TVR fête ses 35 ans en 2022. C’est l’occasion pour cette chaîne de télévision locale, la plus ancienne en France et la plus regardée aujourd’hui, de revenir sur son histoire, miroir de celle de son territoire et des évolutions des pratiques audiovisuelles depuis trois décennies. Elle le fait au travers d’une exposition d’archives reprenant les événements marquants, rennais et brétilliens, dont elle a été la témoin privilégiée, mais aussi les étapes de son développement en tant que média de proximité. Retour sur 35 ans d’histoire télévisuelle dans le 35 avec Aurélie Rousseau, directrice, et Pascaline Angot, responsable de la communication.
TVR, la télévision du 35 (Ille-et-Vilaine) souffle ses 35 bougies en 2022. Un clin d’œil des chiffres que ne pouvait manquer la chaîne lancée en 1987. Elle a conçu, pour l’occasion, dans l’enceinte de sa rédaction, une exposition d’archives retraçant 35 ans de flux télévisuel. Le couloir du temps, comme l’appellent Aurélie Rousseau et Pascaline Angot.
TVR, une histoire rennaise
À l’origine, comme nous l’explique Pascaline Angot, responsable de la communication, il s’agissait d’un projet d’animation en interne, à destination des collaborateurs de TVR. « Certains sont là depuis 35 ans, d’autres depuis 20 ans, 10 ans… Et d’autres depuis deux mois, car on a beaucoup de stagiaires, de personnes en alternance. L’objectif était de réaffirmer les valeurs et la ligne éditoriale qui nous animent depuis 35 ans. »
Assez vite vient l’envie de partager cette exposition au plus grand nombre. Une version mobile du couloir du temps est donc conçue et montrée au public pour la première fois à la foire internationale de Rennes en mars 2022, puis à l’open de tennis de Saint-Malo en mai et pendant les portes ouvertes de TVR le même mois. Elle sera exposée aux Champs libres en septembre, à Tout Rennes court en octobre, au Crédit Mutuel de Bretagne et certainement à d’autres occasions d’ici la fin d’année. Elle est complétée par une galerie de vidéos d’archives visible en ligne, et le journaliste Thibaut Boulais anime trois émissions anniversaires, dont la première est déjà diffusée et disponible sur le site Internet de TVR.
L’exposition prend la forme d’une petite histoire de TVR, depuis son inauguration en 1987 en présence du président de la République François Mitterrand. Première chaîne de télévision locale en France, elle est, alors, disponible sur le câble et distribuée dans tout juste 500 foyers à ses débuts. Aujourd’hui, elle est aussi la plus regardée, avec près de 50 000 téléspectateurs au quotidien. Entre-temps, elle est devenue une chaîne départementale en passant sur la TNT en 2007, étendant son amplitude de diffusion jusqu’aux Côtes-d’Armor et au sud de la Manche. Depuis 2010, c’est aussi une télévision numérique en ligne et elle est désormais disponible sur les box Internet. Ses programmes sont encore diffusés sur les réseaux sociaux, en replay ou en vidéo à la demande. « Aujourd’hui, on ne se considère plus juste comme une télé, mais comme un créateur de contenu local adapté à nos différents canaux de diffusion », résume Aurélie Rousseau.
Dans ce couloir du temps, on croise les figures marquantes de TVR, fondateurs, présidents, directeurs, mais aussi ses programmes phares (Le Métropolitain, Pleine Lucarne, Le Cabas de Juliana), certaines de ses coproductions (Louise en hiver, Mémorable) ou de ses retransmissions de spectacles vivants (Opéra de Rennes, ONB, TNB), de concerts (Trans Musicales, Art Rock, Hellfest), ou d’événements sportifs (Tout Rennes Court, La Route du rhum). Aurélie Rousseau et Pascaline Angot se remémorent l’acquisition de leur bus-régie en 2009 et des grandes captations qui ont suivi : l’opéra Don Giovanni diffusé place de la mairie, Tout Rennes court, le Marathon vert, des événements qui ont autant marqué la chaîne que le territoire.
Car l’histoire d’un média, c’est aussi celle de son sujet : Rennes, et l’Ille-et-Vilaine en l’occurrence. « On ne souhaitait pas mettre en avant la chaîne en elle-même, mais la chaîne dans le territoire, à travers ce qu’il a vécu : les grands événements sportifs, culturels, politiques qui ont aussi construit la chaîne éditorialement », précise Pascaline Angot. Au-delà de certaines évidences, par exemple les premières images de l’incendie du parlement de Bretagne en 1994, TVR a procédé à un travail de sélection en sollicitant les souvenirs marquants de ses équipes, ceux du directeur de l’information Stéphane Besnier en tête, lui qui est présent depuis la naissance de la chaîne. L’investigation a aussi demandé des heures de visionnage de rétrospectives pour digérer 35 ans de flux.
1989 : Conseil municipal pour la construction du métro à Rennes from RENNES CITE MEDIA on Vimeo.
