Le Triangle a présenté sa saison 2024/2025 aux journalistes mercredi 11 septembre 2024. Cette année, la Cité de la danse réaffirme son attention pour une accessibilité de plus en plus large. Tour d’horizon de la programmation avec ces questions en ligne de mire avec Marion Denaud, responsable des actions culturelles et des pratiques en amateur, et Patrice Le Foch, directeur du Triangle.
« La culture donne du goût et du sens à la vie : tout l’enjeu de l’accessibilité universelle, c’est que personne n’en soit exclu », disait Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, lors de la Commission nationale Culture et Handicap en novembre 2023. Depuis son arrivée à la direction du Triangle en 2021, Patrice Le Floch, avec toute l’équipe de la Cité de la danse, affirme et réaffirme les orientations du lieu en matière d’accessibilité. Le Triangle accueille régulièrement des personnes en situations de handicap moteur, psychique, déficience intellectuelle, auditive, visuelle et des personnes sourdes. « On est un lieu artistique donc on accueille des artistes, mais aussi beaucoup de publics différents », déclare Marion Denaud, responsable des actions culturelles et des pratiques en amateur.
C’est dans la rencontre avec les personnes et les partenaires culturels, éducatifs, médico-sociaux et sociaux – du quartier et de la ville – qu’ont évolué ces questions au sein de la structure. L’accessibilité est traitée comme une question transversale inhérente au mode de fonctionnement de la scène conventionnée d’intérêt national. De cette manière, les personnes se sentent accueillies à tous les endroits du projet. « Nous sommes aussi dans une dynamique de festival avec Waterproof [qui aura lieu du 17 janvier au 1er février 2024, ndlr.]. Cela nous permet de travailler toute l’année en étroite collaboration avec les partenaires. » Patrice Le Floch complète : « Et de partager ces enjeux avec eux ».
« L’enjeu est d’être dans une dynamique inclusive où l’entièreté du projet est réfléchi à cette échelle-là », Marion Denaud
D’année en année, le Triangle développe une politique d’accueil et de communication de plus en plus inclusive, avec un personnel formé à l’accueil des personnes en situation de handicap, dont les intermittents du spectacle. En plus du programme de saison Facile à Lire et à Comprendre (FALC), un travail sur la signalétique a été fait. Sur des panneaux jaunes suspendus au plafond, des pictogrammes simplifiés permettent d’être guidé au mieux dans l’espace. Pour les personnes malentendantes, un dispositif de boucle magnétique a aussi été installé à l’accueil.
Au sein de la saison 2024/2025, tous les spectacles accueillis dans la salle de spectacle sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, avec des dispositifs sur plusieurs propositions. En partenariat avec l’association Les Cols verts, la Rentrée Waouh ouvre la saison dimanche 15 septembre 2024 avec une programmation pensée en collaboration avec l’artiste associé Bruce Chiefare. À 16h, la présentation de saison sera traduite en langue des signes française (LSF). (Plus d’info sur l’événement)
Mercredi 2 octobre, le Goûter : Boom de rentrée ! est quant à lui un des temps forts des Assises Rennaises du Handicap, événement inédit piloté par la Ville de Rennes du 27 septembre au 4 octobre 2024. Un espace forum réunira des associations sous la halle du Triangle pour échanger au sujet des loisirs (sport, pratique artistique ou autre). Les Cadets de Bretagne viendront aussi présenter du sport adapté et de la médiation animale sera proposée. « C’est le moment pour nous d’inviter des structures différentes, mais aussi des individuels et des familles », explique Marion Denaud. « Ce qui nous intéresse, c’est la rencontre d’univers différents. »
Durant une après-midi, les enfants pourront s’éclater sur un dancefloor avec des médiateurs et médiatrices en danse, et des danseurs et danseuses complices sur la piste. Des casques seront disponibles pour les enfants plus sensibles au bruit, tout comme des SUBPAC, sac a dos vibrant, pour les personnes allophones, malentendantes ou sourdes. Le régisseur lumière travaille une ambiance lumineuse qui mêle ambiance dancefloor et espace plus lumineux et le dj intègre cette question dans sa préparation. Attenante à cette salle, un espace calme a été pensé pour que les enfants atteints notamment des troubles autistiques ou comportementaux puissent sortir de la salle si besoin.
