La chorégraphe Sandrine Lescourant vient passer des Heures Joyeuses au CCNRB – Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne ! Entre danse contemporaine et danse hip hop, ne manquez pas le dimanche 24 novembre 2019, cette journée placée sous le signe de la joie de Faire danse et Être ensemble. Présentation sous forme d’entretien.Après Parasite (2015) où elle interrogeait nos différences et Icône (2016) qui questionne influences et révoltes, Acoustique, le dernier volet de son triptyque consacré aux relations humaines, va résonner dans quelques semaines à Tremblay-en-France*. Acoustique évoque la confrontation à l’altérité tout en faisant la part belle à l’énergie du collectif. Cette véritable « ode au rassemblement » semble le leitmotiv du programme concocté pour les Heures Joyeuses que va animer Sandrine Lescourant dans les studios de la rue Saint-Melaine dimanche 24 novembre.
Unidivers – Après une formation en danse classique au conservatoire d’Aulnay-Sous-Bois, un apprentissage de la danse moderne sous le regard assuré d’’Angelo Monaco et en danse africaine auprès d’Ali Mbaye, votre approche du hip hop est nourrie de mélange des styles et de questions sociales. De quelle manière avez-vous approfondi cette recherche artistique à travers votre passion de la danse hip hop ?
Sandrine Lescourant – J’ai toujours baigné dans la culture hip hop, encore aujourd’hui. Toutes ces techniques m’ont permis de développer une danse protéiforme qui se concentre principalement sur l’émotionnel. Elles constituent un moyen d’expression et me servent à retranscrire des émotions. Travailler avec des chorégraphes aux univers différents et une approche personnelle de la danse hip hop m’a en quelque sorte montré la voie. Le rapport à la musique a également influencé ma danse. Je désirais être le plus honnête possible dans mon travail et capable de retranscrire la musique.
L’émotion est une dimension capitale de l’humain. Je cherche à conduire les personnes à cet endroit particulier au moyen DE la danse.
Unidivers – Vous travaillez principalement autour de la dimension de relations humaines. Comment l’abordez-vous ?
Sandrine Lescourant – M’entourer d’interprètes qui m’émeuvent et qui ne craignent pas de traduite leur sensibilité dans leur pratique constitue un premier point. Ensuite, j’ai fait le choix de m’entourer de certaines contraintes qui visent à explorer la question de l’homme et du collectif à chacune de mes créations. Par exemple, le spectacle Parasite (2015) est ouvert par des interprètes qui cherchent ardemment à se câliner, mais sans pourtant jamais y arriver. D’où un questionnement autour de désir et pudeur.
Désormais, j’essaie de monter chaque pièce de cette manière. Transmettre des émotions grâce à des techniques corporels spécifiques. Ce qui implique un travail important. La technique déployée vient saupoudrer le canevas émotionnel de la pièce et l’accompagne. Elle trouve son origine dans une démarche d’introspection (qui vise à révéler des sensibilités qui sommeille en nous) aussi bien qu’elle s’inspire de rencontres. Curieusement, toutes les rencontres touchantes, voire bouleversantes, m’ont conduit à un geste créatif de plus en plus instinctif.
Unidivers – Acoustique forme le dernier triptyque du volet autour des relations humaines. « Cette ode au rassemblement » semble le fil rouge de la journée des Heures Joyeuses. De quelle manière pensez-vous l’aborder ?
Sandrine Lescourant – Avec Les Heures Joyeuses, j’ai envie que les participants appréhendent certains exercices que l’on effectue lors de la création d’une pièce. Le spectacle découle d’énormément de matières et d’exercices en laboratoire qui ne sont pas présents dans le résultat final. Ils sont tout de même intéressants, car ils rassemblent et donnent assez confiance aux personnes, afin qu’ils puissent se relâcher et s’amuser. Ce n’est pas toujours évident d’entrer dans la danse tout en étant à l’écoute de ses émotions, encore moins dans l’improvisation…
“C’est un peu idéaliste comme vision, mais j’ai envie que les personnes puissent se rencontrer, rencontrer leur corps dans la danse et se lier aux autres.”
En pratique, je vais faire passer le public par le théâtre avant de revenir à la danse ; fermer leurs yeux et les guider dans l’improvisation afin qu’ils puissent ouvrir les yeux sur un travail organique. Vous savez, je travaille beaucoup avec les isolations, car le corps est bien plus expressif dans ce contexte. Cela étant, le résultat va dépendre du groupe de personnes présentes dimanche 24 novembre. J’aime l’idée qu’il s’agisse d’un challenge autant pour moi que pour eux.
Unidivers – Parallèlement à la réalisation artistique, vous avez développé une pédagogie autour de l’improvisation hip hop. Comment travaille-t-on l’aspect pédagogique face à un groupe où différents niveaux se mêlent ? Est-ce la première fois que vous vous adressez à un éventail de participants aussi large ?
Sandrine Lescourant – Selon moi, l’aspect ludique et la confiance en son imagination sont les deux grandes clefs qui permettent d’entrer réellement dans la danse sans se limiter à une technique.
“Peu importe l’âge, je ne vois pas le manque de technique, mais plutôt le potentiel de la personnalité qui se met en mouvement.”
L’aspect théâtral de la danse m’inspire : aller vers un théâtre physique plutôt que donner de la technique pure. Je recherche plus à conduire les participants à découvrir des partes d’eux-mêmes que leur apprendre tel ou tel style. Le potentiel de chacun est quasi infini, c’est ce qui est le plus touchant dans ce type d’expérience. Ce qui me plaît dans les ateliers que j’anime, c’est de pouvoir aider les participants à dépasser leurs limites afin d’oser en toute confiance. Une journée comme les Heures Joyeuses se construit en fonction du groupe. Je ne doute pas qu’elles seront l’occasion de petites et grandes découvertes par chacun sur soi et sur les autres.
Heures Joyeuses, Sandrine Lescourant – Dimanche 24 novembre 2019 de 11 à 16h
Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne
38 rue Saint-Melaine – CS 20831
35108 Rennes Cedex 3
tél : +33 (0)2 99 63 88 22 (tous les jours de 14h à 17h et le mardi de 15h à 18h)
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* Le projet Imagine (Tremblay-en-France) regroupe un panel assez large de participantes autour des questions du soin, de la femme et de la danse (Depuis 2018, le Théâtre Louis Aragon (TLA) prend part au projet Imagine. Pensé par le Centre National de la Danse de Pantin (CND), il réunit des femmes de tout âge et de tout horizon afin de questionner les rapports esthétiques, sociétaux et intimes qu’elles entretiennent avec leur corps au travers d’expériences artistiques diverses. Quatre groupes de femmes du 93 se sont donc constitués autour de quatre chorégraphes. En résidence à Louis Aragon, Sandrine Lescourant a participé à la deuxième édition en avril 2019). Elle suit un groupe de femmes pendant trois mois à mesure d’une à deux séances par mois. Ces dernières avaient un atelier de danse le matin et rencontraient un intervenant extérieur l’après-midi – historien, sophrologue, etc.