Ce Traité ne propose ni une phénoménologie des objets ni une analyse du concept de « chose », ni une pensée critique de la chosification ni une épistémologie du « découpage » de notre environnement par notre cognition. Ce Traité invite à prendre le large pour une tout autre aventure. Il suggère d’explorer d’abord notre monde comme s’il était vraiment plat, en lui ôtant toute intensité, toute valeur. Dans un second temps seulement, avec en poche la boussole de cette solitude ontologique radicale, cet ouvrage invite à retrouver la possibilité d’un univers, c’est-à-dire d’un ensemble de choses non plus seules, mais les unes dans les autres. Le désert théorique se transformera alors en encyclopédie luxuriante de nos objets contemporains, traversés d’ordres et de valeurs cosmologiques, biologiques, anthropologiques, artistiques, économiques ou sexuels. Tristan Garcia enseigne à l’Université de Picardie-Jules Verne. Il est l’auteur d’un essai, Nous, animaux et humains (Bourin, 2011) et de deux romans parus aux éditions Gallimard.
Un bien bel essai que ce petit traité de philosophie. Comment révéler la métaphysique des choses les plus simples et touchantes ? Une façon assez spirituelle pour découvrir le monde dans lequel on vit.Si dans notre belle société moderne, nous sommes esclaves de tout un tas de choses matérielles et immatérielles, Tristan Garcia explique comment et pourquoi. Il souligne la mécanisation des esprits autant
que des actes. Il porte un coup de projecteur sur la déshumanisation des individualités et l’altération de l’essence des objets. La cause du problème repose à son sens dans le défaut d’attention ou un zapping récurent ainsi que dans une aliénation quasi volontaire afin de répondre à une peur du vide.
La construction de l’œuvre est solide. La première partie d’analyse brute se déploie sans aucune référence historique. Juste la démonstration d’un constat à travers une interrogation brute. Quoique brutal, c’est efficace. Ensuite, la seconde partie apporte ce regard sur l’Histoire. Comment ce problème posé s’intègre-t-il dans l’histoire de la pensée ? Et comment le passé et les anciens peuvent-ils répondre à ce problème moderne ?
Le fait de ne pas poser de hiérarchisation apporte une méthodologie au goût appréciable. Le lecteur est en lien avec cet essai comme Hercule devant affronter ses épreuves. Le dénivelé est vertigineux. Le lecteur comprend d’emblée qu’il va lui falloir un grand courage pour relever le défi proposé, néanmoins il devine aussi vite la jouissance qu’il remportera.
David Norgeot
Tristan Garcia, Forme et objet — Un traité des choses, PUF, 30 nov. 2011, 464 pages