Des SUBPAC seront aussi disponibles au second semestre pour Bate Fado de Jonas et Lander le 05 et 06 mars 2024 et Show me what you got le samedi 29 mars, qui sera d’ailleurs aussi traduit simultanément en LSF. « On les propose pour des spectacles dans lesquels il y a beaucoup de musique, et des basses. Ça permet de mieux ressentir les vibrations », détaille Thomas du Mesnil, responsable de la communication.
« Au-delà d’être des personnes en situation de handicap, c’est aussi un public, des personnes participantes qui adorent danser comme beaucoup de gens », relève la responsable des actions culturelles. « Nous visons une autonomie dans le fait de venir au spectacle, mais aussi dans le fait de pratiquer. » Dans l’enseignement de la pratique artistique et de la pratique amateur, des praticiens et praticiennes ont suivi des formations d’accueil de personnes en situation de handicap pour ouvrir leurs ateliers plus largement (voir le calendrier des ateliers). Le stage de danse mixte de Nathalie Salmon invite, en six séances de novembre 2024 à mai 2025, les grands adolescents et adultes valides et en situation de handicap à imaginer ensemble des ébauches de chorégraphies.
Dans le cadre du Défilé Fantastique, le 14 juin 2025, les ateliers de préparation en amont de l’événement seront aussi adaptés et inclusifs. « L’enjeu avec ce projet, c’est aussi d’avoir cet accueil et ce partage sur un gros événement comme celui-là. »
L’accessibilité au Triangle, c’est aussi permettre aux plus précaires de profiter de la culture. Alors que certaines structures augmentent leurs tarifs afin de maintenir leur activité, la Cité de la danse a pris le parti de conserver sa tarification unique à 9 €, sur la quasi-totalité des spectacles de la saison 2024/2025. « La politique du tarif unique permet aux personnes qui le peuvent de donner un peu plus pour les billets solidaires. » Sur le même principe que les cafés suspendus dans certains bars rennais, les billets solidaires permettent d’assister gratuitement à un spectacle grâce aux dons des autres spectateurs et spectatrices. « Pour l’instant, cela touche un public de grande proximité, que l’on connaît et à qui on propose de venir assister à un spectacle. On a encore à communiquer et à partager pour que les gens s’autorisent à l’utiliser », analyse Marion Denaud. Patrice Le Floch ajoute : « L’idéal est qu‘ils aillent se servir dans un principe d’autonomie, mais on sait que tout se construit au quotidien. Et quelque part, c’est tout aussi bien que le lien reste présent. »
Dans un contexte de mise à mal des subventions publiques, le Triangle attend de voir quelle sera l’évolution nationale. « Les fonds publics permettent aujourd’hui cette accessibilité. Sans ce soutien au secteur culturel, l’exercice devient compliqué », souligne le directeur. Le Triangle a bénéficié du soutien de la DRAC pendant plusieurs années sur le développement de l’accessibilité, mais pas cette année. Ces questions sont aujourd’hui intégrées au budget du projet.
« L’accompagnement des politiques publiques nous ont permis de déployer une communication inclusive, mais cela reste des choix », Patrice Le FLOCH
Chaque année, la question du maintien se pose aussi pour le baby-sitting gratuit. Ce dispositif permet aux familles de faire garder leurs plus jeunes enfants par une équipe extérieure, embauchée pour la soirée. Le nombre de places est limité et l’inscription obligatoire au plus tard une semaine avant la date du spectacle. Il faut se présenter une demie-heure avant la représentation. Le dispositif est mis en place pour Memento de la compagnie Mazelfreten (le 7 novembre) et Simple de Ayelen Parolin de la compagnie Ruda (le 18 décembre).
« C’est un travail de lien qui permet aussi cette diversité et ce chemin vers l’autonomie. Le public répond présent, car il sait qu’il est pris en compte avec tout de même des freins au niveau du bâtiment », souligne Patrice Le Floch. L’entrée du bâtiment possède une petite butte et un système de porte inadaptés aux fauteuils roulants, et les toilettes ne permettent pas l’accès à certains fauteuils et ne possèdent pas de point d’eau à l’intérieur. « On accueille de plus en plus de personnes en situation de handicap, tout type de handicap confondu. Ces personnes sont accompagnées par des structures, mais notre objectif, c’est justement l’autonomie et qu’elles se sentent accueillies d’elles-mêmes. » Les échanges sont en cours avec la Ville, la date butoir arrive et le Triangle a bon espoir de changement. Quoiqu’il en soit, l’équipe, militante et engagée sur ces questions, est à disposition de ses publics pour construire des parcours adaptés.