LE BLUES DU MISSISSIPPI PAR THEO LAWRENCE AND THE HEARTS

Le festival du Roi Arthur 2018 a accueilli une palette blues, soul, country proposée par Theo Lawrence and The Hearts. Des riffs de guitare et une voix grave aux allures de The Black Keys, puis des sonorités soul symbolisant implicitement le groupe rennais HER, le public ne pouvait qu’être comblé. Rencontre avec le groupe avant de monter sur scène présenter leur premier album Homemade Lemonade.

Unidivers : Bienvenue au Roi Arthur, comment avez-vous préparé ce festival par rapport à un concert habituel ?
Olivier Viscat (bassiste) : C’est la première fois que l’on vient jouer ici. Il y a des modifications de set list. On a fait une petite répétition avant.
Theo Lawrence (chanteur) : On ne peut pas faire autant dans la dentelle. Il faut plus envoyer en festival, car les gens ne nous connaissent pas forcément. Il faut essayer de les captiver et de jouer le jeu du festival. Les festivaliers ne sont pas convaincus d’avance.
O.V : On aime bien se laisser des espaces de liberté. Il faut bien improviser un petit peu, c’est là où la musique se fait.
T.L : Quand il n’y a pas d’improvisation, on fait un mauvais concert en général. Dès qu’il y a plein d’imprévus, c’est un excellent concert.

Theo Lawrence and The Hearts

U : Vous êtes proche de votre public ?
Thibault L. Rooster (batteur) : On rencontre le public surtout après les concerts.
O.V : La majorité des gens qui viennent nous voir nous découvrent encore. Notre premier album est sorti en mars dernier, on est encore dans la tournée de l’album. Il y a de plus en plus de monde qui vient nous voir et ça c’est plutôt cool. Des fois certains font plus d’une heure de route pour nous voir, c’est incroyable. On est là pour les conquérir.
T.L : C’est un public naissant, car on existe depuis peu de temps. Ça fait deux ans que l’on fait des concerts. Notre public se construit.

Theo Lawrence and The Hearts

U : Comment s’est formé Theo Lawrence and The Hearts ?
T.L.R : Le groupe s’est formé sur Paris. Theo et Olivier avaient déjà un groupe. Et, ensuite, ils ont trouvé d’autres musiciens dont moi et Thibault qui est à la deuxième guitare. Paris est un milieu musical assez restreint, on a vite fait de connaître tout le monde.
T.L : On n’a pas fait d’auditions, on n’a pas mis de petites annonces. On s’est rencontrés, car on partageait les mêmes goûts musicaux.

U : D’ailleurs, pourquoi avoir adopté ce nom de scène ?
O.V : C’est un groupe où l’on harmonise tout ensemble. On fait tous les arrangements ensemble. Mais il y a quand même Theo qui occupe une grande place dans le groupe en étant auteur, compositeur, chanteur et guitariste. Le « The Hearts » c’est pour la pulsation et la sincérité.
T.L :, Mais on n’y a pas pensé en se disant c’est la pulsation et la sincérité (rires).

U : Votre groupe se distingue par cette influence blues, d’où vous vient cette culture ?
T.L : Le blues est un des styles qui nous intéressent, mais on aime mélanger un peu tous les styles. Il y a de la soul, de la country et du rock. On aime bien en général les artistes qui mélangent tous ces styles-là, les synthétisent et font leur propre style comme Neil Young par exemple. Il fait du rock, mais il a embrassé plein de genres et de cultures différentes et c’est un peu ce que nous essayons de faire. J’ai été séduit pas le blues, la country, la soul et le gospel, car ce sont des musiques toujours très interprétées dans lesquelles il y a beaucoup d’espace pour mettre de soi. Elles sont toujours très habitées et incarnées.

