The viewers de Carole Douillard réfléchit le flux anonyme des identités urbaines

Pour clore l’exposition La Permanence, le Musée de la danse et le Centre national des arts Plastiques proposaient au public sur l’esplanade Charles de Gaulle, le samedi 22 novembre après-midi, deux œuvres : Kiss de Tino Sehgal et The viewers de Carole Douillard. Sortir les œuvres du musée.

 

À l’origine, ces œuvres sont destinées à être vues dans des musées. Elles réfléchissent le regard que nous portons sur une œuvre inscrite dans un lieu consacré. Car ces sculptures sont de chair, elles respirent et bougent. Ce faisant, elles interrogent le public sur le statut de l’art vivant (moins prestigieux car moins éternel ?). Les exposer sur une place publique modifie la question. Mais pas l’intensité.

À quel moment prend-on conscience que ce couple qui s’embrasse et se roule par terre n’est pas un couple d’exhibitionnistes, mais deux danseurs donnant corps à une œuvre ? (voir notre article sur Kiss de Tino Sehgal).

The viewers
The viewers

En alternance et en dialogue avec ce baiser au doux parfum d’éternité, se déploie la performance de Carole Douillard The viewers. L’œuvre de Tino Sehgal appartient au champ chorégraphique ; Carole Douillard est une sculptrice mais son travail engage également le corps de l’être humain. Aussi est-elle souvent physiquement au centre de ses sculptures ou fait-elle appel à d’autres performeurs comme pour Tenir deboutThe waiting room et The viewers.

Carole Douillard s’est formée à l’École des Beaux-Arts de Rennes et de Nantes au design, discipline où le rapport de la création à son public est un élément essentiel de la démarche. Mais à une époque où le monde est saturé d’objets, du jetable à outrance, elle réoriente sa démarche vers la dématérialisation de l’art – le corps s’impose alors comme une évidence pour créer. Elle intègre à son travail l’un des concepts de Marcel Duchamp, fondement de la phénoménologie,  « c’est le regardeur qui fait le tableau » et pour The viewers cette sensations forte que lorsque l’on observe une oeuvre, celle-ci nous regarde en retour.

the viewers
The viewers

Dans cette performance à l’origine destinée à l’espace muséal, une vingtaine de personnes – le corps orienté dans la même direction – se tiennent debout proches les uns des autres durant deux heures. Ils adressent au public un regard neutre. Au musée, The viewers, par un système de l’arroseur arrosé, replace le public au cœur de l’espace d’exposition là où habituellement l’œuvre est centrale. Sur la place d’une ville, l’enjeu de la performance est différent. Cette sculpture de chair et de regards neutres perturbe le flux anonyme de la foule ; elle ouvre et sonde une dimension autre pour réfléchir l’image commune qui s’attache machinalement à chaque passant de l’espace public. Ainsi de la femme, d’un homme de couleur, d’un SDF, le l’ado, etc.

Les viewers est constitué d’un groupe de personnes et hors le musée c’est l’individuation qui est au centre de la démarche car si le public est d’abord capté par le groupe, il a rapidement conscience qu’il est pris pour cible par un individu du groupe et que c’est lui et lui seul qui est au centre de ce regard. Le regard neutre, dépourvu de toute intention laisse la possibilité au sensible de reprendre sa place.

(Nous ne publions aucune illustration de Kiss car Tino Sehgal refuse que son œuvre soit fixée sur une photographie ou tout autre support audiovisuel.

Kiss (2004) de Tino Sehgal

avec Marzena Krzeminska, Simon Tanguy.

The viewers (2014) de Carole Douillard

avec Dorin Arion, Fabrice Bouvais, Hoda Chaib, Laurence Corbel, Jonathan Delhumeau, Margaux Germain, Pauline Guémes, Stéphane Guguen, Jean-Paul Guidoni, Matthieu Guidoni, Gaon Heo, Fanny Journiat, Manon Letort, Marie-Amandine Lor, Nina Morit, Emmanuelle Nardin, Morienn Nolot, Laurie Peschier-Pimont, Pauline Rabeau, Eva Reboul, Caroline Roger, Françoise Scolan, Alain Simon, Roberte Tual.

+ d’infos:
Musée de la danse
Centre National des Arts Plastiques 

Photos :
The viewers, coll. du CNAP, 2014, Carole Douillard
The viewers, photo de Nyima Leray

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