Portraits de cinéma. Solène Combemale, le repérage de décors, une enquête minutieuse sur le terrain

solène combemale

D’une petite maison familiale à une sublime plage reculée, les décors de cinéma sont de véritables pépites à dénicher. Derrière leur aspect chaleureux ou grandiose se cache le travail minutieux d’un repéreur ou d’une repéreuse de cinéma. Solène Combemale exerce cette profession en Bretagne depuis 15 ans et elle a échangé à ce sujet avec la rédaction d’Unidivers. 

Solène Combemale a commencé le cinéma à 20 ans, d’abord en tant qu’assistante : « Tom Dercour et Serge Lalou m’ont fait confiance et m’ont propulsée dans cet univers alors qu’il s’agissait de leur premier film ». Elle est rapidement devenue première assistante de réalisation sur des projets plus gros, mais après un beau début de carrière, Solène est devenue maman et il lui a semblé difficile de conjuguer métier d’assistante et vie de famille. Le repérage de décors faisant souvent partie du métier d’assistant, elle ne s’est pas sentie dépaysée quand elle s’est consacrée à cent pour cent au métier de repéreuse. « Une fois que j’ai commencé à faire ça, je me suis rendue compte que j’étais à la place où je voulais être depuis le début. »

portrait solène combemale

Le repérage de décors, entre adaptation et curiosité

Le métier de repéreur ou repéreuse pour les décors de cinéma est assez peu connu en réalité. C’est un travail qui se fait bien en amont du premier jour de tournage. Solène souligne le rôle clé qu’elle joue dans le passage de l’imagination à la réalisation du projet : «  On arrive à un stade de développement du film qui est encore fantasmé ce qui permet d’apporter des propositions, en amenant parfois le réalisateur ou la réalisatrice vers quelque chose auxquels il ou elle n’avait pas pensé », explique Solène. Lors de ses interventions dans des écoles pour parler de son métier, Solène fait souvent une métaphore : « Le cinéma, c’est une entreprise dans laquelle il y a assez de volonté et de désir pour qu’une personne (le réalisateur) embarque tout le monde dans son projet ».

solène combemale

Après la découverte du scénario et l’échange avec le réalisateur ou la réalisatrice, la seconde étape, qui est la principale dans le métier de Solène, c’est le porte à porte : « Le cinéma fait encore rêver et les portes s’ouvrent facilement », raconte-t-elle. À vélo ou en voiture, elle arpente toute la région pour dénicher des endroits sur mesure. Tout repose sur les rencontres qu’elle fait sur le terrain : « Souvent je vais au bistrot pour discuter avec les gens du coin ». Comme dans une enquête, il est essentiel de faire preuve de curiosité pour s’immerger dans le terrain et échanger avec chacun. Solène met en avant l’importance des relations humaines pour instaurer un climat de confiance. « On ne m’a jamais demandé de justificatifs. »

Un métier à la frontière entre conception et réalisation

Une fois que les lieux sont repérés, la repéreuse envoie tout au réalisateur qui mobilise chaque chef de poste (production, photographie, assistanat de réalisation, régie) pour valider le lieu, en prenant en compte le côté technique et pratique. « Une fois, pour une scène qui devait être isolée, j’avais trouvé un décor parfait à un détail près : il y avait une ligne de chemin de fer un peu au loin avec du passage. La réalisatrice a eu un coup de cœur pour le lieu et a décidé de le prendre malgré cette contrainte », partage Solène. Le travail de repérage s’arrête une fois que chaque décor a été validé. Chaque film est un nouveau projet alimenté par de nouvelles rencontres, ce qui donne parfois lieu à des enchaînements surprenants : « Dans la même journée, je me suis rendue dans un couvent le matin et dans une boîte de nuit le soir pour un même projet ». C’est dans ce genre de moment qu’il faut savoir s’adapter au public qui se trouve en face afin de le mettre à l’aise.

solène combemale

Le processus n’est pas le même en fonction du scénario et de l’époque : « Pour un film d’époque, il faudra par exemple trouver un lieu peu urbanisé, sans câbles électriques, parfois un château ». Trouver un lieu qui correspond exactement aux critères peut s’avérer un véritable casse-tête : Solène prend l’exemple des fenêtres, souvent rénovées selon les normes actuelles, mais qui n’ont plus grand-chose à voir avec celles des années 70 ou 80. Autrement dit, si vous espériez retrouver ce charme vintage des fenêtres à la fois vieillottes et pleines de caractère, il vous faudra un véritable esprit de détective. L’expérience dans le métier permet de saisir rapidement quel type de décors peut correspondre même s’il reste toujours intéressant d’échanger avec des spécialistes du patrimoine afin d’obtenir une expertise. Le réseau facilite la recherche, notamment lorsqu’il s’agit de trouver des lieux cachés et peu connus. « Dernièrement, j’ai eu un réel plaisir à travailler avec Carine Tardieu » confie-t-elle. « Elle a su transmettre son univers de manière frappante, en créant un moodboard détaillant ses intentions de lumière et d’image, accompagné d’une playlist musicale soigneusement choisie. » Cette immersion dans l’univers de la réalisatrice fluidifie le travail de chaque membre de l’équipe.

solène combemale

Ce qui est parfois compliqué dans le métier de repéreuse, c’est de trouver un compromis entre l’idée fantasmée par le réalisateur et la réalité. Solène explique qu’elle a souvent fait face à cette difficulté dans des projets en publicité : « En pub, le client ne se rend pas forcément compte de la réalité du terrain. Ce n’est plus le metteur en scène qui a le droit de regard ». Cette déconnexion avec la réalité est un réel frein à la créativité et aux propositions que peut faire le repéreur ou la repéreuse.

Un métier humain qui passe par la transmission mutuelle

Dans le cadre d’un tournage, Solène s’est récemment rendue dans le Finistère pour rencontrer des marins pêcheurs : « J’ai adoré rencontrer ce monde là à travers un film. Voir comme on est en train de détruire le secteur de l’agriculture m’a bouleversée et j’ai eu l’impression d’être en lien avec ce qui se passe, avec la réalité du terrain. Il y en a qui pleurent, qui sont en colère ». La repéreuse s’est sentie privilégiée de pouvoir être à cette place-là. Par ailleurs, son métier lui offre un nouveau regard sur son activité parallèle de photographe.

Solène travaille avec une compagnie et fait des interventions dans les écoles pour transmettre et vulgariser cette passion et faire comprendre aux jeunes qu’il est possible de s’épanouir dans un métier, bien que celui d’intermittent soit précaire et relativement instable : « Je trouve ça génial de me dire qu’on repart en ayant montré à certains de ces jeunes qu’ils peuvent être éveillés à cela ».

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