Savez-vous goûter les algues ? En dehors d’un horrible souvenir de vacances en bord de mer où vous avez bu la tasse, vous pensez que c’est réservé aux Japonais. Que nenni ! Une belle publication des Presses de l’École de la Santé publique devrait vous ouvrir l’esprit et les papilles au bouillon dashi et autre wakamé. Entretien avec Danièle Mischlich, coordinatrice de l’ouvrage, qui nous livre ses recettes…
Unidivers : D’où est venue cette idée de goûter les algues ?
Danièle Mischlich : Elle entre dans le cadre d’une collection dont l’ambition est d’inciter le lecteur à se nourrir mieux avec des apports peu ou mal exploités. Elle a commencé avec « Savez-vous goûter… les choux ? » en 2011, qui a été suivi de « Savez-vous goûter…les légumes secs ? » (NDLR Voir notre article). Plus qu’un recueil de recettes, ces ouvrages sont aussi une invitation à des découvertes scientifiques, historiques et à une réflexion sur notre alimentation. Nous sommes nombreux à penser que la place des macro et micro-algues seront des incontournables de demain.
U. : Nourrir la planète et sainement de préférence : une préoccupation naturelle chez un médecin, mais de là à en faire des livres, ce n’est pas banal !
Danièle Mischlich : Mon parcours m’y a amené assez naturellement. Pour des raisons familiales, j’ai vécu à l’étranger où j’ai eu l’occasion de travailler pour des ONG. Après m’être spécialisée en santé publique, je suis devenue responsable de formation dans ce domaine. Cela m’a amenée à effectuer des missions à la croisée de plusieurs ministères : Agriculture, Santé et Affaires étrangères. En parallèle, j’ai œuvré à des ouvrages collectifs, avec des épidémiologistes, des cliniciens, aux éditions Elsevier Masson (sur la maladie d’Alzheimer, la ménopause…)
U. : Votre parcours dénote une appétence pour les regards croisés.
Danièle Mischlich : C’est ma marque de fabrique ! À chaque projet, je fais des recherches pour sélectionner les auteurs. Je commence par une bibliographie sur les compétences variées dans les revues reconnues. La plupart du temps, je ne les connais pas, mais j’ai acquis maintenant un réseau important. Et parfois, certaines personnes contactées me signalent une pointure incontournable.
U. : Sur la question des algues, on n’en manque pas en Bretagne !
Danièle Mischlich : Il y a notamment Pierre Mollo, LE spécialiste mondial du plancton qui m’a mis en connexion avec GeorgesGarcia. Ingénieur et philosophe de formation, il porte le projet de « phytotière » pour développer localement la production de spiruline et de micro-algue — un peu à la façon de Parmentier avec la pomme de terre au XVIIIe siècle. Garcia a remporté deux fois le prix mondial de l’innovation dans la catégorie protéines végétales.
U. : Au rang des Bretons, on trouve Jacques Brégeon qui déplore « l’inexploitation des algues » et pense que la Bretagne serait l’un des principaux spots mondiaux en terme de diversité algale, car plus de 600 espèces y sont recensées. Le Costarmoricain Guy Prigent, spécialiste des côtes bretonnes nous amuse avec ses anecdotes glanées sur l’estran, du genre : « le goémon cueilli à minuit procure l’intelligence. Certaines algues rouges sont aphrodisiaques ».
Danièle Mischlich : Il y a aussi Hélène Marfaing, chef de projet au CEVA et surtout le formidable Julien Lemarié, chef étoilé au guide Michelin qui propose des recettes épatantes, pas chères et d’une incroyable créativité.
U. : Toujours en Bretagne, vous avez déniché deux femmes tout aussi inventives : Régine Quéva, spécialistes en algues et Catherine Le Joncour, chef au Ty Mad à Plestin-les-Grèves (22).
Danièle Mischlich : Et oui, avec elles, on découvre que les algues sont aussi bonnes à boire qu’à croquer… et le résultat est souvent superbe ! Vous avez vu la recette de transparent de figues fraîches ? Léger, digeste et surtout beau comme un vitrail !
