Thierry Micouin, Synapse au Musée de la danse ou une jeunesse meurtrie

Thierry Micouin revient avec une nouvelle création intitulée Synapse. Hasard du calendrier, elle est inspirée par les faits qui eurent lieu en 2005 à la même période. Synapse sera présentée au Musée de la danse dans le cadre de Mettre en Scène du 3 au 7 novembre 2015. Trois danseurs donnent chair à la jeunesse adolescente, la révolte et la mort.

_MG_3209 HR © François StemmerEn octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, trois adolescents se trouvent plongés dans l’absurde et l’horreur. Alors qu’ils fuient un contrôle policier, ils se réfugient dans un transformateur EDF ; deux d’entre eux trouvent la mort, le troisième est grièvement blessé. S’en suit la colère des banlieues qui se diffuse dans l’Hexagone jusqu’au couvre-feu décrété par le gouvernement Villepin. C’est de ces faits déplorables que s’est inspiré le chorégraphe Thierry Micouin. Avant de danser avec Catherine Diverrès, Boris Charmatz et Olivier Dubois, puis de devenir chorégraphe en 2006, il fut le témoin coutumier de la lutte pour la survie alors qu’il était médecin urgentiste pour le SAMU.

Après son triptyque composé de Who, Men at work, go slow ! et Double Jack, Synapse est le premier spectacle chorégraphique de Thierry Micouin dans lequel il ne danse pas. Il s’est entouré de trois danseurs rencontrés sur Tragédie d’Olivier Dubois : Sylvain Decloitre, Steven Hervouet et Marie Leca. La création voit le jour avec le projet de l’installation de la musicienne et plasticienne Pauline Boyer avec laquelle Thierry Micouin a travaillé sur son précédent projet Double Jack. Le souhait du chorégraphe visait à ce que le public puisse traverser l’imposante installation visuelle et sonore d’arcs électriques de Pauline Boyer. Malheureusement, pour des raisons de sécurité, il fallut se résoudre à une frontalité plus classique pour Synapse.

_MG_2961 HR © François StemmerLe spectacle se construit sous le double signe de la contrainte et d’une vision pessimiste ; la puissance de la danse comme moyen de lutte prend tout son sens. Les danseurs sont traversés par les contractions musculaires qui suivent un rythme déterminé par l’écrit. Ils déploient l’énergie de leur jeunesse en une lutte effrénée pour s’affranchir du carcan d’un espace sombre, lugubre ; ils luttent pour s’arracher du sol qui les attire dans une chute lente mais inéluctable. Ils luttent aussi afin de ne pas être carbonisé par la sculpture tout en verticalité fluide et monumentale. La sculpture produit des décharges électriques rendant l’appareillage quasi vivant, lui conférant un statut d’élément. Elles ramènent le public à la menace omniprésente et oppressante, tension supplémentaire qui modèle les trajectoires fatales et les énergies des danseurs.

La désynchronisation de l’unisson des trois danseurs dessine le lien des individus dans le petit groupe. Des gestes figuratifs apparaissent ; ils sont aussitôt aspirés par des mouvements abstraits. La bouche du danseur est condamnée par sa propre main et déviée de sa trajectoire et le danseur repart dans une rotation, cette rotation récurrente pour tenter de s’arracher d’une ligne toute tracée. Les traversées de l’installation par les danseurs, la lumière d’Éric Houiller et la musique obsédante modèlent la profondeur du plateau, l’espace tantôt intimiste, tantôt ouvert tel un champ de bataille. La lutte est permanente et de toute part, obsédante : le sol, l’installation, des personnages hors-champs, la musique, l’électricité. À ces cadres, Sylvain Decloitre, Steven Hervouet et Marie Leca opposent une danse en une course folle et furieuse, la ferveur d’un groupe soudé. À ces cadres, les danseurs opposent leur chair et leur souffle. Synapse débute par un plateau totalement plongé dans la nuit. La première perception que le public a des danseurs est le bruit de leurs membres qui choquent  le sol au gré de leurs mouvements encore lents. La dernière descente vers ce sol est accompagnée du bruit des membres le heurtant en un bercement chaotique et macabre. La respiration, comme les heurts, est saccadée. La main n’obture plus la bouche mais le son qui en sort n’est plus qu’un halètement. La révolte, si elle n’a pu s’exprimer que par les corps, a brillé avec une intensité aussi forte, poétique et belle que les arcs électriques.

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 SYNAPSE de Thierry Micouin au Musée de la danse du 3 au 7 novembre dans le cadre de Mettre en Scène.

Conception, chorégraphie Thierry Micouin / Interprétation Sylvain Decloitre, Steven Hervouet, Marie Leca  / Arcs électriques, son Pauline Boyer / Lumière Erik Houiller / Photographies de François Stemmer

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