Tropique de la violence : Mayotte, cent unième département français est connu comme le plus beau lagon du monde. Nathacha Appanah, auteure mauricienne, tisse une fiction polyphonique montrant que ce monde émeraude et opalin cache aussi un parfum de misère et de violence. Premier Prix Femina des Lycéens 2016.
Tout commence avec Marie et sa voix depuis l’au-delà. Elle se souvient de ses jeunes années quand, à vingt-trois ans, elle quitte sa vallée et la maison familiale pour suivre des études d’infirmière. Partout un peu faible et perdue, ses années défilent en quelques pages. Elle rencontre Chamsidine, un infirmier mahorais, l’épouse et part à Mayotte. La trentaine, le mal d’enfant surgit. Cham la quitte.
Ce pays nous broie, ce pays fait de nous des êtres malfaisants, ce pays nous enferme entre ses tenailles et nous ne pouvons plus partir.
Mayotte connaît une forte pression migratoire depuis les Comores, Madagascar et quelques pays africains. Une très jeune fille, débarquée d’un kwassa kwassa, petite embarcation qui amène les migrants depuis Anjouan, à 70 kilomètres de Mayotte, donne son bébé à Marie. Elle ne veut pas de ce bébé du djinn qui a un œil vert et un œil noir. Marie comble son désir de maternité et Moïse aura ainsi la chance d’avoir un avenir.
Adolescent, Moïse reproche à sa mère adoptive d’en avoir fait un muzungu ( un étranger), un Blanc.
« Cette île a fait de moi un assassin. » De sa prison, Moïse, quinze ans, prend le relais du récit. Le jour où Marie tombe sur le sol de sa cuisine, commence pour l’adolescent un voyage en enfer. Avec les clandestins, Mayotte compte deux fois plus d’habitants qu’elle ne peut en contenir.
Gaza (nb : à la lisière de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île) c’est un bidonville, c’est un ghetto, un dépotoir, un gouffre, une favela…
Moïse y atterrit en suivant un ami. Là, il tombe sous le joug de Bruce, le chef de Gaza, un jeune garçon qui fait régner sa loi par la terreur. Dans ce quartier défavorisé de Kaweni, les jeunes sont « shootés au chimique », se défient au mourengué, une pratique ancestrale de combat.
Stéphane, vingt-sept ans, volontaire pour une ONG échoue à Mayotte.
Mayotte, c’est la France et ça n’intéresse personne.
Sa mission était d’ouvrir une maison pour les jeunes de Kaweni. Si le paysage magnifique et irréel lui donne l’énergie pour oublier les violences, il s’indigne contre cette misère qui pousse les jeunes à traficoter, traîner et macérer dans leur ennui. Comment imaginer un tel bidonville en France ! Moïse ne possède qu’un seul livre, L’enfant et la mère, c’est comme un talisman laissé par Marie, il en récite les mots comme une prière, est attiré par cette maison pour jeunes. La rencontre de Stéphane et Moïse est un moment de vérité qui fait basculer leur destin à tous deux.
Stéphane ne comprendrait jamais ces choses-là. Je ne le juge pas. J’en ai vu des gars, comme lui, passer quelques mois à Gaza. Je ne sais pas quel est leur but, je ne sais pas s’ils croient vraiment que quelques séances de cinéma, quelques matchs de foot ou du pop américain suffiront à nous faire oublier la misère, la crasse et la violence.
Natacha Appanah, ancienne journaliste aujourd’hui romancière, va au-delà des statistiques connues sur la situation de Mayotte. Ayant vécu deux ans dans ce département, elle peut en traduire l’émotion, la douleur ressassée de cette jeunesse plongée dans l’enfer. Avec Marie, Moïse, Bruce, Stéphane et Olivier le policier, elle dresse un portrait vif et brutal d’une île paradisiaque où les enfants meurent aussi sur les plages.
Tropique de la violence de Nathacha Appanah éditions Gallimard, 25 août 2016, 179 pages, 17,50 euros.
https://www.youtube.com/watch?v=i1iDwKTpVeA
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Nathacha Appanah est née à l’île Maurice et vit en France. Ses précédents ouvrages ont été traduits dans plusieurs pays et couronnés de prix littéraires. Tropique de la violence est son sixième roman.