Mars 1917. Nikolaï Aleksandrovitch Romanov, dit Nicolas II, tsar des toutes les Russies, abdique devant la pression révolutionnaire avant d’être arrêté par les bolcheviks et maintenu de longs mois en captivité. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, il est conduit avec sa famille et ses proches dans les caves de la villa Ipatiev à Ekaterinbourg, dans l’Oural. Un peloton armé les attend et les exécute. Les onze corps sont enterrés en toute hâte dans la forêt avoisinante. Moscou, de nos jours. Alors que la Russie traverse un véritable bouleversement politique, Miles Lord, avocat originaire d’Atlanta et spécialiste de l’histoire russe, met la main sur des documents troublants: une étrange prophétie de Raspoutine, proche de la tsarine Alexandra, et un texte manuscrit attribué à Lénine dans lequel ce dernier se demande si tous les Romanov sont bien morts à Ekaterinbourg. Toutes les certitudes de Miles quant à l’histoire « officielle » de la famille impériale sont dès lors remises en cause. Lorsqu’il devient la cible d’une impitoyable chasse à l’homme, il n’aura d’autre choix que d’aller au bout de son enquête et d’élucider les nombreuses énigmes entourant la mort des Romanov.
Un thriller historique qui met en scène la fin des Romanov, c’est assez peu commun. D’autant que La nuit de Saint Petersbourg de Michel de Grèce, qui traite également de la Russie tsariste, était déjà de bonne facture.
Lorsque Steve Berry sort ce livre, en 2004, le mystère des Romanov est toujours d’actualité. En 1991, des corps sont autopsiés et l’ADN prouve qu’il s’agit du tsar Nicolas II et de sa famille. Sauf qu’il manque deux corps : celui de la plus jeune fille du couple, Anastasia, ainsi que celui du tsarévitch Alexis. Steve Berry choisit de s’engouffrer dans la faille et d’imaginer que les deux adolescents aient survécu.
Le lecteur suit Miles Lord, un avocat américain noir passionné d’histoire russe et parfaitement bilingue. Il fait partie de la Commission tsariste, occupée de rétablir l’autocratie russe. Le prétendant au trône est Stefan Baklanov, réputé être une marionnette entre les mains d’une organisation plus ou moins mafieuse.
Miles Lord va être habilité à fouiller dans les archives secrètes du gouvernement pour démontrer que Baklanov ne saurait souffrir d’aucune concurrence. Pourtant, il va découvrir qu’il existe peut-être des survivants en ligne directe de Nicolas II. Dès lors commence une course poursuite entre le groupe d’opportunistes avides de pouvoir et le couple Miles et Akilina (une jeune Russe sympathique) qui vont se lancer à la recherche des descendants potentiels d’Alexis ou Anastasia.
Le complot Romanov est construit sur un modèle très basique pour un thriller historique. Quitte à faire une comparaison, on pense d’emblée au Da Vinci Code. Autrement dit, un couple féminin-masculin va trouver des indices codés tout au long de leur parcours pour faire avancer leur quête. C’est très simple, mais relativement bien fait.
La dimension la plus intéressante pour le lecteur s’avère le contexte historique. Il est atypique et change des thrillers ésotériques qui profuse depuis quelques années. Le complot Romanov traite à la fois de la famille royale, mais aussi du contexte russe contemporain. Il met en avant les modes de corruption en vigueur au sein des institutions telles que la police et les problèmes liés à la mafia. Quant à la thèse d’un désir du peuple de restaurer le tsarisme, si on peut douter qu’elle soit réelle, elle reste pourtant vraisemblable. Pour les Russes, le tsar fait toujours partie de l’histoire et de la tradition politiques russes. Bref, ce contexte original ne manquera pas d’éveiller quelques curiosités.
Le bémol concerne les personnages. Si le personnage de Miles Lord est bien campé, l’excès de ses bonnes intuitions, qui le gardent notamment de faire confiance à de louches individus, laisse quelque peu songeur.
Akilina, la jeune femme qui accompagne Miles dans sa quête est sympathique même si elle pâtit d’une faible envergure. Autre facilité de l’auteur : elle suit Miles sans poser de questions, alors qu’elle ne le connaît pas et que sa vie fonctionne. Irréaliste.
Malgré ces petites réticences, Le complot Romanov dans son ensemble se tient. Son originalité tient plus à la trame de l’histoire qu’à l’enquête et aux personnages.
Marylin
Le Cherche Midi, sept 2011, 511 pages, 22€