Les chiffres tombent à la pelle et en boucle dans l’actualité mondiale. 13 169 morts en Espagne, peut-être plus à la minute où cet article est rédigé ? Quelques centaines de moins dans un pays limitrophe ? Au regard des chiffres, Unidivers a interrogé directement des jeunes confinés dans différents pays du monde. À l’heure ou une partie du globe semble s’être mise en arrêt, ils ont entre 20 et 27 ans, ils sont Grec, Polonais, Italien, Turque, Russe, Indien ou Français partis migrer à l’étranger. Témoignages.
La Pologne est un des premiers pays européens à mettre en place des mesures de confinement particulièrement strictes en Europe. Prévoyants ? Oui, mais pas que : « Les Polonais savent que leurs infrastructures hospitalières ne sont pas prêtes face à l’épidémie de coronavirus. Ils ont préféré prendre des mesures drastiques dès l’arrivée du virus en Europe, pour ne pas que le pays soit victime d’une véritable hécatombe », explique Matthieu, jeune Rennais, ancien étudiant Erasmus +, en Pologne. Pour Szymon Gebuza, étudiant polonais, même si les universités, les restaurants, bars et autres infrastructures ont fermé tôt dans l’ensemble du pays, l’étudiant en profite pour passer du temps avec sa famille. « La situation me fait un peu peur, surtout quand on entend ce qui se passe en Italie ».
A contrario de la Pologne, l’Espagne affiche un bilan lourd. Pour Gonzalo, étudiant en master de droit résidant dans la banlieue de Madrid, les Espagnols confinés tentent malgré tout de rester positifs : « Il n’y a personne dans les rues. Tous les soirs à 20 h, les gens applaudissent le corps médical, ceux qui travaillent dans les magasins et tous ces services encore ouverts. De leurs fenêtres ou leurs balcons, certains jouent à plusieurs au Bingo, au “le premier qui voit…” ou font même de la musique. C’est marrant ». Gonzalo s’inquiète plus pour sa grand-mère restée seule en centre-ville de la capitale espagnole. Comme pour beaucoup, les appels vidéos ont remplacé les visites hebdomadaires et permettent de s’assurer que tout va bien. Financièrement, le gouvernement espagnol a promis une aide d’allocations, ainsi qu’un moratoire concernant les factures de gaz, d’électricité ou autres pour les familles les plus vulnérables.
En Italie, le bilan est encore plus lourd, et les mesures, encore plus strictes. Simon Tuggia a 26 ans et étudie la finance à Padoue. Simon, qui se trouve en stage à Vérone lors de l’annonce de la quarantaine, n’a pas quitté la ville depuis : « La police fait des contrôles très fréquents. Je déteste cette situation, tout le monde doit porter des masques, respecter les limites de sécurités, etc. Je trouve ça exagéré au regard de la crise économique qui arrive et qui aura des conséquences sur notre quotidien. Mais je comprends la paranoïa. Les gens sont d’accord : le gouvernement a pris des décisions courageuses face au covid-19 ».
Plus loin, en Grèce, c’est le contraire : « Malgré les restrictions du gouvernement, les gens sortent, pour se balader par exemple » nous explique Klarissa, 21 ans, étudiante en droit à Thrace, dans le nord du pays. La jeune fille poursuit : « Je suis inquiète, pas seulement pour la Grèce, mais pour tout le reste du monde. Mais… cette épidémie est aussi le moment pour apprécier les petites choses de la vie et permettre à la nature de souffler un peu ». Tout près, à Istanbul, capitale de la Turquie, pour Seyda, 26 ans, le virus n’est pas vraiment pris au sérieux : « Les personnes âgées sortent quand même dans la rue et les gens vont toujours travailler. Il n’y a que les théâtres, les cinémas et les salles de concert qui sont fermés. Le gouvernement ne prend pas vraiment de mesures en conséquence ».
À Bombay, « Le gouvernement indien a pris son temps pour observer la situation. Comme une partie de la population est très pauvre et vit littéralement au jour le jour, ce n’est pas possible de verrouiller complètement le pays. Le coronavirus est le centre de toutes les conversations. Les gens réalisent progressivement l’impact du virus. C’est un peu effrayant. Au vu de sa densité de population, si le virus touche Bombay, on est fini ! » s’inquiète Joanna, 23 ans. Bien plus au nord, en Russie, Igor, 25 ans, est aussi inquiet : « En Russie les gens ont peur, mais le gouvernement parle plutôt de l’Italie, de la France et de l’Espagne. Beaucoup pensent que le pays ne sera pas trop concerné par l’épidémie. Il a mis en place une semaine de “jours fériés pour tout le monde”, mais ce sera encore pire : les Moscovites vont partir de chez eux, en vacances, dans les régions et par conséquent propager encore plus le virus ». Selon cet étudiant, actuellement confiné à Paris, il est difficile de prévoir de bonnes mesures au vue de la taille de la Russie: « Je pense que le système de santé est moins développé qu’en Europe, il y a donc moins de possibilités de sauver les plus fragiles. Il y a aussi un risque : il doit bientôt y avoir le référendum de changement de constitution (permettant à Poutine de rester potentiellement 12 ans de plus au pouvoir), le gouvernement pourrait essayer de cacher certaines informations ».