https://www.youtube.com/watch?v=pO8kTRv4l3o

U : Une voix grave, des riffs de guitare, une mélodie douce qui nous transporte, c’est comme ça qu’on pourrait définir votre marque de fabrique…
T.L : Vu que ça ne fait pas longtemps que l’on existe, il se trouve que ce que l’on a sorti ressemble à ça, mais ça pourrait changer à tout moment. On ne s’est pas dit qu’on allait faire un style de musique en particulier. Depuis qu’on joue ensemble, j’ai l’impression que ça a déjà évolué trois ou quatre fois. Je ne dirais pas qu’on applique une recette avec un son que l’on va reproduire au fur et à mesure des albums. Le deuxième album que l’on va sortir l’année prochaine va être un prétexte pour évoluer encore au niveau du son. Je ne prendrais peut-être pas la même voix et les arrangements ne seront peut-être pas les mêmes.

Theo Lawrence and The Hearts

U : L’album Homemade Lemonade est sorti en mars dernier, il s’agit de votre premier album, qui intègre une veine musicale blues, country, soul et rock, comment il a été pensé ? Ça a été deux années de préparation ?
T.L.R : Les morceaux qui sont dessus n’ont pas deux ans d’existence. Ce sont des morceaux assez récents, pas plus de six mois, à part peut-être un ou deux morceaux. Certains ont été réarrangés en totalité sur le moment en studio. Je ne crois pas qu’on ait pensé l’album dans une globalité. On avait des titres, on les a enregistrés, compilé de la meilleure manière possible. Cet album n’a pas été pensé comme une pièce majeure.
O.V : Ce n’est pas un concept album.
T.L : On avait des morceaux beaucoup plus vieux qu’on jouait depuis plus longtemps, mais les morceaux que nous avons enregistré ne suivent pas une logique, c’était plus une envie de jouer ces morceaux aujourd’hui.
T.L.R : Cela s’entend d’ailleurs. Il y a plein de morceaux qui n’ont rien à voir en termes de styles sur l’album.
T.L : Entre Count Me In Tomorrow et Sucker For Love, il y a vraiment un grand écart et c’est parce que justement c’était les morceaux du moment.
T.L.R : Comme il n’y a pas de ligne directrice particulière, on fait selon l’humeur de chacun.
T.L : Pour être honnête, on a enregistré 15 morceaux et il n’y en a que 10, car on trouvait que les 5 autres n’étaient pas assez bien enregistrés.

U : De quoi parle cet album finalement ?
T.L : Il n’y a pas de message particulier sur la politique.
T.L.R : Il y a des thèmes différents, le thème récurrent c’est quand même l’amour (rires).
O.V : C’est l’amour, mais sous toutes ses formes. Count Me In Tomorrow est une chanson sur l’amour fraternel.
T.L : L’idée n’est pas de faire des histoires originales ou d’essayer de trouver des paroles qui n’ont pas été faites avant, mais plus d’aborder des thèmes qui ont été reproduit 150 fois en mélangeant les styles que l’on aime. Entre James Carr, un chanteur de soul que j’adore et Hank Williams, un chanteur de country, ils peuvent tous les deux chanter une chanson d’amour sans pour autant avoir les mêmes intentions. Notre but est d’apporter notre pierre à l’édifice dans une tournure plus personnelle et de chanter sur des sujets auxquels tout le monde peut s’identifier.

https://www.youtube.com/watch?v=p9crj3S0GSQ

U : Écrire sur des sujets politiques ou sociaux ne vous intéresse pas…
O.V : Moi ça me fait un peu chier, mais ce n’est que l’avis du bassiste, je n’écris pas les paroles (rires).
T.L : Vu que j’écris les paroles et que je n’y connais rien en politique, je n’écris pas là-dessus. Je suis totalement dépolitisé depuis que je suis né, je n’ai aucune idée de ce que se passe dans le monde (rires). J’écris sur ma petite expérience.

U : Le blues rural est pour vous un genre intemporel ?
T.L : Oui complètement. Le blues rural représente une personne qui chante avec un instrument. Ça existe depuis 1000 ans, ça continue d’exister et ça continuera toujours à exister dans divers contextes. Même à l’époque du Roi Arthur, il avait le blues de son épée.

