Suzanne 1947 est le dernier roman de Catherine Soullard est l’histoire du jeune sous-lieutenant Claude Loranchet-Reverdet et de Suzanne, sa fiancée. Militaire mort à 23 ans en Indochine des suites de ses blessures et fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, il rompit ses fiançailles trois mois avant son décès. Une trajectoire flamboyante : le scoutisme, la Résistance, la Campagne d’Alsace, le cours d’officier et la Légion.
A propos de Claude Loranchet-Reverdet (États de service militaire) :
« Jeune officier d’un cran et d’un courage légendaires au bataillon. S’est a nouveau fait remarquer par son audace et sa rapidité de décision le 20 octobre 1947 a GIA LOC (Tonkin). Officier de renseignements du Bataillon, s’est toujours porté en avant avec les unités de tête a la recherche des renseignements et les exploitant rapidement au mépris de tout danger, sous le feu nourri des bandes rebelles. A participé à l’assaut du réduit de GIA LOC. A été mortellement blessé alors qu’avec une poignée de légionnaires, il s’élançait dans la rizière a la poursuite d’éléments rebelles. A été pour tous un modèle de bravoure, de dévouement, de conscience et d’abnégation ».
Une vie provinciale dans un milieu bourgeois, mais une tache, une blessure sans doute et pas des moindres, un père un peu raté qui disparaîtra sans laisser de trace et abandonnera les siens sans jamais donner une explication ou un signe quelconque. Des amis d’enfance, un amour d’adolescence, Suzanne, qui rêve d’être infirmière et comme lui de servir à la Croix rouge pour devenir infirmière.
Sans doute que cette blessure imposait, traçait une ligne de vie et exposait à l’héroïsme et à la mort. L’exploration de cette trajectoire icarienne tourne autour des archives de la légion, réceptacle des enfants perdus. En Indochine, Claude commandera, combattra avec les anciens soldats du Reich qu’il avait affronté en Alsace. Homme de sang-froid, déterminé, brillant dans le renseignement, Claude fait un peu penser au petit lieutenant de La 317e Section le roman de Pierre Schoendoerffer et son célèbre film éponyme.
L’auteure fouille les archives militaires de Vincennes, de la Légion, rencontre des familles, visite des cimetières, lit des noms sur des murs. Tous ceux qui ont un jour ouvert quelques archives poussiéreuses connaissent ce frémissement de la découverte, quelques lignes, un nom qui éclairent ou au contraire complexifient la quête. Pendant deux ans Claude correspondra avec Suzanne puis la guerre, la peur pour soi mais surtout de laisser une veuve, l’amèneront à une rupture avec sa fiancée.
Le passé colonial et guerrier de la France reste une immense source de sujets d’écriture : c’est aussi peut être une thérapie, une explication, car combien y a-t-il eu de soldats, de lieutenants et de Suzanne ….
Que serait devenu Claude Loranchet-Reverdet s’il avait survécu ou échappé à ses blessures, peut-être l’aurait-on retrouvé à Diên Biên Phu voire plus tard à Alger dans des combats inutiles. L’imagine-t-on vraiment vivre près de Suzanne qui l’attendait ?
Un beau livre et un beau sujet de film qui alterne la correspondance des deux amoureux avec les scènes de combats ininterrompus à Haiphong (Tonkin).
Suzanne 1947 Catherine Soullard, Pierre-Guillaume de Roux, octobre 2017, 152 pages, 20 euros.
Photo de Une : Cimetière militaire de Nam Dinh, le 21 mai 1954. Photo Robert Capa
Claude Loranchet-Reverdet est né le 12 décembre 1923 et décédé le 21 octobre 1947 à Haiphong (Viet-Nam) à 23 ans alors qu’il avait pris le bateau à Marseille pour se rendre à Saïgon en avril 1946.
Catherine Soullard
Née le 11 novembre 1955 à Paris.
Études, puis travail dans l’édition (Hatier, Bordas, Flammarion, Le Seuil,…), le journalisme et la critique de cinéma (7 à Paris, Le Monde de l’éducation, Études, La Revue des deux mondes).
De 1989 à 2004, productrice à France-Culture (Les Chemins de la connaissance ; Une vie, une œuvre ; Nuits magnétiques ; Surpris par la nuit,…). De 2003 à 2006, membre de la Commission de poésie du CNL.
Actuellement : comédienne (lecture de textes) et chroniques (cinéma) dans la Revue Secousse.
Bibliographie
– Livret Henry Miller, INA/Radio-France, 1998
– Judas, éd.Autrement, 1999
– Palmito d’évian, Calmann-Levy, 2005
– Livret Julien Gracq, INA/Radio-France, 2006
– Bouchère, Calmann-Levy, 2006
– Johnny, éditions Le Rocher, 2008
– Les 100 plus beaux films du monde, éd.Les Cahiers du cinéma, livre collectif (Amarcord, Johnny Guitar, L’aurore, Manhattan, Rome ville ouverte, La Passion de Jeanne d’Arc), 2008
– Les asperges, éditions Le Passage, 2010
– Livret Albert Camus, INA/Radio-France, 2010
– François Mauriac, livret Radio-France/INA, 2010
– Mal dedans, éd. PG de Roux, 2011
– Albert Cohen, livret Radio-France/INA, 2011
– Vous avez Jupiter dans la poche, éd. Pierre Guillaume de Roux, 2015
– Freud, livre collectif (sous la direction de Sarah Contou-Terquem), Bouquins, Laffont, 2015 articles : Yvette Guibert, John Huston, Freud à l’image, Freud et le cinéma.
– Vous avez Jupiter dans la poche, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015
– Roger Judrin, cour et jardin, Préface, Librairie du Labyrinthe, 2017
– Le paradis français d’Éric Rohmer, Collectif (chapitre : Pour les couleurs, les fleurs et les petites filles, les escaliers et les mots, les hasards, l’amour et les lisières), éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2017
– Suzanne, 1947, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2017