Destination Rennes, l’office de tourisme, propose depuis 2012 une visite street art des rues de la capitale bretonne. Galeries à ciel ouvert, les murs rennais abondent d’expressions artistiques, légales ou non, tolérées ou non : graffiti, gravures, pixel art, collages, pochoirs, etc. Suivez le ou la guide pour découvrir un aperçu de cette foisonnante scène artistique.
Par une chaude après-midi d’été, nous nous joignons à une visite guidée street art organisée par Destination Rennes. L’office de tourisme propose cette activité depuis 2012, signe d’une reconnaissance culturelle pour un art encore globalement mal connu, voire incompris du grand public, d’autant plus à l’époque.
Depuis longtemps pourtant la municipalité rennaise fait preuve d’ouverture sur le sujet, puisqu’entre 2002 et 2003 elle désignait huit murs autorisés aux graffiti. Ce dispositif, d’abord appelé Graff en ville, devient en 2016 RUE, pour réseau urbain d’expression, et est cogéré par la Direction de la Culture de la Ville de Rennes et l’association de soutien au réseau urbain d’expression (Asarue). Celle-ci se voit confier en novembre 2016 un lieu qui sert d’atelier partagé, route de Sainte-Foix. Entretemps naissait en 2013 l’association Teenage Kicks, organisatrice d’une biennale d’art urbain qui fait désormais largement partie du paysage culturel s’ouvrant même les portes des musées rennais et participant à la grande fête estivale de l’art contemporain, Exporama. On peut encore citer le M.U.R de Rennes, cet espace d’exposition éphémère lancé en 2019 rue Vasselot, en plein cœur de la ville.
En somme, la scène de street art à Rennes se porte bien, et il faut saluer l’effort de l’office de tourisme qui œuvre, depuis dix ans maintenant, à la mettre en valeur. L’initiative a émané au départ de demandes d’enseignants dans ce sens. « Le service Rennes Métropole d’art et d’histoire a donc débuté par des visites à destination des scolaires puis, voyant l’intérêt du public, les a programmées vers le grand public », nous raconte Raphaëlle Couloigner, en charge des relations presse pour Destination Rennes. « Les guides-conférenciers ont débuté par la découverte des œuvres sur le terrain, puis ont collecté des informations sur les artistes, les commandes et les œuvres et ont échangé avec des artistes et des associations telles que Teenage Kicks », poursuit-elle. Le « catalogue » des œuvres existantes évoluant continuellement, « les guides vont en repérage régulier sur le terrain, travaillent avec le Réseau Urbain d’Expression, se renseignent à partir de différents supports en ligne et échangent avec les artistes » pour actualiser les visites. Les visites peuvent donc varier selon l’apparition ou la disparition d’œuvres dans l’espace public et en fonction des affinités artistiques de chaque guide.
La nôtre débute à l’entrée de Destination Rennes, entre la place Sainte-Anne et la rue de Saint-Malo. Après une introduction qui rappelle les origines du street art, sa filiation lointaine aux peintures rupestres et sa naissance aux États-Unis à la fin des années 1960, la guide nous invite à tourner la tête vers un visage animal familier des rues rennaises, celui de Belzébuth, un chat argenté décliné d’habitude en stickers et ici sur une plaque d’aluminium. Son auteur reste anonyme, un bon moyen de rappeler la dimension alternative, underground, de cette pratique artistique.
Notre route se poursuit rue de Saint-Malo, puis passage des Carmélites, rue Saint-Melaine, place Hoche, place de la Visitation, rue Victor Hugo, rue de Brilhac, rue Jean Jaurès, pour se terminer au M.U.R, rue Vasselot. À l’exception de l’hermine rousse de War! et de Collapsologie de Ipin, une commande de la ville à Teenage Kicks réalisée en 2021, l’itinéraire privilégiant l’hypercentre rennais évite pour la plupart les grandes fresques murales pouvant être vues comme caractéristiques du street art. Certaines sont pourtant assez iconiques de la ville. On pense par exemple aux grandes œuvres qui ornent le canal d’Ille et Rance à proximité du carrefour Jouaust, réalisées à l’occasion du festival Le Funk prend les Rennes en 2016. Mais ce parti pris présente l’intérêt d’attirer l’attention sur des œuvres plus modestes, plus discrètes, plus variées aussi.
On découvre par exemple les représentations de Quetzalcoatl peintes sur bois par Oré, les vinyles décorés de 20cent, les reproductions de polaroïds de Bouchon, les personnages en aluminium de Gzup, inspirés de la pop culture, les peintures sur bois, ou sur vinyle de Touboulik, le pixel art de Mifamosa, un des fameux radis d’Ar Furlukin, une mosaïque du mystérieux Waldo, un des moulages de sein d’Intra Larue, le personnage longiligne de Tata Bzh peint sur ardoise.
Arrivés rue Vasselot, face au M.U.R., on se rend compte de la façon qu’ont les œuvres de street art de se regrouper, de s’agréger, comme pour partager les espaces de visibilité. Autour de l’espace d’exposition éphémère ont essaimé d’autres œuvres, illégales celle-là : un collage de rat, souvenir laissé par Blek le rat qui fut le premier à investir le M.U.R., un personnage en pixel art du célèbre Space Invaders, un autre dont l’auteur est inconnu et qui évoque le personnage du Joker dans l’univers de Batman. Notre regard est surtout attiré par les visages de femmes et les motifs floraux ou orientaux qui ornent les poubelles. Ils sont signés de l’artiste rennais Souljahdom, au projet, fantasque mais poétique, de rendre beaux des objets a priori rebutants. Un concept finalement très proche de l’essence du street art, qui magnifie la grisaille des villes, et qu’on peut relier généalogiquement à différents courants artistiques depuis Charles Baudelaire et son « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».
La visite s’achève par une série de recommandations de lieux à explorer pour découvrir davantage d’œuvres. Car en une heure et demie, dans l’hypercentre rennais et à pied, impossible d’avoir un panorama complet d’une scène aussi riche que celle de la capitale bretonne. Tout en comprenant cette nécessaire incomplétude on peut regretter le manque d’attention aux œuvres les plus sauvages, ces signatures aux lettrages plus ou moins travaillés qu’on appelle tags, parfois avec mépris, et qui représentent pourtant l’expression la plus primitive et spontanée du street art, la naissance de l’art en somme. En en désignant un du doigt, notre guide se contente de rappeler que chaque année, 30 000 m2 de murs sont effacés à Rennes pour la modique somme de 800 000 €, au terme d’un débat houleux à la mairie pour distinguer ce qui relève de l’art de ce qui relève de la dégradation. Une question délicate qui en pose une autre : qui est habilité à décréter ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas ?
Informations pratiques:
Rdv: à l’Office de tourisme – 1 rue de St-Malo
Durée: 1h30 à 2h
Réservation obligatoire
Les tarifs réduits pourront faire l’objet d’une vérification au départ de la visite. Les tarifs Sortir ! sont en vente uniquement au guichet de l’Office de Tourisme Destination Rennes sur présentation d’un justificatif.