Au Sri Lanka, Sean est positif et son enthousiasme est contagieux : « Nous n’avons pas d’assurance maladie ou de système de santé à proprement parler, mais nos hôpitaux sont gratuits pour tout le monde. Nos docteurs sont les meilleurs de la région. Nos universités et centres de recherche médicaux font partie des plus reconnus du monde. La façon dont le gouvernement du Sri Lanka gère l’épidémie du Covid-19 est bien meilleure qu’ailleurs. Nous avons traversé 30 ans de guerre, et on sourit encore. On va en finir de cette pandémie, on aura le dernier mot ! ».
Des étudiants français, de retour chez eux
Initialement partis à l’étranger dans le cadre de leurs études, Mélissandre, Laure, Valentin et Lucas sont tous les quatre revenus en France suite à l’épidémie. Laure, étudiante à Bratislava (Slovaquie) a été rapatriée par l’ambassade de France : « Je devais rester jusqu’en juin, mais compte tenu des circonstances, je suis rentrée chez moi il y a deux jours ».
Mélissandre était en Erasmus à Portsmouth en Angleterre : « Le système de santé du Royaume-Uni est assez compliqué, surchargé, je pense que laisser la place à une épidémie comme celle-ci est un pari très risqué. C’est absurde que ce soient les individus qui soient obligés de décider eux-mêmes comment gérer la crise, notamment les universités ou les lieux publics ! ». Dans la capitale du Royaume-Uni, si la ville est toujours en mouvement, le métro et la circulation semblent largement diminués. Jakub, Polonais en master de finances à Londres, est rassuré : « les gens ici essaient de s’auto-isoler avec ou sans le soutien du gouvernement ou des entreprises ».
Effectivement, avant de rentrer en France, Mélissandre a visité Brighton, ville balnéaire au sud de l’Angleterre : « J‘ai été très surprise que l’épidémie n’affecte pas du tout les lieux touristiques. Je m’attendais à ce que les musées soient fermés, mais ce n’était pas du tout le cas. Je me sens davantage en sécurité en France où l’on prend l’épidémie au sérieux et où l’on essaie de la limiter ». Au contraire en Slovaquie, Laure était plutôt sereine : « Je n’étais pas spécialement paniquée par la situation qui semblait sous contrôle. En revanche, le comportement de la population installe une ambiance anxieuse. Dans ma résidence, les surveillants étaient particulièrement intransigeants et procédaient régulièrement à des inspections d’hygiène, n’hésitant pas à sanctionner au moindre manquement. »
Lucas, étudiant à Tokyo, suivait de près les informations de mi-janvier (équivalent du développement de l’épidémie en Chine) à mi-mars (début du pic de la vague en Europe): « Je me suis autorisé un jour de panique par mois, ce qui m’a permis de pas trop prendre à la légère ou surdramatiser, et me préparer à l’idée de rentrer. » La gouverneur de Tokyo demandait à la population de restreindre les déplacements superflus le soir et le weekend : pas de mesures obligatoires, ils comptent sur le civisme proverbial du peuple japonais », explique Lucas.
De l’autre côté de l’Océan Pacifique, le gouvernement fédéral du Canada anticipe avec brio l’arrivée de la maladie en appliquant des mesures de confinement similaires à celles de la France (alors que la vague arrive doucement vers l’Amérique). Aucun non canadien ou non-résident ne peut entrer au Canada. Seuls quatre aéroports dans le pays peuvent assurer les vols internationaux, les ressortissants étrangers sont incités à rentrer, des mesures de quarantaine des entrants sont mises en place nous explique Valentin, en études à Toronto. L’étudiant à Science po Rennes a décidé de rentrer en France quelques semaines plus tôt que prévu de son année d’étude au Canada, s’isolant tout de même au moins pendant deux semaines après son retour.
Dylan, résidant à Prague, est rassuré du sérieux des mesures prises en République tchèque : « J’ai toujours la possibilité de rentrer chez moi, mais prendre l’avion, le train et faire déplacer ma famille jusqu’à la gare sont autant de risques supplémentaires pour eux que pour moi de contracter le virus. En plus, je pense qu’être confiné ici ou chez mes parents, ça revient plus ou moins à la même chose ». Par mesure de précaution, son vol, prévu au 31 mars, a été annulé. Dylan, comme tous les autres, attend que la situation s’améliore.