Rennes, la ville des illustrateurs et illustratrices aux univers multiples. Unidivers vous présente une série de portraits avec, aujourd’hui, Soraya Dagman. Entre dessin et peinture, l’illustratrice s’aventure dans des portraits hyperréalistes où la technique et l’émotion sont les maîtres-mots.
Soraya Dagman a déjà réalisé une affiche pour un événement de l’Antipode (Piano Day, 29 mars 2017) et illustré la couverture du bimensuel Kostar n°59 (février-mars 2018). Ses dessins au crayon et au feutre ont déjà habillé les murs du Barex’po, rue Jules Simon. Vous connaissez probablement ses dessins, peut-être même son nom.
Après s’être essayée à une prépa Lettres en 2010, la jeune illustratrice est revenue à ses premières amours, la création. Et c’est via le dessin qu’elle a décidé de s’exprimer, dans un premier temps. Quoi de mieux qu’une MANAA (Mise à Niveau en Arts Appliqués) et un BTS en Design Graphic à l’École de Design de Bretagne de Rennes (2012/2014) pour perfectionner ses compétences ? « Je dessinais déjà, mais ce n’était pas très joli – explique-t-elle avec humour. Le BTS m’a permis d’apprendre et tester différentes techniques. Mon style s’est construit avec le dessin au crayon, en expérimentant. J’ai pratiqué pendant plusieurs années avant de m’aventurer dans d’autres techniques comme l’aquarelle, la peinture et la linogravure. Mais mon style n’est pas figé, il changera et évoluera certainement. »
« Je ne peux pas m’empêcher de dessiner, j’ai toujours un petit carnet sur moi. Dès que je suis dans un endroit où je ne peux pas dessiner, je n’arrête pas d’y penser. J’ai hâte d’être le soir et de reprendre ma toile »
Soraya Dagman cherchait dans la technique stricte du dessin des contraintes et de la rigueur. « Le dessin représentait un challenge. À chaque nouveau projet, je voulais être la plus réaliste possible, notamment au niveau des yeux et de la bouche. C’est d’ailleurs pour cette raison que je dessinais essentiellement des visages. » Un style figuratif s’est peu à peu dessiné sur ses feuilles de papier. Des portraits où l’intensité du regard semble toujours plus au premier plan succèdent aux personnages cernés de noir de ses débuts, les yeux parfois blancs. C’est ce qui l’a d’ailleurs toujours motivé. « Ce qui m’intéresse c’est de faire un portrait et de transmettre des émotions différentes à travers le regard. » Il est vrai qu’il est coutumier de dire que les yeux sont le reflet de l’âme et que la meilleure manière de connaître une personne est de la regarder dans les yeux.
Les femmes de Soraya, à la limite de l’hyper-réalisme, prennent alors vie dans un travail graphique où la maîtrise et la finesse du détail s’avèrent impressionnantes. Les ombrages, la souplesse des cheveux et le grain de la peau sont autant de caractéristiques qu’elle réussit à retranscrire avec précision et talent. Leur regard se veut le miroir des émotions humaines. À l’image des croyances, il ne ment pas, trahit la situation émotionnelle de l’individu et donne à voir toute la panoplie de visages que l’humain est capable de mettre en place… C’est dans ce langage non-verbal que l’illustratrice tend à s’épanouir.
