Chaque mois, Unidivers vous présente ses coups de cœur musicaux, sélectionnés parmi les sorties d’albums et d’EPs du mois en cours. Dans la sélection de février 2022 : LIMPORTANCEDUVIDE de Jacques, Ce que tanguer veut dire de Paul Péchenart, l’EP Rien à fêter de Great Man Hiboo et Sounds of Parade de BOPS.
Le mois de février vit ses derniers moments et sous certains aspects, il ne peut que laisser confiant. Preuve en est, nous sommes aujourd’hui délestés de certaines restrictions qui pèsent sur nos vies sociales et culturelles depuis bientôt deux ans. Après le retour des concerts et spectacles debout, nous pouvons aujourd’hui y assister pour de bon à visage découvert. Dans ce contexte à l’optimisme croissant, pourquoi ne pas accompagner ces moments de liberté et de partage d’une bande son du meilleur aloi ? C’est ce que nous vous proposons aujourd’hui en vous proposant, comme chaque mois, notre sélection des albums qui nous ont fait vibrer pendant le mois écoulé. Sélection à retrouver dès à présent, dans les lignes ci-dessous…
JACQUES – LIMPORTANCEDUVIDE
Depuis ses premiers pas musicaux, Jacques a suivi une évolution artistique étonnante, rythmée par de multiples remous. Né en 1991 à Strasbourg, il passe son enfance auprès d’une mère prof de yoga et d’un père qui n’est autre qu’Etienne Auberger, auteur-compositeur-interprète ayant un temps rencontré le succès à la fin des années 80 avec sa chanson « Ô Sophie ». C’est donc tout naturellement que le jeune garçon évolue dans un environnement propice, qui forge son éducation musicale de plus en plus riche et hétéroclite. A l’âge de 6 ans, il débute la pratique du piano en reproduisant à l’oreille les morceaux de son père et de ses professeurs, avant de succomber au charme de la guitare électrique. Rapidement, il développe un talent certain pour l’instrument et s’oriente directement vers le champ du rock. De sorte qu’à l’âge de 14 ans, il fonde son premier groupe appelé Rural Serial Killers, dans lequel il officie à la guitare solo pendant huit ans.
Au terme de ses années lycée en 2010, il s’installe à Paris pour y effectuer un stage au sein de l’émission Tracks d’Arte. Une expérience d’un mois et demi, qui le confronte et le familiarise à l’effervescence artistique et aux soirées organisées dans les clubs de la capitale. De fil en aiguille, il développe une passion pour la techno minimale, courant alors popularisé par des artistes berlinois comme Paul Kalkbrenner. Si bien que la même année, il fonde le duo Amour Versus, dans lequel il réoriente sa pratique artistique vers un idiome électro-pop. Les années suivantes, il est à l’origine de plusieurs projets créatifs qu’il pilote avec d’anciens compagnons de routes strasbourgeois ou nouveaux amis parisiens. Au début des années 2010, il co-fonde ainsi le collectif Pain Surprises qui voit notamment l’émergence de Jabberwocky, puis ouvre trois squats artistiques dont Le Point G dans le 19ème arrondissement de Paris.
A cette même période, il est interpellé par les bruits divers et variés qui emplissent son environnement de travail et dont il perçoit un intérêt créatif. Petit à petit, ils deviennent l’une des matières sonores privilégiées de ses premières improvisations et créations instrumentales, qui le démarquent de ses pairs. C’est sur cette base qu’en 2013, il lance sa carrière solo et débute la conception de son premier EP Tout est magnifique à la SIRA d’Asnières-Sur-Seine. Sorti en 2015 sur le label Pain Surprises, ce premier essai lui permet d’entamer une tournée qui l’emmène au quatre coins de la France et du monde. L’année suivante voit le succès de son premier morceau chanté « Dans la radio » : une commande de la station France Culture, interprétée dans plusieurs langues et dont l’instrumental est composé de bruits enregistrés dans la cantine de Radio France. Suite au succès du titre, il délivre un premier album A Lot Of Jacques, qu’il créé en direct sur le net devant ses fans.