U. : En la matière, les Japonais sont incontournables. Vous avez sollicité Raphaël-Fumio Kudaka (Breizh Café, Cancale) et Toru Okuda (restaurant Okuda, Paris).
Danièle Mischlich : Je suis fière aussi d’avoir déniché quelques « pointures » d’Irlande et du Québec. Ainsi, Johanne Vigneau, chef‐propriétaire du restaurant La Table des Roy (îles de la Madeleine) m’a bluffée avec sa nage de moules aux algues et ses crackers à la laitue de mer. Quant à l’Irlandaise Prannie Rhatigan, considérée comme the référence pour la cuisine aux algues, elle nous livre ses savoureux souvenirs d’enfance à cueillir le slough (La Nori est une algue de couleur violet aux reflets pourpres) et une recette de truffes aux figues, aux noix et à la dulse.
U. : Une excellente friandise pour surprendre les convives à Noël !
Savez-vous goûter… les algues ?, dirigé par Danièle Mischlich, Presses de l’EHESP, juin 2016, 128 pages, 22 €
Vous pouvez commander le livre ici
Les auteurs,
Julien Lemarié est chef étoilé Michelin (Chef au restaurant La Coquerie [maison LeCoq-Gadby, Rennes] de 2012 à 2016), Hélène Marfaing est chef de projet agro‐alimentaire et nutrition au CEVA, Pierre Mollo est spécialiste du plancton. Vigneau Johanne (Chef-propriétaire du restaurant La Table des Roy [îles de la Madeleine, Québec]. Avec les regards croisés de : Jean‐Paul Bonhoure, Jacques Brégeon, Georges Garcia, Anne‐Gaëlle Jacquin, Catherine Le Joncour, Guy Prigent et Régine Quéva.
Illustrations de Tugdual Jégou et Annie Robine.
Quéva Régine
Régine Quéva est passionnée de produits naturels, de sciences et… de cuisine aux algues. Enseignante, puis éditrice, elle partage désormais ses connaissances et ses passions au travers d’ouvrages, de formations, de conférences et d’ateliers. Présidente de la Consœurerie des croqueuses d’algues, elle contribue à diffuser les bienfaits des algues au grand public et est l’auteure de nombreux livres.
Le Joncour Catherine
Catherine Le Joncour, chef du restaurant Le Ty Mad à Plestin-les-Grèves [22], est à l’origine de la Consœurerie des croqueuses d’algues avec Régine Quéva. Passionnée de nouvelles saveurs, elle a augmenté sa carte d’un menu « aux algues ».
Mischlich Danièle (dir.)
Médecin, spécialiste en santé publique, directrice de la collection « Savez-vous goûter… »
Avec quelque 70.000 tonnes d’algues récoltées par an, la côte nord du Finistère représente aujourd’hui 90 % de la production française. Pour l’essentiel, elle provient des bateaux goémoniers [65.000 tonnes] et de la récolte à pied [5.000 tonnes]. 50 tonnes seulement viennent de la culture. Alimentation, cosmétique et santé sont les principaux débouchés de cette ressource naturelle. La demande et les tonnages augmentent : 350 tonnes en 2015 contre 50 tonnes en 2012.
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Far Breton au Wakamé de Julien Lemarié
Far breton au wakamé de Julien Lemarié
Pour 4 à 5 personnes
PRÉPARATION: 15 mins Cuisson: 30 mns
Ingrédients
5 oeufs
100 gr de farine
175 gr de sucre
500 ml de lait entier
10 pruneaux
3 cuillères à soupe de wakamé
50 gr de beurre
Pour le plat :
20 gr de beurre
30 gr de sucre
Instructions
Préchauffez le four à 180°.
Beurrez un plat et saupoudrez de cassonade. Déposez sur le fond du plat les pruneaux et les algues.
Faites fondre le beurre. Dans un récipient, versez la farine et le sucre. Ajoutez les oeufs, un à un, et mélangez. Additionnez le beurre fondu tiède, puis le lait.
Versez la pâte dans le plat sur les pruneaux et les algues. Enfournez pour 30 minutes de cuisson.