Sylvie Le Bihan, Là où s’arrête la terre, Pour eux, la vie va (re)commencer

Là où s’arrête la terre, le titre du nouveau roman de Sylvie Le Bihan, parlera, évidemment à l’âme de tout breton. Mais si la Bretagne est le cadre, le propos n’est pas régionaliste. Plus universel, il évoque les blessures profondes de la vie et les possibles changements de cap qui peuvent aider à panser les plaies.

 

Paris, dans un taxi entre la rue de l’Université et la Porte Maillot… ça sent son départ vers la Bretagne. C’est effectivement là où se dirigeront Roger et Marion. On les accompagne dans leur chemin initiatique au fil du roman de Sylvie Le Bihan. Exaspérant et finalement passionnant.

Exaspérant, parce qu’on nous promène trop longtemps dans les clichés, voire les invraisemblances. D’abord, les prénoms. Marion, bourgeoise bohême, forcément. Roger, plouc assurément. Donc, la bobo est dans le taxi après avoir rompu avec son mari, éditeur qui habite dans le VIIème arrondissement (forcément). Elle se dirige vers l’hôtel Concorde La Fayette, Porte Maillot, pour rejoindre son riche amant danois qui, bien sûr, ne-quittera-jamais-sa-femme. On s’arrêtera quelques instants sur « les bustes de la réception. Casting parfait : juste assez de dents pour qu’un indicible mépris s’échappe des sourires automatiques » de ces « jeunes diplômés des écoles hôtelières de Lausanne ou de Glion : ont-ils affaire à une pute ou à une bourgeoise encanaillée ? ».

Sur une bizarre impulsion, Marion ressort et se réfugie dans une chapelle en face. Et là, miracle (on ne le sait pas encore, mais oui, ça relève de la grâce divine – on le découvrira au dernier chapitre) un homme vient s’asseoir à côté d’elle. Étrange car le vaste volume est déserté des grenouilles de bénitier. Mais bon, il faut bien faire se rencontrer les protagonistes. J’en vois déjà plusieurs qui pensent à un plan drague (la plume alerte et le style nous font miroiter C’est mon histoire la rubrique histoire d’amour vraie dans ELLE). Mais cette histoire-là s’avérera plus complexe que ça – ouf !

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Sylvie Le Bihan

Avant de cerner cette complexité, on va suivre Marion et Roger dans une improbable fuite. Vers Douarnenez. Là où tout finit – surtout baie des Trépassés ! « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Le roman fera un sacré contre-pied à la certitude du Guépard. Mais en attendant la re-naissance, on suit alternativement l’homme et la femme dans leurs pensées, leurs réflexions intimes au travers de flash-back qui n’expriment que froideur, égoïsme et destruction. Ces auto-analyses de handicapés de l’empathie finissent par assommer le lecteur peu désireux d’adhérer à « l’ennui, la province et la banalité ». Mais « il faut toujours se méfier, c’est souvent loin de Paris que se jouent les drames les plus cruels ». Alors on s’arme de patience. Avec raison. Car après vacheries et engueulades, un événement tragique provoque le temps des révélations. Brutalement, le puzzle de leurs vies prend son sens avec l’ajout des pièces manquantes. Celles des blessures de l’enfance. Le moment où tout commence.

Sylvie Le Bihan Là où s’arrête la terre, Seuil, 288 pages, 18,50

Sylvie Le Bihan est diplômée de Sciences Po, après avoir travaillé pendant 12 ans en Angleterre en donnant des cours de Sciences Politiques, comme chasseur de têtes pour la finance puis en tant que professionnelle dans le marketing, elle rentre à Paris en 2004 et travaille comme directrice de l’International pour les restaurants Pierre Gagnaire (son mari) avec qui elle a également signé un étonnant ouvrage sur le goût : « Petite Bibliothèque du gourmand ». Son premier roman L’Autre est paru au Seuil en 2012.

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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