Pas facile de porter le nom de Enzo Popov quand on entre dans l’adolescence. Surtout si on est obèse. Et plus encore quand on est pauvre et parachuté dans un collège huppé d’un des plus chics quartiers de Paris… Se faire accepter par les professeurs, les autres élèves, lier des camaraderies… Un combat de chaque jour pour Enzo qui redoute plus que tout les jours d’école, mais cache à sa mère sa souffrance et ses mauvaises notes pour ne pas l’attrister ni l’inquiéter.
Pas facile non plus de vivre seul avec une mère trop jeune. De ne pas avoir vraiment de chez soi, puisque Enzo et Loubia ne sont que locataires temporaires, le plus discret possible, du grand appartement des employeurs de la jeune femme, qu’elle brique à longueur de journée pour mériter son salaire, en arrivant à déteindre les rideaux, râper les tapis et abimer les meubles. Mère et fils doivent partager une chambre étriquée alors que l’appartement est immense et quasiment toujours vide des propriétaires qui parcourent le monde. Ils se sentent en transit, en sursis et vivent sur la pointe des pieds.
Enzo, enfant renfermé et triste dans son corps trop grand, trop gros et mou, a parfois l’impression que c’est lui qui s’occupe de sa mère et non le contraire. Il la rassure, alors que c’est lui qui aurait besoin d’être consolé. Sa vie ressemble à un enfer au quotidien, avec tous les jours des mots qui font mal qu’on lui jette à la figure puisqu’il est le gros, fils de la bonniche, ou peut-être même d’une prostituée venue directement des pays de l’Est ? et qu’il n’a pas de père. Il doit subir des vexations, des brimades, des coups.
Pour supporter cette vie triste, il s’évade en pensée la nuit. Il fuit en imagination et nourrit des histoires un peu folles, agrémentées des personnages de ses nombreuses lectures. Mais le quotidien le rattrape et un jour, se transforme en véritable torture. Au chevet de son fils blessé, la jeune Loubia entame alors une étrange conversation avec le jeune garçon, osant enfin lui dire son amour, et parler du passé, ce passé vide de mots qui pèse si lourd entre eux deux.
Ce roman est tout simplement… magnifique ! Avec une pudeur extrême, Véronique Olmi touche du doigt la solitude et la souffrance de ces deux êtres, mais aussi la tendresse et l’amour qui les unit. Un lien très fort, mais pas assez pour contrer la violence du monde et surtout celle que subit le jeune garçon. Ils ne sont pas à sa place dans ce monde où ils vivent, mais ne connaissent pas d’ailleurs vers où se tourner. Ils sont des victimes nées et le cœur du lecteur se sert un peu plus au fil des pages. On voudrait les aider, leur parler, leur tendre la main et surtout empêcher ce qui va arriver. C’est superbe, poignant, terriblement triste, mais on se prend aussi à sourire parce que l’humour et la force de vie effleurent malgré tout à travers le récit de l’auteur. Les mots sont brutaux et beaux à la fois, et l’émotion survole ces pages pour laisser au lecteur une grosse boule au ventre, mais le sourire aux lèvres.
Un magnifique roman à la fois léger et tragique sur la différence et l’exclusion, mais aussi sur l’amour entre une mère et son enfant.
La nuit en vérité, Véronique Olmi, Albin Michel, septembre 2013, 304 pages, 19€
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La nuit en vérité de Véronique Olmi : magnifique histoire de la différence