Parmi les événements retenus, le conseil municipal votant la construction du métro en 1989, le passage de Nirvana aux Trans Musicales en 1991 ou de Bjök en 1993, le centenaire du Stade Rennais FC en 2001, l’inondation de Redon en 2014, le confinement de 2020 et les initiatives solidaires qui en ont découlé, etc. Le message qui s’en détache, c’est que TVR était présente à tous les grands événements rennais puis d’Ille-et-Vilaine, « aux côtés des habitants quand il se passait quelque chose », complète Aurélie Rousseau. À une époque où la télévision fait désormais figure de vieux média pour les nouvelles générations adeptes de contenus numériques, cet ancrage dans le territoire est ce qui permet d’assurer la pérennité d’une chaîne locale comme TVR.
Quel avenir pour les médias locaux ?
« La vie d’où je vis », « l’info locale en circuit court », TVR s’affirme comme un média de proximité à une époque d’information mondialisée et très souvent formatée. « On aime bien les formats magazines, découvrir le territoire en prenant le temps d’échanger avec ses acteurs. On veut contrer l’immédiateté de l’info dégueulée par certaines chaînes : pour nous, la télévision peut être un média de temps long », précise Aurélie Rousseau. Avec un seul journal tourné par jour, diffusé plusieurs fois dans la soirée, TVR privilégie le dossier plutôt que l’énumération de faits dans le traitement de l’information.
Au-delà de l’actualité, la ligne éditoriale de TVR en tant que miroir du territoire se manifeste également par un important programme de coproductions d’œuvres audiovisuelles avec d’autres acteurs locaux, médias ou institutions culturelles : documentaires, fictions, spectacles vivants, concerts. « Depuis 2009, on diffuse en commun avec Tébéo et TébéSud le jeudi, vendredi, samedi et dimanche des cases communes de création audiovisuelle bretonne, y compris en breton le vendredi », détaille Pascaline Angot. Dans cette optique de valoriser des langues minoritaires, TVR fait l’acquisition de séries britanniques, écossaises et galloises notamment, pour les diffuser doublées en breton et sous-titrées en français. C’est le cas par exemple de la série Hinterland (diffusée sous le titre breton Serr-Noz), dont les droits ont également été vendus depuis à Canal + et Netflix.
Trailer Serr-Noz from Dizale on Vimeo.
Le développement de TVR passe donc par de nombreuses collaborations s’appuyant sur le réseau d’acteurs du territoire, à l’image de son partenariat durable avec Ouest-France pour les soirées électorales (depuis 1988 !), avec le Stade Rennais, pour l’émission Rouge et noir notamment, ou encore avec notre magazine Unidivers pour l’émission Culture Club. « C’est indispensable, et ça nous met dans une position très active qui nous oblige à être constamment innovants », commente Aurélie Rousseau. Alors que la chaîne vivait quasiment exclusivement d’argent public pendant ses 20 premières années d’existence, son modèle économique se diversifie au moment où elle devient une chaîne départementale. Entrent alors au capital des structures privées comme Ouest-France, Le Télégramme, le Crédit Mutuel de Bretagne, et se développe la publicité, passage obligé pour l’immense majorité des médias.
Ces collaborations avec des acteurs médiatiques, auxquels on peut encore ajouter France 3, sont aussi un moyen de mieux appréhender les enjeux actuels du digital, qu’ils soient techniques ou juridiques, comme la diffusion de contenus sur les réseaux sociaux ou la présence sur des agrégateurs de contenus comme Molotov TV. « On se bat pour être de plus en plus visibles, en adaptant nos contenus aux modes de consommation », commente Aurélie Rouseau.
Malgré cette économie mixte, la directrice de TVR défend une position proche de celle de l’audiovisuel public. « Une télévision locale a absolument besoin d’une base solide de financement public, parce que faire de la télé coûte cher et que, dans les territoires, c’est compliqué de financer uniquement avec des fonds privés. Mais c’est aussi reconnaître qu’une télé locale comme TVR remplit une mission d’intérêt général en traitant l’information au quotidien, dans un souci de respect des pluralismes, et en la rendant disponible gratuitement. »
Aurélie Rousseau est aussi présidente du syndicat Locales.tv, dont les dernières assises se tenaient en novembre 2021. La revendication est unanime : « On demande à bénéficier d’une protection à un niveau national. Elle existe de la part des collectivités locales, même si elle peut être inégale selon les territoires, mais il n’y a pas de dispositif national pour les télévisions et radios locales, contrairement à la presse écrite ». Cette demande se justifie par le fait que les chaînes de télévision subissent une très forte régulation, quand leurs principaux concurrents aujourd’hui, les acteurs du web, en connaissent encore très peu. « On a besoin de cette protection aujourd’hui si on veut pouvoir être encore là demain, autrement tout va aller vers les géants du web ». Le risque serait alors de créer des déserts médiatiques, car, comme le rappelle Aurélie Rousseau, « il y a une forte corrélation entre l’absence de médias locaux et l’abstentionnisme, voire la montée des nationalismes ». « C’est une ouverture d’esprit qu’on offre aux citoyens », affirme la directrice de TVR.