La date du 18 décembre 2017, quand à elle, marque un tournant douloureux dans la carrière de Jacques. Alors qu’il fête son anniversaire chez des amis, son studio se retrouve cambriolé et dévalisé du matériel que l’artiste avait acquis pour ses concerts suivants. Eprouvé par l’évènement et lassé de son rythme créatif, Jacques décide d’annuler le reste de sa tournée. Ce faisant, il se retire également de la vie mondaine et part vivre trois ans dans le village de Taghazout au Maroc. Une retraite de trois ans qui l’amène à se recentrer et à rebâtir un nouveau studio, afin de continuer son œuvre. A la même période, il réalise des collaborations en tous genres, notamment avec le magazine GQ et la marque Gucci. Il travaille également sur les projets de plusieurs artistes de renom, dont les groupes Salut c’est Cool et Superpoze, avec lequel il créé le morceau « Endless Cultural Turnover » (2019).
Mis à part le titre « HooHooHoo Hahaha » dévoilé en 2019, ce n’est qu’au début du premier confinement, le 13 mars 2020, que Jacques reprend véritablement en main sa carrière solo. Pendant plus d’un an, il se consacre ainsi à la création de treize nouvelles chansons qui marquent aujourd’hui son grand retour sur la scène française. Elles sont aujourd’hui unies au sein de l’album LIMPORTANCEDUVIDE, sorti le 11 février dernier sur le label Recherche & Développement.
A travers LIMPORTANCEDUVIDE, Jacques nous présente un album conceptuel et un style difficilement classable, dans lequel il fait la synthèse entre ses recherches instrumentales, ses influences électroniques et une vision personnelle de la chanson en français. On y retrouve alors ce qui fait sa signature depuis ses débuts en solo : des sons ambiants samplés et agencés comme textures sonores, tissés autour de parties de synthétiseurs et de rythmiques aux tempos entraînants ou plus contemplatifs. Il en résulte un univers musical aussi atypique qu’attachant, marqué d’instrumentations tour à tour solaires ou doucement mélancoliques. De même, on est agréablement surpris d’y percevoir ça et là quelques parties délicates de guitare électrique, qui contribuent à l’aspect réchauffant de l’ensemble.
Parallèlement aux instruments et à ses samples bruitistes, cet album fait aussi la part belle à la voix. Celle de Jacques, caractérisée par un timbre doux et nonchalant, proche d’artistes comme Flavien Berger et parfois harmonieusement mis en relief par le biais de l’auto-tune. Dans le même mouvement, elle laisse transparaître une apparente bonhomie, qui nous procure de bonnes vibrations et une chaleur communicative. Dans ces treize morceaux, Jacques porte également des textes et un propos qui, a priori, pourrait paraître fantaisistes, voire même absurdes. Il n’en est rien : car sous ses contours décalés, l’artiste aborde ses obsessions et livre son propre éclairage sur notre condition humaine. A cet égard, il nous partage ses interrogations et considérations souvent existentialistes ou métaphysiques, qui nous apparaissent aussi pertinentes que vertigineuses.
Au prisme de sa vision de quasi philosophe, Jacques évoque également ses expériences d’amitiés et d’amours déçues, ou encore nos renoncements collectifs et nos promesses souvent non tenues. Aspect que l’on retrouve dans l’argument du morceau « Ca se voit », que le Strasbourgeois a dévoilé en exclusivité le 30 novembre 2021. Accompagné au chant par Clémence Qélénnec du groupe La Femme, il y adresse un message à ceux d’entre nous qui ne parviennent pas à exprimer leur personnalité véritable, dans un monde sur-stimulé d’informations et en proie à une sur-activité des plus épuisantes. Un appel au lâcher-prise et à l’épanouissement qui ne peut que réjouir dans la période actuelle…
Sorti le 11 février 2022 chez Recherche & Développement.
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PAUL PÉCHENART – CE QUE TANGUER VEUT DIRE
Depuis près de 50 ans, Paul Péchenart s’illustre comme l’un des plus fervents artisans du rock hexagonal. Né en 1954 à Paris, son adolescence est rythmée par les disques des grands groupes de rock anglais de la fin des années 60, notamment les Who et Led Zeppelin, ainsi que la scène américaine incarnée entre autres par Steppenwolf et les Stooges. Electrisé par la fougue et l’attitude rebelle de ses idoles, il s’empare très vite d’une guitare et en 1973, il co-fonde le groupe rouennais Les Dogs en compagnie du chanteur Dominique Laboubée, le bassiste François Camuzeaux dit Zox et le batteur Michel Gross. Avec eux, le jeune guitariste participe aux premières années de la formation, qui fait ses classes sur scène et se produit en première partie de Little Bob Story à L’Elysée Montmartre, puis à la Salle François Ier du Havre.
