La compagnie de théâtre l’Onde, basée à Strasbourg, vient produire une onde de choc sur le campus Villejean de Rennes le 4 février 2025. Sous la direction de Manon Ayçoberry, la compagnie présente Entre les deux il y a Gênes, une création théâtrale et radiophonique qui revient sur les manifestations de Gênes en 2001.
Manon Ayçoberry a suivi une formation en sciences sociales avant de rejoindre un conservatoire de théâtre et de musique pendant son master : « À ce moment-là, je faisais plein de choses qui n’étaient pas vraiment liées et j’avais du mal à trouver un sens », confie la metteuse en scène. Le projet de la compagnie de l’Onde lui a semblé être un bon fil conducteur entre ses différentes activités.
Manon a fondé la compagnie avec des camarades rencontrés pendant sa formation d’art dramatique au conservatoire Erik Satie (Paris 7ème). Entre théâtre, musique, danse et créations sonores, chaque projet est un moyen d’expression et d’action : « Le projet de cette compagnie m’a permis assez naturellement de faire des ponts. C’est une manière de s’engager autrement qu’en faisant purement de la politique ou du journalisme, mais par le théâtre », souligne Manon. « On reste dans une démarche assez collective dans le travail. Entre les deux il y a Gênes devait être notre projet de fin d’études à la base et au final, c’est un spectacle qui a eu une vraie tournée ». L’Onde rayonne dans plusieurs lieux en France, que ce soit des salles de spectacle dédiées ou des lieux « non-dédiés » : « Nous avons fait quelques festivals en plein air, nous avons intervenu dans des lycées pour aller directement chercher le public ».
Des événements passés faisant écho à des événements encore actuels
L’origine du spectacle, c’est le texte Gênes 2001 de Fausto Paravidino : « J’étais très étonnée de ne pas connaître cette histoire et c’est cette sidération qui m’a amenée à vouloir monter ce texte », raconte Manon. « J’ai voulu montrer cet héritage de la répression policière en Italie depuis des décennies. C’est un exemple fort d’une confrontation entre la réalité actuelle et la réalité passée. » En effet, les événements de Gênes résonnent avec ce qui se déroule pendant que les représentations ont lieu : « La mort de Nahel a beaucoup fait parler au moment où nous allions jouer à Avignon ». Ce qui devait être une adaptation du texte de Fausto Paravidino s’est transformé en un spectacle pluriel, notamment lorsque Manon a découvert le livre Entre les deux il n’y a rien de Mathieu Riboulet : « L’auteur parle de son propre engagement pendant les années de plomb qui ont été très violentes du côté des manifestants et de la police en Allemagne et en Italie ».
« C’est un exemple fort d’une confrontation entre la réalité actuelle et la réalité passée ».
La metteuse en scène part ces événements pour ensuite s’interroger sur l’impact de l’histoire de Gênes sur le militantisme et la résistance du corps collectif de la jeunesse : « C’est devenu un spectacle documentaire car on raconte de vrais événements à un public dans cette forme du récit et de la réalité. Le récit se fait dans le micro car je voulais travailler sur la création radiophonique », précise Manon. Le spectacle repose beaucoup sur le son et la radio, notamment en utilisant d’anciens extraits d’émissions de radio ou de JT : « On se concentre sur ce que l’écoute peut transmettre donc au niveau des images, on choisit quelque chose de radicalement simple ». Ce sont des comédiens et comédiennes qui parlent directement au public, de manière frontale.
Une création à portée universelle
Le travail autour de ce spectacle vise à instruire les personnes de tous âges : « La première fois qu’on l’a joué dans un lycée, on nous a demandé pourquoi ce n’était pas au programme. Cela m’a ramenée 3 ans en arrière ». Entre deux il y a Gênes offre un regard universel qui peut résonner en chaque individu, quelle que soit sa situation. Les scènes de discours et de radio sont coupées par des scènes de danse qui illustrent le relâchement, le besoin de laisser les corps s’exprimer : « Des militants nous ont dit que cette scène leur donnait envie de se rassembler, de danser, de désintellectualiser cet art », confie Manon. «Clément Berthou a composé les musiques du spectacle et la danse s’est ajoutée au reste de manière assez naturelle. C’est un moment où on a senti qu’on devait laisser nos corps parler sur un morceau qui s’appelle On danse comme on pleure ».
Dans le travail de recherche de documentation, chaque information a été décortiquée pour un résultat en accord avec leur représentation et leur vision des événements : « Il nous a fallu comprendre pourquoi les récits militants sont parfois instrumentalisés mais également l’importance de ne pas sacraliser ces textes ». Ils ont rencontré le collectif de solidarité à Vincenzo Vecchi qui a été accusé du délit de « dévastation et pillage » lors des manifestations altermondialistes à Gênes. Au fil des représentations et des événements marquants en France et à l’étranger, le spectacle évolue et s’enrichit tout en gardant un sens commun : « Chaque phrase nous portait et résonnait différemment en fonction de la période ».
Les textes et les représentations demandent une grande capacité d’écoute ce qui n’est pas toujours facile pour des publics jeunes. La Compagnie propose ainsi des actions culturelles de médiation pour faciliter la compréhension tout en initiant la prise de parole : « On propose des ateliers de théâtre, d’écriture ainsi que de création de podcasts où on enregistre des textes écrits par les élèves ou des textes littéraires ». Le vendredi 31 janvier, de 9h30 à 18h, un atelier de fiction sonore à partir de textes issus de la pièce sera proposé au étudiant(e)s de l’Université de Rennes 2. Réserver l’atelier.
Manon souligne l’importance des rencontres qui enrichissent leurs projets et notamment celui sur Gênes : « S’il a une telle longévité, c’est grâce à toutes les personnes qu’on a rencontrées et au fourmillement que ça a engendré ». Pour les projets à venir de la compagnie, Manon imagine rester dans cette même dynamique, en se focalisant sur des sujets contemporains mais aussi le principe de réappropriation de la violence. Les artistes travaillent actuellement sur le texte Deux ou trois choses dont je suis sûre de Dorothy Allison, un texte qui parle de violences sexuelles, de rapport entre le corps et les émotions et de tout le travail de reconstruction qui en découle.
INFOS PRATIQUES:
Pour assister à la représentation, rendez-vous au Tambour sur le campus Villejean le mardi 4 février 2025 à 20h.
Tarifs : 12€ / 5€ / 3€ / Gratuit pour les étudiant·es des universités de Rennes (réserver sa place)
À voir aussi :
– Rencontrez la metteuse en scène de la compagnie L’ONDE, Manon Ayçoberry, lors de l’enregistrement public du podcast Cracker l’époque le jeudi 30 janvier au Tambour.
– Le spectacle du 4/02 suivi d’un temps d’échanges avec l’équipe artistique animé par Giuseppe Coniglio, directeur du Département d’Italien et Romain Huët, maître de conférences en sciences de la communication à l’Université Rennes 2.
– Étudiant·es Rennes 2, participez à un atelier d’écriture et de fiction sonore avec la compagnie de L’Onde. Contact : 02 99 14 11 47 ou s-culturel@univ-rennes2.fr`