Les Champs libres et 40mcube s’associent une nouvelle fois afin de présenter le travail de Hans Op de Beeck. À la croisée de l’art contemporain, de l’architecture, de la science des matériaux et… du cinéma sans mouvement, The Amusement Park, du 29 mai au 31 octobre, invite les spectateurs à une plongée dans un univers poétique singulier.
Hans Op de Beeck, artiste belge à la double, triple (et plus encore) casquette. Son travail artistique se découpe sous des formes multiples et variées : films, dessin, sculpture ou, encore, aquarelle. Il propose également des projets architecturaux, à l’image de la construction d’un bâtiment à Hasselt (Belgique), sur le site de l’abbaye de Herkenrode, afin d’accueillir son œuvre pérenne, The Quiet View. Pas seulement artiste plasticien, son métier de metteur spectateur transparaît dans son œuvre : rapports à la mise en scène, au décor et à l’architecture.
Avec The Amusement Park, nouvelle œuvre conçue pour les Champs libres, l’artiste invite le spectateur à l’amusement de la découverte. Avant même d’avoir contemplé l’oeuvre, le titre inspire l’imagination de chacun. Le moment est alors venu d’entrer dans l’univers singulier de Hans Op de Beeck. L’heure est à « la fiction visuelle ».
Dans la salle, c’est un travail aussi poétique que physique qui attend le spectateur. À l’intérieur, il est plongé dans le noir presque absolu et pénètre dans un univers inattendu. Une banquette de cuir noir l’attend dans une demande muette de s’installer. Pour se mettre en condition et profiter de ce qui s’offre à lui. Une large vitre lui fait face. Derrière ?
L’installation d’un paysage de nuit apparaît, faiblement éclairé par des lumières oranges (feu, lumières d’une caravane, d’un stand fermé, et de réverbères). C’est d’ailleurs la seule couleur présente. Elle guide le regard et apporte de nouveaux renseignements sur le lieu. C’est plus précisément un parc d’attractions dans une nuit hivernale. La neige vient de cesser, et le sol est recouvert d’un manteau blanc. Un chemin de terre est pourtant bien visible et invite le spectateur à regarder plus loin.Au premier plan, un carrousel fermé, une caravane allumée qui laisse imaginer qu’il y a de la vie et un feu où les braises brûlent encore. À partir de matériaux artificiels et synthétiques, comme les polymères et le polystyrène, Hans Op de Beeck sculpte chaque partie de son œuvre à la main et crée ingénieusement une fausse perspective qui donne l’illusion qu’un paysage monumental s’étend devant lui.
Dans l’espace clos, une bande sonore, réalisée en collaboration avec un ami compositeur, défile et installe une atmosphère à l’image de l’oeuvre. Mystérieuse et inquiétante, elle incite à la réflexion. Qu’a-t-il bien pu se passer ? Dans cette réalité alternative, l’endroit semble raconter une histoire. Entre mélancolie et étrangeté, il ne reste plus qu’à laisser place à l’imagination.
Comme si le temps s’était arrêté, le parc d’attractions a cessé de vivre jusqu’à ce que le soleil se lève et qu’une nouvelle journée commence. Les manèges se remettront en marche, les passants se bousculeront pour grimper dedans et les faire vivre.
Mais en attendant, les machines semblent se reposer, et ceux ne sont plus que des architectures vides.
Durant la journée, elles sont transparentes ; personne n’y prête réellement attention, mais « une fois la nuit tombée, ceux ne sont plus que des choses disproportionnées et étranges », explique lui-même Hans Op de Beeck.
Plus les minutes passent, plus les détails semblent apparaître, cachés derrière le rideau de la nuit. Dans le fond, par exemple, un grand 8 et une roue à peine visibles sont hors circuit, ils se reposent, semblent inertes. L’artiste a choisi de ne pas mettre de couleurs, tout est sombre, mais cette noirceur est sublimée par ces lumières oranges et, paradoxalement, elles rendent ce lieu mort : vivant. L’absence de personnes renforce le travail du décor et de la fiction. C’est la scénographie qui parle. L’influence du cinéma est bien là, elle se ressent dans chaque image qui ressort de ce décor. Les vieilles intrigues en noir et blanc, les vieux films d’angoisse où le mal sévit. Mais peut-être est-ce l’imagination qui joue son rôle. Ou juste la nuit.
Elle a quelque chose d’étrange, de tactile, de plus immersif, qui fascine et effraie. À travers cette installation, Hans Op de Beeck propose une pause à la folie de la vie, pas toujours facile, et invite à absorber l’atmosphère du lieu. La vie, la mort, le temps qui passe, ceux sont des problématiques qui le touchent et qui se ressentent dans son univers singulier.
Que ce soit des installations de jour ou de nuit, le sentiment de mélancolie demeure dans son travail. Le silence, l’introspection et l’invitation à méditer sont omniprésents. Il cherche à explorer tous les sentiments et à donner de la consolation. L’intérêt de l’homme pour les intrigues et les obstacles donne à l’artiste de la matière pour sa création. Il croit en l’idée de catharsis, particulièrement dans les nouvelles qu’il écrit et offre la possibilité de s’asseoir un moment, d’admirer… et d’inventer une histoire. Alors, le spectateur s’assoit et s’attarde.
Hans Op de Beeck, The Amusement Park, 2015
Aux Champs libres de Rennes du 29 mai au 31 octobre 2015
Installation sculpturale, techniques mixtes, son, 5,2m (hauteur) x 16m (largeur) x 24m (profondeur).
Production Les Champs libres. Commissariat 40mcube.
Courtesy Galleria Continua. Photo : DR.
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