The Witch. Traduction : la sorcière. Robert Eggers signe un premier film remarqué et remarquable. Prix, entre autres, de la mise en scène au festival Sundance en 2015, ce film, sorti en salle le 15 juin 2016, n’est pas seulement un bon divertissement. Il orchestre une variation hautement esthétique sur le thème de la sorcière. Un grand film de genre !
L’action de The Witch se passe en 1630, dans les paysages grandioses, sauvages et tourmentés de la Nouvelle-Angleterre. La wilderness reste, par ailleurs, sublimée par la photographie de Jarin Blaschke. La situation se déroule autour d’une famille, composée des parents et de cinq enfants. D’elle, on ne sait presque rien. Les membres de la famille sont des colons, ils ont quitté l’Angleterre pour le Nouveau Monde. On sait qu’ils sont des chrétiens très pieux. Fait important : le film commence par le bannissement de la famille de leur communauté. À partir de cet événement, ils s’installent en pleine nature, en bordure d’une forêt, dans l’espoir de conquérir cet endroit, notamment par l’élevage et la culture de céréales. Mais, un jour, alors qu’il était gardé par la sœur aînée Thomasin, le plus jeune de la fratrie, Samuel, disparaît de manière inexpliquée. Alors commencent à survenir des phénomènes de plus en plus étranges.
Si le fantastique, en tant qu’intrusion d’un élément surnaturel, opère aussi bien, c’est que le réalisateur a choisi pour The Witch de pousser loin le réalisme. Esthétiquement, le clair-obscur des scènes d’intérieur rappelle avec puissance certains tableaux de Rembrandt, peintre lui aussi du XVIIe siècle. Le jeu des acteurs y est sans doute pour quelque chose : Anya Tailor-Joy dans le rôle de Thomasin, Harvey Scrimshaw dans celui du frère Caleb et Ralph Ineson dans celui du père, sont admirables de gravité. The Witch pourrait presque passer, dans sa facture, pour un film historique. Le scénario retient du reste le caractère marginal de la figure de la sorcellerie.
Cependant, le point de vue du réalisateur est tout autre : il envisage la figure de la sorcière à travers sa réception à l’époque. D’ailleurs, le sous-titre indique que The Witch est « un conte populaire de la Nouvelle-Angleterre ». Ainsi, le film est plus littéraire que véritablement historique. L’histoire se tient toujours à l’arrière-plan. En commençant le film par le bannissement, Robert Eggers s’écarte du monde de la civilisation pour un retour au naturel. Il ne faut donc guère s’étonner que The Witch reprenne à son compte les codes populaires liés à la démonologie : bouc, chats, crapauds, capes, rire dément, sabbat, forêts…
On ne s’ennuie jamais devant The Witch. L’angoisse rôde et s’intensifie peu à peu. Le film ne tombe pas dans le piège du « jump scare » (qui consiste à faire sursauter le spectateur) et tout du long, on hésite sur la nature du fantastique : la sorcière existe-t-elle ? Ou la famille tombe-t-elle lentement dans l’hystérie collective ? Le sentiment de religiosité exacerbée qui entoure la maison irait dans ce sens. Rapidement, la mère accuse la sœur aînée Thomasin d’être la sorcière. Elle devient le bouc émissaire. Le réalisateur réussit parfaitement à retranscrire la terreur sacrée que le diable pouvait susciter il y a quelques siècles, particulièrement dans les campagnes et dans les milieux religieux. La scène finale, dont on ne spoilera pas le contenu, est tout simplement grandiose. The Witch a été approuvé par… le Temple Satanique. Mais aussi par Stephen King en personne. Il a annoncé sur Twitter avoir été effrayé par le film. Faire peur au créateur de Carrie ou Shining, ce n’est pas rien…
Film The Witch, Robert Eggers, juin 2016
Titre original : The Witch
Titre québécois : La Sorcière
Réalisation : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers
Direction artistique : David LeBrun
Costumes : Linda Muir
Photographie : Jarin Blaschke
Montage : Louise Ford
Musique : Mark Korven
Production : Jodi Redmond, Daniel Bekerman et Lars Knudsen
Sociétés de production : Parts and Labor, RT Features et Rooks Nest Entertainment
Société de distribution : A24 Films
Budget : 1 000 000 de dollars[réf. nécessaire]
Pays d’origine : Drapeau des États-Unis États-Unis ; Drapeau du Canada Canada
Langue originale : anglais
Format : couleur – 2.35:1 – Dolby numérique – 35 mm
Genre : Horreur
Durée : 92 minutes
Anya Taylor-Joy (en) : Thomasin
Ralph Ineson : William
Kate Dickie : Katherine
Harvey Scrimshaw : Caleb
Ellie Grainger : Mercy
Lucas Dawson : Jonas
Julian Richings : le gouverneur
Bathsheba Garnett : la sorcière
Wahab Chaudhry : Black Phillip