Séraphine Louis, sans rivale.
Séraphine Louis, dite de Senlis, compte parmi les personnes célèbres internées à l’Asile de Clermont. Ouvert en 2003, le Musée Henri Theillou a notamment pour mission de faire perdurer la mémoire de cette artiste locale en participant aux travaux de recherche la concernant, tant dans le domaine de l’écriture que dans celui du cinéma ou du théâtre.
C’est dans une démarche de valorisation que le Musée Henri Theillou a consenti à la publication des lettres de Séraphine de Senlis dans le catalogue raisonné de l’œuvre peint de Séraphine Louis dirigé par l’expert Pierre Guénégan.
Internée en 1932 à l’Asile, aliénée, l’artiste Séraphine de Senlis refuse de peindre, mais écrit quelques lettres qui ne partiront jamais. Une vingtaine d’écrits, lettres, petits mots griffonnés, enveloppes, sont ainsi restés consignés dans un carton annexe, ne sortant que pour l’intérêt de quelque thésard ou chercheur avisé.
En 2005 nous avions réservé une attention particulière à la lettre dans laquelle Séraphine exprime ses dernières volontés : inscrire sur sa tombe : « Ici repose le corps de Séraphine Louis Maillard sans rivale en attendant la résurrection bienheureuse ». « Cette plaque existe désormais au cimetière de Clermont. La publication des lettres de Séraphine est une autre manière de lui rendre hommage. » Docteur Olivier Boitard, président de l’A.C.A.C.H.I.C.
Séraphine Louis, dite de Senlis
Séraphine Louis est née dans un petit village de l’Oise en 1864. Femme de ménage chez des bourgeois de Senlis, elle travaille à ce qu’elle appelle ses travaux noirs tous les jours de la semaine, y compris le dimanche. De retour chez elle à la nuit tombée, elle peint sans avoir jamais appris, sur tout ce qu’elle trouve : petits pots de crème, morceaux de carton ou de bois qu’elle ramasse.
En 1912 Wilhelm Uhde (1874-1947), marchand d’art allemand, découvre sa peinture par hasard à Senlis. Après l’avoir fait connaître au monde international du marché de l’art, après de nombreux épisodes alternant gloire et misère, il l’abandonne en 1930. La crise économique de 1929 est présente, il lui coupe les vivres ; de son côté cette femme simple, ne comprend pas et sombre dans la folie. Elle est internée en 1932 à l’asile de Clermont de l’Oise, non loin de Senlis. Elle décide d’arrêter de peindre et affirme : « Ici ce n’est pas un lieu que l’on travail à l’Arts« . Elle y restera jusqu’à sa mort en 1942.
Séraphine Louis s’exprime alors par l’écriture et rédige des lettres qui ne partiront jamais. Ces lettres nous les publions pour la première fois. Elles sont signées : Séraphine Louis-Maillard sans rivâle (sic).
La transcription des lettres de Séraphine
Aujourd’hui objet d’attentions multiples, les lettres de Séraphine, peintre visionnaire, incitent à des questionnements à distance des analyses conventionnelles. En transcrivant ces écrits, nous avons voulu garder intact le mystère de leur inspiration. À l’Asile, aliénée, au milieu d’autres aliéné(e)s, empêchée à faire valoir ses droits, refusant de peindre, Séraphine n’aurait finalement exercé que le seul moyen de survie laissé à son énergie : l’écriture.
Une vingtaine d’écrits, lettres, petits mots griffonnés, enveloppes, sont ainsi restés consignés dans un carton annexe, ne sortant que pour l’intérêt de quelque thésard ou chercheur avisé.
En 2008, quand le film de Martin PROVOST et le livre de Françoise CLOAREC ont remis Séraphine à l’honneur, ce trésor a resurgi pour devenir objet d’attention et de travail pour le Musée Henri THEILLOU, musée du Centre Hospitalier Isarien de Clermont (autrefois Asile de Clermont là même où fut internée Séraphine de 1932 à 1942).
Pour ce travail de transcription, nous avons voulu rester au plus près de chaque ligne, chaque phrase, chaque mot, écrits par elle avec une orthographe et une syntaxe dont elle ignorait presque tout. Au-delà du respect et de l’empathie éprouvés à la simple manipulation de ces lettres, c’est donc l’attention, la rigueur, qui ont guidé cet exercice périlleux de lecture et de transcription. Il s’agissait non seulement de rendre compte le plus exactement possible du contenu, mais surtout de livrer avec autant de précision possible ce que Séraphine avait voulu donner à lire. L’émotion n’a pas cessé.