En 1975, pourtant, Paul Péchenart et Zox décident de quitter le groupe pour rejoindre celui de Larry Martin. Ce musicien et arrangeur, également producteur pour le label indépendant Saravah, avait alors pour habitude d’accompagner avec son groupe de nombreux artistes de blues américains, venus tourner et enregistrer en France. C’est ainsi qu’au cours des années 80, Péchenart se retrouve à assurer des parties de guitare pour les sessions studio et les tournées européennes d’éminents artistes du pays de l’Oncle Sam. Parmi eux, figurent notamment le fameux Screamin’ Jay Hawkins, mais également Luther Allison, Jack Dupre ou encore Sonny Rhodes. Les années suivantes, il rejoint de multiples formations et projets orientés rock et punk, officiant notamment auprès de Johan Asherton, ou encore Jay Ryan de Jay And The Cooks. On le retrouve également au sein des Froggies puis dans la formation Outlines, à la fin de la décennie 80.
C’est à cette même époque que Paul Péchenart s’oriente peu à peu vers une « parenthèse décalée », envisagée comme un pas de côté dans son parcours. Il prend alors la plume et écrit ses premières compositions, qui explorent un registre intimiste et davantage tourné vers la chanson en français, plus éloigné du registre brut de ses projets précédents. Une démarche qui aboutit à la création de son premier album éponyme, qui sort en 1995 sur le label Zap Zap Records. 4 ans plus tard, il fonde le groupe Capucine, du nom de sa fille présente dans la formation, en compagnie également de son fils Paul Péchenart Jr. à la guitare et Esteban Avellan à la basse. Durant près de 10 ans, le quatuor enregistre régulièrement et joue sans relâche, donnant près de 150 concerts en région parisienne et dans le reste de la France. Cette parenthèse prend cependant fin en 2008, année où la chanteuse Capucine quitte le groupe et part s’installer au Canada.
Désormais en formule trio, Paul Péchenart poursuit et affine sa dynamique, au fil de quatre albums qui paraissent entre 2010 et 2018. Entre temps, son groupe s’agrandit à deux reprises suite à l’arrivée de Christelle Redouté au chant puis de Théo Bertou à la batterie. De même, le guitariste continue de collaborer avec des artistes et des groupes de tous horizons, tels que les albums Sous tes yeux et Sans couleurs fixes de la formation punk Stygmate, ou encore les trois opus de May Edda, artiste plus ancrée dans le registre de la chanson française. Une manière également de rentrer en contact avec de nouveaux univers musicaux, qui lui permettent de mieux étoffer son jeu de guitare et sa pratique artistique.
A la suite de son album Un enfant de la rue (sorti en 2019), Paul Péchenart nous délivre son tout nouvel opus Ce que tanguer veut dire, paru le 18 février dernier sur le label Juste Une Trace.
Dans cet opus, enregistré au studio Accès Digital de Rouen, le rockeur y déploie des instrumentations aux contours atypiques, formant un style parfois dépouillé et qui révèle des influences multiples. En compagnie de ses musiciens, désormais rejoints par le claviériste François Casaÿs, il exploite des éléments tour à tour puisés dans l’énergie du punk rock, des sonorités claires plus proches du folk rock, ou encore des contretemps rythmiques évoquant le reggae et le ska jamaïcains. Mais avant tout, Ce que tanguer veut dire est traversé de la voix caractéristique de Paul Péchenart, qu’on retrouve toujours aussi expressive et mélodieuse. Soutenue par les choeurs souvent angéliques de Christelle Redouté, son timbre clair et léger le rapproche par moments d’artistes comme Alain Chamfort. Elle adopte aussi, par moments, un aspect légèrement plaintif et traînant qui évoque immédiatement la signature vocale d’Alain Bashung.
Par ailleurs, les 11 chansons de ce sixième album renferment des textes semi-autobiographiques, par lesquels Paul Péchenart relate ses « contes urbains » parfois empreints de fougue et de passion, mais qui reflètent également une nostalgie palpable. L’ancien guitariste des Dogs met alors en mots des failles et des fêlures, laissées parfois par des passions amoureuses tourmentées. Des états d’âme qu’il retranscrit avec poésie via une urgence contagieuse, ou au contraire une mélancolie tantôt sombre et désespérée, ou plus apaisée et solaire, voire même doucement rêveuse.
