Jouée à guichet fermé depuis le 5 février au Théâtre National de Bretagne, Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand est un des grands évènements de la saison culturelle rennaise. C’est entre deux représentations que l’occasion est présentée au public de rencontrer la troupe qui tous les soirs revisite ce grand classique et de discuter de cette pièce transposée dans un cadre résolument moderne.
C’est dans la salle Jean Vilar où se joue la pièce d’Edmond Rostand, sur la scène et au milieu du décor toujours en place que nous accueillent François Le Pillouër, directeur du TNB ainsi qu’une partie de l’équipe et l’ensemble des comédiens. Au-delà de la simple rencontre entre le public, majoritairement scolaire, et les acteurs, une thématique avait été inscrite : comment jouer Cyrano aujourd’hui ?
Il faut dire que la pièce mise en scène par Dominique Pitoiset, malheureusement absent pour l’occasion, s’inscrit dans un cadre contemporain, bien loin des mises en scène classiques. Bien que cela soit une création pour le Théâtre National de Bretagne, le metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai ayant déjà adapté cette pièce dans le cadre d’une cuisine il y a quelques années en Allemagne. Mais c’est Daniel Martin qui résume la volonté première.
« […] Monter Cyrano comme les Allemands montent Shakespeare »
Pour comprendre ce projet, quelque peu fou qui prend place dans un asile, il faut revenir aux origines du montage de ce Cyrano. En effet, la volonté première de l’équipe qui s’est formée est de s’attacher avant tout au message et à l’écriture d’Edmond Rostand, de s’éloigner de l’imaginaire collectif des costumes et de l’encrage dans une période historique, des images d’Épinal qui collent à cette pièce qui est un succès . En voulant s’affranchir de ce cadre et l’inscrire de manière moderne, le constat est ainsi énoncé par Philippe Torreton.
« Cyrano, c’est un fou qui n’a pas d’équivalent sinon dans un asile »
C’est ainsi que le propos de la pièce se déplace petit à petit de la flamboyance et le panache, mot qui en fait n’est cité que deux fois dans la pièce, vers la notion de déclin en utilisant le texte comme outil pour montrer tout le paradoxe de Cyrano entre l’amour, la manipulation et la liberté. Avec des acteurs soudés, une équipe, c’est tout un chœur qui est primordial dans la mise en exergue du protagoniste. C’est le texte seul couplé au jeu et non les décors ou les costumes qui font ainsi vivre la pièce. Le théâtre retrouve donc une de ces fonctions premières celle de l’écoute et derrière les tirades, les paroles (re)gagnent un sens plus profond que la simple esthétique.
Le pari, certes osé et soumis à quelques critiques des puristes, s’inscrit dans la droite ligne de la programmation artistique du théâtre souligne le directeur, celle qui demande au spectateur un certain travail de réflexion.