour un réseau). Ensuite, c’est orienté « webdesign » avec une conception très épurée, y compris dans les possibilités et fonctions qui sont indigentes. Comme en plus il n’y a aucune garantie que ce réseau centralisé (les données sont stockées chez Ello) ne change pas un jour sa politique de publicité et de marchandisation des données, le soufflé retombe vite…
Si vous prenez Red Matrix, un fork (pardon un dérivé, un rejeton, une pousse) de Friendica, on achoppe sur le même écueil en matière d’échanges, mais le concept est enrichi de fonctions sociales et de partage : mélange entre blog, site et réseau. Reste que les termes anglophones pourront égarer le néophyte. Mieux vaut alors faire un tour sur un pod Diaspora* français (concept décentralisé concurrent à Friendica mais qui permet une communication par un protocole commun..), comme Framasphère. C’est le premier pod français (voir notre article). On a testé pour vous et rencontré des personnes ouvertes, atypiques, curieuses… Ici, la fonction recherche ne vous ramènera pas la liste de vos anciens camarades de collège qui auraient été assez curieux pour quitter le monde douillet de Facebook…
Bien sûr, si on va sur Twitter, ce pour un autre besoin d’activité que sur Facebook. On y suit l’actualité, on la commente, on délire sur des « hachetague » (le bidule qui ressemble à un dièse #) à l’orthographe approximative ; nos phrases se raccourcissent à 140 caractères, soit environ 20 mots tout au plus. Quand on compte les mots de notre dernière phrase, on est alors impressionné ou horrifié par la souplesse linguistique de la race humaine !
Si vous êtes très Google, vous verrez des cercles partout dans Google Plus, le truc qu’on vous a forcé à utiliser sans fournir le mode d’emploi. Et puis pour vos photos, vous les mettez soit chez un spécialiste, soit chez google/Facebook parce que c’est plus simple pour trouver l’adresse de
votre ami qui se fiche que vous soyez allé à La Barbade voir la maison de Rihana pour savoir où elle a bien pu ranger son parapluie (attention, il y a un message culturel dans cette phrase…). Mais comme au bout d’un moment vous allez là où sont la majorité de vos « amis », vous vous apercevez rapidement que chacun reste chez soi et lit de moins en moins ce que vous écrivez. (le plus ‘important pour notre ego, c’est qu’on like nos selfies.) Idem sur Twitter : sur les 5 à 15% de vos suiveurs qui vont retweeter l’un de nos tweets, sachez qu’ils ne sont seulement que 2 à 5% à cliquer sur le lien pour voir réellement l’information… (L’écart est encore plus grand pour les comptes Twitter des médias d’information nationale comme Le Monde ou Le Figaro.)
À Unidivers, on a créé un nouveau réseau social. On l’a appelé « Rédaction ». On s’appelle et se courrielle tous les jours, on bouffe ensemble une fois par mois et on invite de nouveaux membres à nous rejoindre de temps en temps. Mais on est en permanente interaction étroite avec les « Lecteurs d’Unidivers », un réseau naissant réuni autour du désir de promouvoir une culture grand public intelligente. Il faut de tout pour faire une société postmoderne.