C’est aussi l’occasion pour l’artiste de faire le point sur les enseignements qu’il tire de sa vie passée, comme on le perçoit en outre sur la chanson titre de l’album, « Ce que tanguer veut dire ». Un morceau résolument contemplatif et minimaliste, construit autour d’une rythmique placide de la batterie de Théo Bertou ainsi que le jeu relâché aux guitares de Paul Péchenart père et fils, dans un style satiné rappelant le soft rock des années 70. Avec une profondeur certaine, l’artiste y aborde des étapes complexes qui jalonnent nos vies respectives. De fait, il y rappelle que nous oscillons souvent entre hésitations, accidents de parcours et renaissances, loin du chemin tout tracé que nous voudrions tant emprunter. Un va-et vient entre ombre et lumière qui, sans doute, fait aussi tout le sel de nos existences…
Sorti le 18 février chez Juste Une Trace.
En écoute sur Youtube/Deezer/Spotify
En achat sur le site de Juste Une Trace
GREAT MAN HIBOO – RIEN A FÊTER
Si l’identité de Great Man Hiboo est gardée secrète, son créateur n’est pas pour autant un nouveau venu sur la scène rennaise. De fait, ce nom étrange est l’avatar le plus récent d’un beatmaker et producteur rennais émérite, qui s’illustre dans le domaine musical depuis ses 16 ans. Pendant deux décennies, ce musicien curieux, qui se définit comme « multi-cartes », s’illustre sur scène et en studio au sein de différents projets. Il explore tout d’abord la new wave et les styles populaires des années 80, le répertoire classique avec des chorales d’enfants, ou encore des productions musicales hétéroclites et réalisées dans plusieurs pays du monde, notamment au Niger et en Inde. Au gré de ces expériences, il se forge alors un parcours artistique riche, qui lui permet d’explorer une palette assez large d’esthétiques et de se constituer un solide bagage d’influences. Une démarche mûe par sa passion grandissante pour la création de spectacles et d’univers singuliers et affirmés.
En parallèle, le Rennais nourrit l’envie d’exploiter un registre plus éloigné de ses autres projets, pour se tourner davantage vers les musiques électroniques et le hip-hop qu’il affectionne depuis son adolescence. Cette aspiration mûrit au fil du temps, pour émerger petit à petit au gré de ses multiples rencontres. Un beau jour que l’artiste travaille avec son ami ingénieur du son Vincent, il est amené à collaborer avec le rappeur Billa Camp de Chicago, auquel il envoie la maquette d’un premier instrumental de registre hip-hop. Séduit, ce dernier accepte d’y poser sa voix sur des couplets écrits de sa plume, créant la trame textuelle de ce qui devient le morceau « Western Life ». Cet évènement pose alors les fondations d’un nouveau projet, que le beatmaker baptise Great Man Hiboo, véritable alter ego mi-humain mi-hibou. Un personnage énigmatique, dont la vie sociale se déroule à l’abri des regards et qui dissimule son visage sous une large capuche le jour, d’un masque de hibou la nuit pendant les concerts et dans le virtuel.
Peu à peu, Great Man Hiboo développe un peu plus son univers et poursuit sa dynamique créative. Après deux autres singles parus en 2019, il sort ainsi son premier EP Great Man Hiboo EP4 le 7 février 2020 chez Label Caravan. D’abord destiné à vivre sur le web et les réseaux sociaux, le projet s’agrandit progressivement, pour aboutir à une forme scénique et trans-média. Si bien qu’en février 2020, le producteur entre en résidence à L’Antipode avec Billa Camp et son compatriote Shane. En leur compagnie, il donne ses premiers concerts dans la SMAC rennaise, pendant lesquels ils rencontrent leur premier tourneur et des programmateurs qui les intègrent à leurs évènements pour l’année suivante. L’année 2021, quant à telle, s’achèvera par une performance remarquée que donne Great Man Hiboo le 3 décembre au 1988 Live Club, à l’occasion des Bars en Trans.
Aujourd’hui, Great Man Hiboo nous revient et délivre son nouvel EP, intitulé Rien à fêter et sorti le 22 février dernier.
