Stand High Patrol est à l’affiche de la deuxième édition du Green River Valley Festival, qui se tient les 8 et 9 juillet 2022 à la ferme des Cara-Meuh !, à Vains (Normandie). En 2021, le groupe breton devenu incontournable sur la scène dub française soufflait leur vingtième bougie et la rédaction Unidivers avait rencontré Rootystep, Mac Gyver, Pupajim et Merry en octobre de cette année-là, à l’occasion de la soirée House Of Dub #2, ville qui a vu naître leurs débuts.
Est-il vraiment utile de présenter au public breton Stand High Patrol ? Fondé en 2001 par les amis d’enfance Rootystep et Mac Gyver, vite rejoint par Pupajim, MC, chanteur et compositeur officiel du groupe, puis par le trompettiste rennais Merry, le groupe s’est fait une place de choix sur la scène dub française. Il faut dire que depuis ses débuts à Rennes il y a 20 ans, jusqu’au succès qu’on lui connaît aujourd’hui, le groupe a cultivé sa propre approche d’un genre pourtant très codé, se distinguant au contraire par son incessante recherche d’originalité.
Débuts à Rennes. L’ambiance folle des années 2000
Fondé en 2001, Stand High Patrol a fait ses armes dans la vie nocturne de la capitale bretonne, à une période où beaucoup de soundsystems éclosent en ville. « C’était plus une mode ragga dance hall, une musique qui s’appuyait sur les chanteurs alors que le dub était plus basé sur l’instrumental, avec une influence jamaïcaine », se rappelle Mac Gyver. Le trio s’épanouit au milieu de soundsystems comme Legal Shot, Big Ben, Munky Lee ou encore Mystical. « On était tous de la même génération, on sortait autant qu’on jouait », précise-t-il. « Tout le monde était dans le même milieu, mais il y avait quand même une grande diversité. Chacun avait sa singularité. »
Surnommés amicalement les « Dubadub Musketeerz » par le musicien Tena Stelin, les membres de Stand High Patrol fréquentent et se produisent dans les bars familiers des Rennais.es de l’époque, notamment Le Petit Bazar, l’actuel Melody Maker, sis rue Saint-Melaine. « C’est un bar bien étroit, blindé de monde avec l’ambiance rennaise qu’on connaît. C’était la folie de 23h à 1h du matin », raconte Rootystep. Le foyer de l’INSA a également accueilli le jeune groupe, tout comme le Sympatic Bar de la rue Saint-Michel, un souvenir qui reste mémorable à les écouter. « On jouait à l’étage. Il faisait hyper chaud et la condensation tombait du plafond. C’était bien n’importe quoi », poursuit-il en rigolant. « On sortait la tête par la fenêtre et on voyait toute la rue Saint-Michel blindée de monde. »
On est au début des années 2000 et le cœur de Rennes bat au rythme des sons qui s’échappent des bars. Il en émane une ambiance rock’n roll, festive, caractéristique de Rennes. À l’heure actuelle où la rue de Saint-Michel est asphyxiée par la Ville de Rennes, à l’instar de la rue Saint-Malo il y a une quarantaine d’années, la fameuse “rue de la soif” a été un temps une véritable pépinière d’artistes. Elle a permis à Stand High Patrol de progresser musicalement avant de jouer au Mondo Bizarro, leur première vraie scène, autre institution rennaise sinistrée aujourd’hui. « On a halluciné de l’évolution de Rennes. La programmation est beaucoup plus diverse dans les salles comme l’Antipode, l’Ubu, et c’est cool, mais inévitablement, il est de plus en plus difficile de créer des événements », souligne Rootystep face à ce constat qui pénalise fortement les jeunes artistes. Pupajim précise : « Ces petits lieux ont vraiment été formateurs pour nous avant de faire de la scène. »
Original dub
La capitale bretonne a accompagné leur épanouissement musical avant que le groupe ne se fasse connaître avec le morceau « Television Addict », sorti sous leur label Stand High Patrol Records, lancé en 2009, puis diffusé sur Radio Nova.