U : Certains morceaux plus blues rock US comme Never let it go rappellent l’univers de The Black Keys. Vous ne seriez pas un peu les Black Keys français…
T.L : Oui (rires).
O.V : On aime bien évidemment les Black Keys et c’est un joli compliment.
T.L : Ils sont inspirants, mais je ne sais pas si on se voit comme les Black Keys français. Il y a tellement peu de gens qui ont envie de faire les styles qu’on joue, que l’on nous rapproche forcément d’un groupe américain qui le fait de manière populaire.

U : Lorsque l’on vous écoute pour la première fois, on pense instinctivement à un groupe américain provenant du sud des États-Unis, du Mississippi, alors que finalement vous êtes pour la plupart originaire de banlieue parisienne…
T.L : C’est sûr qu’on n’essaye pas de sonner français.
O.V : On fait juste ce qu’on a envie de faire.
T.L : Lorsque l’on dit ça sonne un peu français, généralement ce n’est pas bon signe.
T.L.R : Ce qui fait sonner français c’est le chant en français. Le groupe Téléphone à l’époque, c’est juste la voix qui fait que ça sonne français. Tu mets de l’anglais dessus c’est du rock britannique.
T.L :, Mais on ne chantera pas en français demain ça c’est sûr.

U : On pourrait vous définir comme un groupe vintage…
O.V : Ça prend forcément ses racines dans des vieux trucs, on est influencés par le contexte.
T.L.R : Par une musique qui n’est pas de cette époque actuelle, mais la manière dont on l’interprète n’est pas vintage.
O.V : Ce n’est pas revivaliste.
T.L : Etant donné que nous avons écouté de la musique des années 50 jusqu’aux années 2000, on peut se permettre d’écrire des morceaux, les arranger et y ajouter des trucs free jazz new-yorkais, car on a une vision globale de tout ce qui s’est déjà fait. On n’est pas vintage dans le sens où l’on pioche dans tout ce qu’on écoute, on le mélange et ça ne se faisait pas avant, car les styles étaient plus cloisonnés. C’était régi par des codes de structures, de chansons et d’accords qui étaient fixes. On ne fait pas un style dans une époque avec des codes qu’on applique à la règle comme il y avait avant. Si on écoute un album blue note des années 1960, d’un album à l’autre, des gimmicks se répètent. Aujourd’hui ça existe moins, j’ai l’impression que c’est beaucoup moins cloisonné. Pour notre inspiration musicale c’est pareil, elle n’est pas cloisonnée.

U : Theo, vous avez un timbre de voix grave, très soul, comment le cultivez-vous ? J’ai pu lire que Joe Tex était l’un de vos idoles…
T.L : C’est un chanteur que j’adore. J’aime aussi James Carr, Solomon Burke, Aretha Franklin, plein de chanteurs issus du gospel et de l’église qui incorporent un prêche dans leurs morceaux et qui ont fait un peu le crossover entre la musique religieuse et la musique commerciale comme Ray Charles. J’adore quand les deux se mélangent et quand des accords font penser à l’église avec un couplet et un refrain pop.

U : Le 16 août dernier, la reine de la soul, Aretha Franklin nous a malheureusement quittés, que retenez-vous de cet artiste et quels titres vont ont le plus marqué ?
T.L : Je ne l’ai jamais entendu chanter une seule note mal interprétée.
O.V : C’est sans doute une des plus grandes interprètes du 20e siècle. Il y a les gros tubs comme I Say A Little Prayer ou encore You Send Me avec un super groove de basse.
T.L : Il y a Do Right Woman, Do Right Man que j’adore.
T.L.R : Ain’t No Way avec la mère de Whitney Houston qui fait les cœurs.

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Timothy Gaignoux
Timothy Gaignoux est journaliste spécialisé en culture musicale.

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