A travers les 5 morceaux de ce nouvel opus, Great Man Hiboo a affiné l’esthétique multi-directionnelle qu’il ébauchait sur son EP précédent. Sur le plan instrumental, Rien à fêter se pare de boucles hypnotiques de synthétiseurs et d’éléments tirés des esthétiques électroniques comme la house, articulées autour de rythmiques marquées et puisées dans les divers styles du hip-hop telles que la trap, ou des styles connexes comme le ragga.
Pour Great Man Hiboo, la création de cet EP a également marqué ses retrouvailles avec le fidèle Billa Camp, qui déroule sa patte sur les couplets du morceau « Back Home ». Pour renforcer l’identité musicale de cette nouvelle création, il s’est également entouré de trois autres artistes aux personnalités et aux sensibilités vocales distinctes, qui l’ont accompagné pendant sa prestation aux Bars en Trans. Outre Billa Camp donc, il met aussi à l’honneur le flow frénétique de la rappeuse Tracy De Sa, ainsi que deux artistes montants de la scène rap de Bretagne: les Finistériens Don Gabo et Reynz. C’est d’ailleurs ce dernier qui ouvre l’EP en posant sa voix sur sa chanson-titre, « Rien à fêter ». Un morceau minimaliste et structuré autour d’une rythmique marquée, d’un ostinato vocal et de synthétiseurs obsédants, aux sonorités parfois proches du crunk des années 2000. Le texte de Reynz, quant à lui, se veut le reflet de la dualité qui assaille une partie de la jeunesse, dont le désœuvrement et la perte de sens trouvent leur échappatoire dans un mode de vie festif et débridé.
L’argument du morceau est également illustré par son clip, réalisé par le vidéaste NOBODYDUDE! et dévoilé le 25 février dernier sur la chaîne YouTube de Great Man Hiboo. Il met en scène une soirée solitaire et chaotique, dont le personnage principal est ici incarné par Patrice Arcens, artiste connu notamment sous son alias Mister Triss au sein du groupe disco rennais Eighty.
Sorti le 22 février 2022 chez Label Caravan.
En écoute sur YouTube/Deezer/Spotify
BOPS – SOUNDS OF PARADE
Pur produit de la scène musicale rennaise, BOPS est né de l’impulsion de trois frères : les musiciens Louis, Oscar et Germain Cozic-Bop. Pendant leur enfance, les trois garçons découvrent la discothèque de leur père, laquelle met à l’honneur la musique populaire américaine dans sa diversité. Biberonnés au blues, au jazz et au rock’n’roll, chacun d’eux développe sa pratique musicale indépendante: Germain à la guitare, Louis à la basse et Oscar à la batterie. Dans le même temps, ils partagent une culture musicale de plus en plus conséquente, qui tire ses références communes dans les diverses sensibilités du rock. Ils se retrouvent notamment dans les harmonies chorales des Beach Boys, le songwriting des Beatles et des Kinks, ou encore la patte instrumentale des White Stripes.
C’est au moment de leur adolescence, passée à Rennes, que Louis, Oscar et Germain assistent à leurs premiers concerts à l’Ubu et élargissent leur spectre de références. A cette même période, les trois musiciens infusent aussi une nouvelle inspiration puisée dans la musique surf et le garage rock, qui résonne alors dans les murs de la capitale bretonne et représentée à l’époque par des formations comme les Madcaps. Influencés par cette nouvelle scène musicale, la fratrie décide de s’illustrer dans cette veine et en 2014, elle fonde sa propre combo, appelé BOPS.
Dans un premier temps, la nouvelle formation se réunit autour de titres de blues puis, très vite, elle inaugure son propre répertoire par trois compositions. La première d’entre elles, « Oldman », est enregistrée en juillet de la même année au studio Anti-Pop de Guingamp et envoyée en démarchage aux cafés-concerts. Au bout d’un an, le trio dispose de 5 chansons originales qui forment son premier EP 156, enregistré au Cocoon Studio de Vern-Sur-Seiche et dévoilé le 1er septembre 2015 en auto-production. Ayant déjà assuré une vingtaine de concerts dans les bars des alentours, les trois frères multiplient les passages sur les scènes des cafés-concerts et des petites salles. Cette même année, ils foulent la scène du Oan’s Pub au festival I’m From Rennes le 24 septembre, puis réalisent leur première performance à l’Ubu le 26 novembre.
