Gerda Wendt fut une astrophysicienne allemande qui consacra sa vie aux étoiles. La BD Une vie comme un été, tout en douceur et subtilité, nous raconte par courtes séquences cette existence placée sous le signe de la voute céleste. Sans pathos, mais avec poésie.
C’est une vieille dame appuyée sur un déambulateur. Elle regarde les frondaisons d’un arbre. Juste au-dessus de sa tête. Dans l’ombre des branches, de petites taches scintillent. On dirait des étoiles. Ce sont bien des étoiles, ces éléments qui sont morts depuis longtemps, mais qui continuent de briller et de vivre pour nous, car
Tout ce que l’on voit là c’est déjà fini.
Cette BD raconte ainsi ce qui est fini. Les étoiles, mais aussi cette vieille dame, qui s’appelle Gerda Wendt. Elle est seule comme elle l’a été une grande partie de sa vie qu’elle va consacrer aux chiffres et au ciel, s’éloignant de la vie réelle et des « besoins humains fondamentaux ». Des besoins comme la compagnie des hommes, et même celle de son mari pour qui elle renoncera pourtant, un moment, à un poste de professeure assistante à Cambridge. Devant son déambulateur, elle vit ses derniers jours, dans une maison de retraite, seule et oubliée. Alors elle se remémore son histoire par épisodes brefs et marquants, dans des aller-retour où souvent le sens des phrases combine histoire personnelle et principes de sciences.
La collision de deux comètes est hautement invraisemblable. Mais si ça arrive, même si elles sont petites, leur collision provoque une série d’explosions spectaculaires, leur luminosité est même des siècles plus tard visible depuis la Terre.
Un énoncé scientifique qui raconte en voix off la rencontre vouée à l’échec de Gerda et de Peter. Cet amour inconcevable pour une jeune fille totalement transparente, accaparée par les chiffres et les étoiles qui « sont là même si on ne les voit pas », ne peut rien face à l’immensité céleste et ses mystères insondables. Des décennies plus tard, c’est devant des fenêtres ouvertes qu’elle poursuit sa quête de souvenirs, morts eux aussi, mais pourtant toujours présents. L’album alterne ainsi, avec une rare tendresse, entre passé et présent, entre passion et dégradation du corps et de l’esprit.
Le talent des auteurs met en valeur la vie et l’immensité du cosmos, le savoir et l’ignorance. Et surtout la douceur et la pudeur. La fin de vie est rude pourtant, décrite sans faux-semblant, mais le regard du lecteur ne perd jamais de vue l’immensité du ciel, superbe contre point intemporel à l’existence terrestre.
Le scénario magnifique de Thomas von Steinaecker, romancier connu outre-Rhin, plein de trouvailles stylistiques évite le récit chronologique et s’attache aux détails qui éclairent une existence de passion et d’incompréhension. Barbara Yelin, lauréate du prix Artemisia 2015 en France et multiprimée en Allemagne pour son dessin, montre sans démontrer, gardant une distance nécessaire entre le réel et l’imaginaire. Ses couleurs illuminent ce bel été qui fut et qui n’est plus. Alors elle assombrit parfois son dessin pour dire la souffrance et faire ressurgir le passé.
C’est la vie d’une scientifique que raconte cette BD, une scientifique amoureuse des chiffres, mais surtout de la vie, de la beauté et de ces champs colorés qui demeurent le dernier souvenir avant de rejoindre définitivement les étoiles.