Cette année la 25e édition du Festival de cinéma rennais Travelling vous invite à voyager au Brésil du 25 février au 4 mars 2014. Et pas n’importe où dans ce vaste pays, dans la cidade maravilhosa… Rio. Ville de carnaval et de favelas, elle est aussi le berceau d’une certaine idée du cinéma. Unidivers s’est glissé dans les coulisses pour comprendre comment Travelling aboutit à Rio – soit une semaine à Rennes de projections où se presseront, on l’espère, plus de 40.000 curieux et passionnés. Grâce à l’association organisatrice Clair-obscur, notamment Séverine Létendu, Anne Michenaud et Anne Le Hénaff, en voilà un avant-goût. A base de cachaça bien sûr !
Les organisateurs du festival Travelling observent attentivement le sous-continent sud-américain depuis des années. Un cinéma indépendant, et non des moindres, s’y développe – au Chili, en Colombie, en Argentine et… au Brésil. Rio fut le choix retenu avant même la clôture de la dernière édition de Travelling consacrée à l’Écosse et Édimbourg. De fait, le lieu de la future édition est toujours choisi bien en amont du festival de l’année en cours.
Ville-continent, Rio illustre bien les images que nombre de Français associent traditionnellement au Brésil. Pain de sucre, samba, carnaval, foot, caïpirinha, string et longues plages de Copacabana sont des éléments constitutifs de notre perception. Qui plus est, le plus vaste pays d’Amérique latine est au coeur de l’actualité : pays émergent membre des BRIC et théâtre de prochains Jeux olympiques comme d’un Mondial de football. Tout est réuni pour que Travelling montre… un autre Brésil. Car là repose la particularité de ce festival : proposer un autre regard que le cliché, un autre point de vue sur des lieux que l’on croit connaître. Il ne sera donc pas question de l’hilarant OSS 117 – qui n’est d’ailleurs jamais sorti dans le pays qui lui sert de décor – mais du cinéma d’auteur brésilien.
Mais pour en arriver à ce que les spectateurs puissent vibrer au mois de mars 2014, un long processus est nécessaire. Dès Rio retenu il y a près de 18 mois, la machine du festival se met en branle. Les organisateurs partent en quête de personnes installées sur place afin de leur servir d’intermédiaires avec les auteurs, réalisateurs et producteurs et les ayants droit (propriétaires de l’oeuvre). Commence dans le même temps le visionnage d’un large éventail de films par la directrice artistique, Anne le Hénaff. En fonction de la qualité de chacun, elle présélectionne ou non des œuvres.
Toutefois, elle est aidée dans sa tâche par un autre festival, et non des moindres, celui… de Cannes. « Un passage obligé. En dehors du strass, des paillettes et du glamour, Cannes est un haut lieu de rencontres cinématographiques. La quasi-totalité des pays de la Terre tient un stand et présente leurs productions » – explique la directrice artistique. La sélection se construit alors petit à petit au gré des rencontres et des coups de cœur. À la fin du mois d’août 2013, une partie de l’équipe se rend dans la ville retenue, en l’occurrence Rio. « C’est primordial d’être sur le terrain, de rencontrer des professionnels, des institutions telles que la cinémathèque brésilienne… » De fait, les écueils sont nombreux sur le chemin des bobines ou des copies numériques tout comme des droits de diffusion.
De fait, le cinéma est en pleine révolution numérique. Si cette évolution technique résonne comme une simplification pour certains, elle engendre un vrai casse-tête pour les organisateurs de Travelling. C’est le cas d’Anne Michenaud, responsable logistique du festival et en charge de la recherche des copies des films qui y seront diffusés. En pratique, une partie de la production cinématographique est numérisée, celle qui date d’après les années 2010 ; mais celle antérieure à 2010 est bien souvent encore sur pellicule. Si le détail peut paraître anodin, il a son importance au moment de la diffusion en salle. Bien que la numérisation du cinéma soit très récente, les cinémas se sont rapidement débarrassées des encombrants projecteurs. Or, les films anciens de 35mm requièrent des projecteurs spécifiques que ces derniers n’ont plus. « Ici, à Rennes, les cinémas sont habitués à travailler avec nous, l’Arvor, le Gaumont, le TNB, ils ont tous gardé un projecteur mais dans une salle seulement, ça pose donc des contraintes d’organisation… »
Autre problème : les films diffusés à Travelling sont parfois assez confidentiels. Autrement dit, beaucoup n’ont pas été acquis par une boîte de distribution en France. Acheter les droits dans ces conditions revient à jouer aux devinettes pour localiser qui est en leur possession. Un héritier du metteur en scène ou du réalisateur ? Le producteur ? Un voyage au Brésil est alors requis pour prendre contact avec les possibles ayants droit d’un moyen ou long métrages. Cette contrainte n’est pas sans incidence sur la programmation : l’ample sélection initiale retenue vers les mois de mai ou juin est condamnée à se réduire en fonction de l’accessibilité concrète de certains films, des négociations avec les ayants droit et, donc, des montants des droits d’exploitation demandée.
Au total, sept personnes sont mobilisées toute l’année pour faire vivre ce festival de cinéma. S’y ajoute quelques embauches et nombre de bénévoles durant le festival. L’important budget de fonctionnement est rendu possible grâce à diverses subventions annuelles (notamment 235.000€ de la Métropole rennaise). |
Enfin, il y a contrainte particulière que connait Rio contrairement aux deux précédentes villes européennes retenues (Bruxelles et Édimbourg). Deux semaines sont nécessaires pour acheminer les films du Brésil à Rennes en passant les différentes douanes et autres contrôles. C’est une contrainte de temps à prendre en compte dans le planning.
Le résultat de tout ce travail en amont sera visible au mois de février 2014 autour du Liberté de Rennes qui promet, mis à l’heure brésilienne, d’être haut en couleur. L’histoire et l’évolution du Brésil – traversée par des transformations radicales, à l’image de cette sombre double décennie de dictature militaire (1964-85) puis des métamorphoses depuis 2003 – y sera longuement interrogé. De fait, le pays des novelas et des favelas, lieu par excellence d’histoires urbaines et sociales, est naturellement celui de documentaristes inspirés, João Moreira Salles, Eduardo Countinho… Comme les précédentes éditions avec leur tonalité sociale affirmée, sont prévus pour Travelling Rio non seulement des projections mais aussi des rencontres avec des réalisateurs, des animations pour le jeune public et divers rendez-vous devenus réguliers avec le public.
Nelson Pereira dos Santos, Karim Aïnouz, Gustavo Beck, Maria Ramos, la marraine, Maria de Medeiros, et le parrain, David Merveille, seront autant de guides sur les chemins tortueux d’un cinéma qui pour Anne le Hénaff « avance par à coups, porté par les remous de l’histoire. »
Chloé Rébillard et Nathalie Morice
25e édition du Festival Travelling Rio du 25 février au 4 mars 2014 à Rennes