Puis en octobre 2017, sort leur premier album éponyme édité chez Mauvaise Foi Records et distribué en Europe sur le label anglais Rose Coloured. Un opus qui reçoit un très bon accueil critique et qu’ils défendent sur soixante dates pendant quatre tournées européennes, qui passent notamment par le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. Dans l’Hexagone, on les voit sur la scène du Supersonic parisien en novembre 2018 et au Quai 13 à Rennes pour les Bars en Trans, le 8 décembre de la même année. Entre temps, ils ont été rejoints aux claviers et à la guitare par Tom Beaudouin, également membre de Fragments et de Soja Triani, qui les acompagne désormais sur scène et en studio.
Au fil de ses tournées et de son temps libre, BOPS reprend également le chemin de la création. Le 15 avril 2020, en plein premier confinement, le groupe dévoile ainsi une live-session d’un morceau inédit « No Job », filmée à l’initiative du festival I’m From Rennes et de l’association Rennes Musique. Peu après, il est succédé au mois de mai par le clip du titre « Sleeplessness », que le trio a tourné dans l’ancien manoir de la styliste Nina Ricci à Morlaix. Deux morceaux qui constituent alors les premiers extraits de leur nouvel album. Baptisé Sounds of Parade, il est sorti le 25 février dernier chez Le Cèpe Records.
Contrairement à leurs opus précédents, conçus dans la veine « garage pop », le trio opère ici un nouveau virage esthétique enthousiasmant. Dès ses premières secondes, il révèle un son plus ample, un style plus bigarré et résolument mouvementé, à travers lequel les trois frères manient habilement les codes des répertoires pop et rock des 60 dernières années. S’y côtoient ainsi les rythmiques et harmonies mouvantes du rock progressif des années 70, la rythmicité du post punk de la décennie 80, ou encore les rythmes et les schémas vocaux de la pop et du rock des années 60. Cette nouvelle identité est le fruit d’expérimentations sonores auxquelles s’est adonnée la formation en studio, entre autres sous la supervision des producteurs Joris Saïdani et Baï de La Chambre Jaune. Dans cette optique, BOPS bénéficie également du soutien instrumental de l’Orchestre Symphonique bulgare de Sofia, dont les arrangements signés Tom Beaudouin offrent un relief supplémentaire à trois des morceaux de l’album.
A l’écoute de Sounds of Parade, on constate également que les frères BOPS retraduisent des humeurs et des atmosphères contrastées, dont les mouvements incessants rythment tout ce second album. Sous leur apparence de grandiloquence d’opéra rock, parfois proche de formations comme Queen, le trio déploie une verve à la teneur souvent acerbe et désenchantée. Une succession d’états d’esprit qui s’incarne dans les divers registres vocaux employés par Germain et Louis. Ces derniers s’illustrent notamment d’un ton plaintif ou traînant, rappelant Damon Albarn et Ray Davies, ou encore une voix de tête plus subtile, détentrice d’une naïveté de facade.
Dans cet esprit ironique et désillusionné, le contenu textuel de Sounds of Parade semble entrer en continuer avec celui de l’opus précédent, qui traitait de sujets liés à des enfances difficiles ou aux déviances en tous genres. Car loin de verser dans la candeur et les bons sentiments, BOPS y met plutôt en scène des personnages et des situations qui reflètent les inquiétudes contemporaines et les vices du monde actuel : la violence sociale et politique, le nationalisme ou encore la problématique du genre.
Parmi les protagonistes qui peuplent cet album, figure en outre l’activiste anarchiste François Koënigstein dit « R.AV.A.C.H.O.L. », guillotiné pour l’exemple à la fin du XIXe siècle et qui donne son nom à l’une des chansons. Le trio lui rend ici hommage et justice, en donnant la parole à son fantôme qui hante également le clip délicieusement déjanté du morceau. Filmé à Rennes, il met en scène le dissident qui, dans un contexte post-mortem, continue sa lutte contre les élites sociales, à l’occasion d’une partie de golf organisée entre gens bien nés…
Sorti le 25 février 2022 chez Le Cèpe Records/Lofish Records/Freakout Records (distribution Modulor).
En écoute ICI
En achat sur Bandcamp
BOPS sera en concert de “release party” le 12 mars 2022 à l’Ubu de Rennes, en compagnie de Mustang et Simone D’Opale.
Certains des morceaux présentés dans cette sélection sont à retrouver dans la playlist d’Unidivers :