The Enchanted Wood, Monster parade, un album mélodieusement macabre

Monster Parade, collection de contes cruels mélodieusement macabres, est une pépite dans l’actuelle production française. Créé par les Rennais du groupe The Enchanted Wood, ce second album mérite mieux que quelques comparatifs hasardeux. Le marathon scénique qui les prépare à un passage fort attendu au Transmusicales (le vendredi 6 novembre 2013 à L’Etage/Liberté, 18h30, entrée gratuite) est l’occasion de présenter ce projet à l’épaisseur singulière.

 

C’est en 2008 dans la région rennaise et en grand solitaire taciturne que Michel Le Faou a composé les premières mélopées invocatoires de sa forêt enchantée. Depuis lors, l’album éponyme The Enchanted Wood derrière lui, il a pris dans ses rets, telle une sirène endeuillée, plusieurs excellents musiciens. Et c’est en capitaine d’une formation musicale aux contours peu communs qu’il dirige le vaisseau fantomatique de The Enchanted Wood sur les sentiers sinueux d’une Monster Parade aux charmes équivoques…

Monster Parade par Perrine Labat
Monster Parade par Perrine Labat

On sait l’espèce de plaisir sourd et indéfini que les enfants peuvent éprouver à s’effrayer. Un son, une ombre, une lueur même, et surtout, s’ils sont issus du banal quotidien deviennent, drapés d’une inquiétante aura de mystère, les points de départs d’histoires effrayantes. Elles s’attachent à nous parfois pour très longtemps et renvoient les adultes à un univers sépia un peu inquiétant.

The phantom creeps, the phantom creeps, the phantom creeps outside… The horror peeps, the horror peeps like the wolf waiting for the sheep, the sheep shall fall, the sheep shall fall, the sheep shall fall for me to fall asleep… (The Phantom creeps)

Michel Le Faou n’a pas oublier ce genre de peurs, ni le plaisir qui peut s’y rattacher (An Invisible friend). Mais, pour notre plus grand plaisir, il sait les placer à distance et en faire de savoureux contes musicaux fébriles, vacillants, capiteux (Children of solitude, The Cotton song). Dès le seuil le ton est donné. Les 2 minutes 20 d’orgues aux sombres volutes vénéneuses qui accompagnent l’histoire de l’ogre de minuit (The Ogre at midnight) incarnée par une voix aux accents suaves et rauques sont bancales et hypnotiques comme l’entrée en scène d’un défilé de freaks en noir et blanc.

Noir et blanc d’un film muet aux lumières profondes et sculptées, le mystère arrive sans bruit ni fracas, dans une imperceptible reptation. Discrètement s’installe… le surnaturel qui, comme une imperceptible fuite de gaz, emplit tout jusqu’à supplanter le naturel dont on vient à douter qu’il ait jamais existé…

No more boy, no more friend, they were never to be seen again (An Invisible friend)

The Phantomp creeps par Perrine Labat
The Phantomp creeps par Perrine Labat

Loin du gothique de pacotille, ultra-grimé, fashion et finalement si dérisoire, TEW par un subtil et précis travail sonore s’approche (sans hystérie « vintage ») avec la finesse d’une vieille dentelle de la perfection d’une bande originale rêvée pour les Contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam ou des Contes du grotesque et de l’arabesque de E. A. Poe. C’est un cabaret européen triste et décadent planté en plein désert américain qui nous affirme sur un rythme pantelant que la mort frappe à notre porte (l’ambiance du clip réalisé en stop motion pour ce titre par Michel Le Faou donne une parfaite image de l’ambiance de l’album). La voix toujours agréablement grave de ce dernier se fait, au gréé des histoires chantées, inquiétante autant que cinglante et distante comme dans Death to my neighbour dont la noire ironie révèle plus que ne la masque une hargne rentrée. Le chant tranchant s’épanche sur la mélodie entêtante de la basse et les harmoniques cristallines d’une guitare crispée, tendue comme des nerfs.

Les onze histoires de Monster Parade mènent déboires, tristesses et sombres caresses dans une lente ronde électrique aux ambiances cramoisies. Mais, n’allez pas croire que cette galerie sonore soit déprimante. Comme si souvent, la vraie beauté transcende tout. Elle sublime l’étrangeté, le dégout, la noirceur… Et seule, elle sait faire des obscurs défilés de freaks des volutes d’êtres de lumière…

The Enchanted Wood, Monster Parade, CD, Doryphore / Steelwork, 2012

the enchanted wood

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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