Titi Robin, sa fille Maria, Francis Varis et Habib Meftah étaient en Bretagne dimanche 13 août sur la grande scène du Festival du Chant de marin à Paimpol. Belle occasion de se glisser dans les loges pour en savoir plus sur l’état d’esprit d’un très grand artiste. Un artiste peu soucieux de laisser d’autres raisons que son propre appétit de liberté influer sur son cheminement, ses rencontres, ses projets, jusqu’à ce que l’inspiration ou la vie en décident autrement.
« Le prix d’une vie debout, voilà ce que raconte ma musique », explique Titi Robin en faisant le parallèle entre son métier de créateur et celui de l’artisan. S’il était couvreur, il lui faudrait monter sur le toit pour mettre un bien et une famille à l’abri, prendre des risques, faire en sorte d’être à la hauteur de la tâche qui lui a été confiée. Musicien, il travaille pour les gens qui se déplacent pour venir le voir en concert, achètent ses disques, attendent de sa part un engagement, lui font confiance au même titre que s’il s’agissait de protéger leur maison des intempéries.
« Il ne s’agit pas que de musique, la musique embrasse tout, raconte nos chemins de vie, tristes, joyeux, doux, violents, le miel et les épices, le sucré, le salé. C’est épuisant de s’entêter à vouloir rester amoureux, mais je n’ai pas d’autre ambition : ne pas m’endormir, toujours rester en éveil et chercher la beauté. Je suis prêt à en payer le prix. L’artiste pour moi, c’est celui qui veille à entretenir le feu brûlant de la passion, s’arrime aux émotions, pour ne pas voir s’échouer nos rêves dans les filets du quotidien ».
Titi Robin n’hésite pas à dire que depuis le début de son aventure artistique, il se demande combien de temps cela va durer. Il n’a jamais cherché, par des recettes ou autre, à forcer le destin. Il vit en conscience que, demain, l’inspiration peut ne plus être au rendez-vous. Sa musique est l’expression de cette tension, solide et fragile à la fois, qui oblige à concentrer l’énergie autour d’un point toujours en mouvement. Sur ce fil en équilibre, Titi Robin invente son propre langage musical et cette conception du voyage intérieur qui mêle l’intime et l’universel. Cette ligne de conduite ne l’empêche pas d’apprécier la justesse et la sincérité d’autres sonorités.
S’il fait très attention à ne pas introduire d’influences anglo-saxonnes dans ses mélodies, il nourrit un grand respect pour toutes les formes artistiques. Ce qui importe, c’est l’harmonie, que le geste, la forme et le contenu soient en adéquation. Électriques, acoustiques, traditionnelles ou expérimentales, toutes les musiques partagent selon lui ce même enjeu. Le sens que chacun donne à ses choix esthétiques, à son envie d’explorer pour ne pas simplement reproduire, mais créer, c’est à cette liberté là que Titi Robin doit d’être une icône portée aux nues par son public et non par l’efficacité de tel ou tel circuit commercial.
« Ma musique évolue forcément, parce qu’entre mes débuts et aujourd’hui, je ne suis plus le même homme, sauf pour une chose, essentielle à mes yeux, mon trésor personnel. J’espère que je combats pour réaliser les mêmes rêves que j’avais enfant. Je veux que cela s’entende quand je joue, quand j’écris ».
Car Titi Robin aime les mots et leur puissance poétique autant qu’il excelle à nous embarquer dans ses sonorités gitanes et orientales. La parution de son premier recueil de textes ne devrait plus tarder. Encore un peu de patience.
À aucun moment, Titi Robin ne parle de quête ou ne se pose en éclaireur, même si ses choix l’ont mis aux avant-postes d’un courant qui a emporté dans une même frénésie toute la planète : les musiques du monde. Il n’a rien du héros investi dans la légende du Saint Graal, ni du donneur de leçons. C’est un compagnon de route, aussi bien pour le jeune musicien qui a la chance de le croiser au détour d’un de ses nombreux projets, que pour son public. Il cultive cette grâce de l’émerveillement et de la révolte. Titi Robin ne s’enferme dans aucune convention. Il nourrit son œuvre de désir, pas de frustration.
Du monde, il dit encore connaître trop peu, même si sa notoriété l’amène à se produire sur tous les continents. Mais il sait que la culture ne se transmet que par la volonté de celles et ceux qui revendiquent leur droit à participer au concert des voix du monde, indépendamment des règles mortifères dictées par les guerres. C’est dans cet interstice que le génie de Titi Robin fait moisson, comme une graine qui choisit une faille dans le granite pour éclore et donner une fleur.
Certaines graines nécessitent de la lumière pour germer, d’autres de l’obscurité, certaines du froid, ou au contraire une chaleur intense et un laps de temps important. Il y a quinze ans, Titi Robin a contribué à la création d’écoles de musique en Palestine via l’association Al Kamandjati. Le 13 mai 2017, il donnait à Angers un concert avec de jeunes professionnels qui ont eu la chance sur fond de guerre de s’aventurer sur les sentiers exigeants de l’expression artistique. Une autre date est programmée dans la région parisienne à l’automne. Voilà qui résume mieux que tout autre exemple le sens de l’engagement d’un artiste à l’écoute du monde.
Sa discographie impressionnante en témoigne, Titi Robin est de ceux qui ont senti bien avant l’heure l’importance de puiser à la source des musiques traditionnelles, de faire confiance aux viviers de talents qu’elles continuent à faire émerger, malgré ou grâce au boucan ambiant. À Paimpol, dans cette Bretagne où Titi se sent presque chez lui, il aura marqué de son empreinte trois jours de fête dédiés aux routes de l’Orient.
Rendez-vous pris pour l’édition 2019 du Festival du Chant de marin, les 2, 3 et 4 août. Ce sera le 30e anniversaire.
Le site de Titi Robin