Rebaptisé dub-a-dub par Tena Stelin, le style de Stand High Patrol s’inscrit dans une grande liberté de création et d’expérimentation. Dans leurs productions comme dans leurs collaborations, ils recherchent l’originalité du son, sans se fixer ni contraintes ni limites, pour le plaisir de créer un son à leur image. Les Suisses Ns Kroo (2016) et le Français Stepart (2017) ont d’ailleurs signé sur leur label. « Stepart a une manière différente d’approcher la musique dub, on sent l’influence musicale autre que la culture dub, et NS Kroo apportait des éléments jazz à sa musique », souligne Pupajim. « Tous deux ont une solide culture reggae dub, mais écoutent aussi d’autres musiques, ce qui apporte du nouveau. »
Depuis leur premier album Midnight Walkers en 2012, résolument reggae dub, la discographie de Stand High Patrol ne cesse de révéler un éclectisme musical qui prend sa source principale dans le dub et le reggae, laissant parfois la place à d’autres styles de musique comme le jazz. « Dans la composition, on essaie toutes les idées. Puis, quand on a besoin de morceaux pour des lives, certains sont assemblés par Rootystep pour correspondre à l’heure à laquelle on joue, à la taille de l’événement ou selon qui joue avant ou après nous », explique Mac Gyver. « On a la liberté d’aller dans tous les sens pendant une soirée puisqu’on ne se donne pas de limites dans les productions. »
Chaque album s’attache à un style, une envie musicale à un instant T. « On fonctionne par cycle en termes de goût. On n’écoute pas tous la même chose au même moment », déclare Pupajim. En 2015, ils surprennent avec A Matter of Scale (2015) plus orienté jazz et The Shift (2017), témoin de leur attachement aux sons hip hop des années 90. En 2018, Pupajim laisse le micro à la chanteuse Marina P pour l’album Summer of Mars, un flirt musical entre l’esthétique dub et la future soul.
Traditionnel dans le process de production, leur plus récente collaboration, Joe York et Eeyun Purkins, en 2020, n’en est pas moins originale puisqu’ils proposent une nouvelle fois une musique sur laquelle on ne les attend pas. « Joe York a une voix très spéciale. À la base, on voulait juste enregistrer un morceau que l’on pourrait jouer en soirée », raconte Pupajim. « Les paroles ont été écrites avec Eeyun [Purkins]. Et le morceau était tellement bien qu’on a décidé de le sortir. »
Our own way. Le chemin musical de Stand High Patrol
De toutes ces réflexions et recherches musicales est né leur dernier album, Our Own Way, sorti en 2020, véritable révélateur de la patte Stand High Patrol. Après l’expérimentation des précédents albums, et plus de dix ans après ses premières productions, le groupe signe un retour aux sources et aux sons qui font l’essence de leur musique. « On revient au style de nos débuts en ayant écouté d’autres sons, et donc, avec un nouveau regard », affirme Pupajim. Cet enrichissement de leur culture musicale leur a permis de composer différemment les morceaux reggae, mais toujours avec la même facilité. « C’était beaucoup plus dur de créer les albums moins reggae, on était plus dans la recherche. Revenir à un album comme celui-ci est plus facile. » L’album, très mélodique, comporte des titres très reggae tandis que d’autres plongent dans les nappes profondes des musiques électroniques (« The Train », « D Funk ») ou dans les musicalités jazz.
L’album consacre également l’implication du trompettiste rennais Merry dans le processus de composition, avec qui le groupe collabore depuis 2014 – notamment pour les chansons « Geographic » et « Tempest » de l’album A Matter of Scale (2015). « Pour le deuxième album, Jim avait composé des morceaux en grande partie jazz. Merry et moi nous connaissions déjà et je savais qu’il était très doué en trompette », commence Mac Gyver. Et Pupajim de terminer, « Il a une très grande culture musicale, mais pas une aussi grande culture reggae que nous donc il n’est pas tenté de refaire des thèmes que l’on retrouve dans le genre, qui peuvent faire clichés ».
De formation classique, Merry a appris la musique d’Europe de l’Est, le funk, le jazz. Il a même été chef de chœur. La diversité de son bagage musical lui permet de jouer un large panel de styles différents, et sa grande capacité d’improvisation lui offre une grande liberté sur scène. Autant de qualités qui font de lui un élément parfaitement complémentaire au reste du groupe. « Avoir une personne en plus sur scène, le cuivré d’un instrument sur la sono et sa technique, apporte quelque chose de nouveau», affirme Rootystep. Sa présence donne une dimension musicale supplémentaire à Stand High Patrol et l’ajout d’un instrument en concert apporte un aspect live band qui fait évoluer les prestations scéniques du groupe.
À l’heure où la rédaction écrit ces lignes (article écrit en octobre 2021, ndlr), deux singles sortis en digital vont prochainement sortir en version longue sur un maxi 45 Tours. « D’habitude, on préfère sortir la version vinyle en même temps que la sortie officielle, on est un peu old school sur ce point. Mais la conjoncture actuelle complique la fabrication, il faut compter six mois pour sortir un vinyle », renseigne Pupajim. En cause, la grosse industrie des majors qui se sont relancées dans la fabrication de vinyle ces dernières années, et la pénurie actuelle de matière première. « L’évolution récente de la fabrication de vinyles a un côté réjouissant. Mais, à nos débuts, s’il n’y avait plus eu de petits labels indépendants comme le nôtre, il n’y aurait certainement plus de vinyles aujourd’hui », poursuit Rootystep. « Ce sont ces petits labels qui ont fait survivre les presses de vinyles à une époque, ça devient problématique s’ils ne peuvent plus en fabriquer aujourd’hui », conclut Rootystep.
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