La tentation était grande de voir, dans ces mots couchés sur le papier, des formes comme des pétales, des vrilles, des spirales, des colimaçons semblant réclamer toujours plus d’espace à occuper mais là s’arrêtera notre propos comparatif. Le lecteur pourra en juger. Si l’orthographe particulière et la syntaxe toute singulière de Séraphine ont exigé beaucoup d’attention, parfois même des choix draconiens, le positionnement des lignes et des mots se sont aussi montrés parfois dépourvus de référence à quelque modèle ou pratique immédiatement repérables. D’aucuns pourront alors porter quelque objection à nos propositions, d’avance nous respectons l’approche que chacun peut en avoir…
Maryline CLIN (Responsable du Musée Henri Theillou)
Le catalogue. Sous la direction de Pierre Guénégan. Préface Olivier Lorquin. Textes Anne Caroux , Maryline Clin, Françoise Cloarec, Pierre Guénégan, Patrick Martin-Mattera, Marie-Amélie Ortas-Peretti.
Pierre Guénégan, tour à tour directeur de plusieurs galeries d’art, collectionneur, expert près la Cour d’Appel de Paris durant trente-cinq ans, consultant près les Douanes françaises, travaille depuis de nombreuses années sur les peintres autodidactes et solitaires. Après plusieurs catalogues raisonnés dont un sur René Rimbert, figure emblématique et respectée de ces artistes souvent en marge du marché de l’art, c’est le catalogue raisonné de Séraphine Louis qu’il nous présente aujourd’hui.
Les lettres de l’artiste internée durant dix années à l’asile de Clermont de l’Oise sont publiées pour la première fois dans ce livre conçu avant tout comme un hommage à cette grande artiste. Le rôle de Wilhelm Uhde, marchand d’art allemand, comme il se présentait lui-même, est également analysé, en particulier sa véritable influence sur la peinture, mais également sur la vie de Séraphine Louis.
Cet ouvrage comprend de nombreuses analyses de divers auteurs très différents les uns des autres, historiens de l’art, mais également psychiatres et psychanalystes. Certains, telles Maryline Clin ou Marie-Amélie Ortas-Peretti ont consacré une partie importante de leur vie à étudier la peinture et les motivations profondes de Séraphine, petite paysanne née dans le village d’Arsy, puis humble servante que rien ne prédestinait à la peinture. Il a été recensé un peu plus d’une centaine d’œuvres sur les quatre-cents peintes probablement par Séraphine Louis. D’autres, non répertoriées, demeurent encore dans des greniers et nous espérons que ce livre participera à la découverte de nouveaux chefs-d’œuvre. Quoi qu’il en soit elle restera à jamais : Séraphine Louis-Maillard, sans rivâle !
L’ouvrage est divisé en quatre grandes parties :
Partie1-Biographie détaillée et illustrée par de nombreux documents et photographies dont certaines inédites. Analyse de l’influence de Wilhelm Uhde dans l’évolution picturale de Séraphine Louis.
Partie 2 – La deuxième partie est consacrée à la tentative d’explication de cette pathologie qui touche Séraphine Louis vers la fin de sa vie. Une double approche scientifique est donc proposée, à la fois par des extraits de la thèse en médecine, présentée en 1964 par le Dr Marie-Amélie Ortas-Perreti et intitulée : Séraphine, Peintre Aliénée mais aussi par le Professeur Patrick Martin-Mattera, psychanalyste de l’Ecole Freudienne, Professeur en Psychopathologie à l’Université auteur d’un essai : L’Art pour contrer la folie–Séraphine de Senlis, sans rivâle.
Partie 3 – Le troisième partie est dédiée aux lettres de Séraphine Louis écrites pendant son internement à l’hôpital de Clermont. Ces lettres ont été transcrites par Maryline Clin responsable du Musée Henri Theillou de Clermont et Françoise Cloarec auteure d’un ouvrage : La vie rêvée de Séraphine de Senlis, publié en 2008.
Partie 4 – Catalogue raisonné de l’œuvre peint contenant l’ensemble des tableaux répertoriés à ce jour. Pour chacun une fiche technique très détaillée et un historique complet est présenté.
La partie annexes et documents rassemblent une bibliographie, la liste des expositions, tous les renseignements techniques liés à l’œuvre de l’artiste, ainsi que les souvenirs d’enfance d’un senlisien, le Dr H.M Gallot.
Catalogue raisonné de l’oeuvre peint de Séraphine Louis, dit de Senlis. Sous la direction de Pierre Guénégan. Préface Oliver Lorquin. Prix de vente 120 € TTC. 395 pages. Couverture rigide dans un étui cartonné 33 x 25 cm. Disponible le 17/03/21 bilingue français – anglais ISBN : 978-2-9700494-9-4.
Informations pratiques
Le Musée Henri THEILLOU est géré par l’Association Culturelle des Amis du C.H.I de Clermont (de l’Oise).
Le musée est situé au sein du Centre Hospitalier Isarien. 2,rue des Finets- 60600 CLERMONT.