Pourquoi des femmes ? D’où viennent-elles ? Sont-elles réelles ou issues de son imagination ? Ces femmes viennent d’ici et d’ailleurs, « je travaillais essentiellement à partir de photographies que je réalisais moi-même. Je n’y ai pas vraiment réfléchi, dessiner des femmes me paraît naturel. » Cependant, cette rigueur l’empêchait de s’exprimer librement, alors le crayon a laissé place aux couleurs de peinture à l’huile. « À trop privilégier la technique, je me suis retrouvée légèrement coincée. J’oubliais de travailler les émotions. »
« La peinture me permet de découvrir autre chose. »
Installée depuis peu dans une petite ville en bord de mer, le calme l’inspire et Soraya passe la journée devant sa toile avec de la musique. « Il y a toujours de la musique chez moi. » Quand Unidivers lui demande quelle musique écouter en regardant ses créations, l’illustratrice réfléchit quelques secondes avant de citer les albums du groupe américain Beach House qu’elle écoute en boucle ou encore celui du multiinstrumentiste Sufjan Stevens, Carrie & Lowell. Des musiques douces et mélodiques, empreintes de rêveries, peut-être même de mélancolie.
La peinture lui apprend à s’émanciper de la technique. Installée devant sa toile vierge, elle n’utilise plus de photographies et crée un visage imaginaire. Son style semble avoir évolué dans la peinture. Des visages, autant paisibles qu’énigmatiques, reviennent dans chaque tableau. Semblables, mais différents. Des monochromes de violet et bleu pigmentent les portraits de sa nouvelle série, « Minuit ». On peut se demander d’où elle tire ses inspirations, ses tableaux étant étrangement familiers. Amatrice d’expositions, elle n’a pourtant pas réellement de modèles et s’inspire de ce qu’elle voit dans les galeries et musées. Encore ici, la recherche de la technique ne semble pas loin… Soraya Dagman aime autant les artistes actuels, « Marine Le Templier, les artistes plasticiens et urbains Supakitsch et Koralie, Franck Pelligrino et sa femme Royale Garance », que les classiques tel que « Edward Hopper pour le traitement des lumières, Marc Chagall, Yves Klein et Gustav Klimt. ». Chacun a leur manière travaille la couleur et la lumière.
L’artiste semble avoir trouvé dans cette nouvelle technique, un univers qui lui convient. « Pour la série “Minuit”, j’avais envie de retranscrire le début de la nuit ou le lever du jour. Cette ambiance où l’on commence à voir ou à ne plus voir. Ces couleurs me plaisent pour travailler les ombrés… Il y a toujours une histoire de technique au final », avoue-t-elle. Malgré cette nouvelle liberté picturale, on sent toujours une technique rigoureuse dans sa manière de traiter la peinture. Il suffit de regarder son travail pour apercevoir les diktats de la technique revenir au galop. Il n’est pas évident de s’en détacher et est-ce réellement une mauvaise chose ?
« J’aime beaucoup les motifs antiquisants, la culture phénicienne… »
Soraya Dagman n’a pas qu’une corde à son arc. Elle entame sa troisième année de thèse en archéologie sur « la restitution 3D d’une cité chypriote ». Un sujet qui résonne avec son travail d’illustratrice et ses affinités artistiques. « Les deux domaines s’entremêlent forcément. La culture chypriote antique est teintée de nombreuses influences : égyptienne, phénicienne, etc. Cela m’inspire beaucoup et j’aimerais mêler les deux sur du long terme. Je réalise beaucoup de croquis, mais à chaque fois que je suis sur la toile, je reviens au portrait en oubliant d’incruster des motifs antiquisants », confie-t-elle avec humour;
« Je vois le dessin comme une manière de dire des choses dont on n’a pas forcément envie de parler. C’est s’exprimer autrement. »
Soraya ne se ferme aucune porte quant à son avenir artistique. Elle reste ouverte à toutes les possibilités futures. Une chose est certaine en tout cas, « le dessin est nécessaire, je ne peux pas faire autrement. » C’est ce qu’on appelle communément une véritable passion. Et en ce moment, c’est la sculpture qui semble l’appeler… « Je ne sais pas encore comment et quand, mais pourquoi ne pas essayer l’argile? » …
Du 06 novembre au 11 décembre 2020, exposition au Barex’po 2 rue Jules Simon
à Rennes. (02 23 61 07 05). Vernissage le 6 novembre 2020.
Pulse Msc jouera pour l’occasion