Qui a dit qu’il n’y a jamais eu de vignes en Bretagne sauf dans le pays nantais où le vin est toujours resté présent ? Pourtant, la viticulture bretonne connaissait son plus bel essor durant le Moyen Âge et des vignes sont restées présentes localement jusqu’au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, la filière revient en force, mais cette fois elle est majoritairement biologique. Unidivers vous propose de faire connaissance avec ces nouveaux producteurs de vins bretons.
La documentation médiévale prouve qu’il existait une large diffusion des vignes en Bretagne au Moyen Âge, fortement liée au monde religieux. Près de 110 lieux sont associés à des vignes entre le début du IX e siècle et les environs de 1300. Les moines de Saint-Florent de Saumur s’établirent à Dol-de-Bretagne à la fin du XI e siècle et reçoivent des vignes de l’aristocratie locale. La vigne était très présente à Nantes (44) en 1074, dans les limites de l’ancienne cité romaine près de l’église Notre-Dame. Autour de Redon en Ille-et-Vilaine et à Landévennec dans le Finistère, les vignes étaient exploitées par les moines. Le terme de petit vignoble est utilisé pour Rennes (35) au cours du Moyen Âge, car il se développe que sur un petit territoire. De manière plus générale, on retrouve des vignes, là où il y a des biens monastiques et des châteaux, comme à Josselin dans le Morbihan en 1131 ou à Sévignac dans les Côtes du Nord (Côtes d’Armor) en 1218. Le prieuré de la Vigne est évoqué en 1313 au château de Fougères (35). Entre la fin du XII e siècle celle du XVIII e siècle, la viticulture est très importante à Clisson, à Pornic, à Saint-Léger-des-Vignes (44).
Le XVII e siècle devient un moment crucial. Les écrits montrent un accroissement démographique de l’essor urbain et de la concentration de la population dans des villes même modestes et la viticulture rencontre un large succès. Elle semble présente partout en Bretagne, avec des intensités variables. Les raisins locaux produisent des vins bretons pour un usage local. Les centres urbains les plus importants développent eux leur approvisionnement depuis les régions de la Loire, de La Rochelle et en Gascogne. Doucement les petits vignobles bretons s’éteignent et disparaissent progressivement. La vigne a encore été cultivée de manière pérenne, comme sur la presqu’île de Rhuys dans le Golfe du Morbihan : à Saint-Gildas-de-Rhuys, elle perdurera jusqu’en 1993, date de la dernière déclaration de récolte officielle dans la presqu’île.
Ce sont les pommiers et le cidre qui sont associés aujourd’hui à l’image de la Bretagne. Les vignes présentes autrefois un peu partout en Bretagne se sont effacées progressivement des mémoires. Mais depuis les années 2000, un réseau de passionnés de vin s’est déployé dans la région. L’attachement des Bretons à la viticulture est de retour, et ils sont nombreux à se lancer. Le vignoble voit surtout un nouvel horizon avec la libération européenne des droits de plantation actée en 2016. La Bretagne recense 54 projets professionnels, plus ou moins ambitieux et 245 hectares de vignes ont déjà été plantés. Les premiers vins sont signés Édouard Cazals à Saint-Jouan-des-Guérets en Ille-et-Vilaine. Il y a aussi Mathieu Le Saux sur l’île de Groix dans le Morbihan.
Pauline et Edouard Cazals exploitent depuis 2019 le superbe projet du premier vignoble professionnel breton officiel Les Longues Vignes, situé sur un magnifique coteau plein sud sur la Rance à Saint-Jouan-des-Guérets à quelques km de Saint-Malo (35). La première année, ce sont deux hectares de Pinot noir, Chardonnay et Grolleau qui sont plantés. En 2020, le couple a planté deux hectares de plus pour une production à terme d’environ 25 000 bouteilles par an : un vin blanc sec, des bulles et même un vin rouge très léger. Leur viticulture est principalement manuelle, en accord avec une vision respectueuse des écosystèmes et du milieu : une viticulture certifiée biologique. Selon la volonté de Edouard Cazals, la préparation de la terre ne contient aucun procédé chimique ou violent. L’enrichissement des sols se fait par un procédé 100 % naturel, comme par exemple une compensation en magnésium. Les vendanges sont réalisées manuellement, à l’ancienne, dans un respect absolu de la terre et des paysages.
Cela fait déjà plusieurs mois cette année que l’arrivée dans les caves du domaine Les Longues Vignes du premier millésime était attendue ! Le domaine a été rejoint dans l’aventure par David Nevot, œnologue de formation et surtout gérant des caves Le Jus d’Octobre. Les premières vendanges ont eu lieu en septembre 2022. Edouard Cazals propose aujourd’hui, en quantités limitées, les cuvées qui étaient en cours d’élevage jusqu’à maintenant : Ar Hir Gwini et Doris et Marion. Pour l’une, il s’agit d’un 100% Chardonnay et pour l’autre, un assemblage de Grolleau avec une pointe de Pinot Noir, toutes les deux élevées en barriques. Toutes ces bouteilles sont consignées, grâce à un choix de bouteilles spécifiques et d’étiquettes hydrosolubles. Elles sont récupérées gratuitement dans les caves du domaine Les Longues Vignes pour être ensuite envoyées à La Station à Rennes, qui les lavera pour les remettre dans le circuit.
Noémie et Mathieu Le Saux s’installent en 2017 à Port-Coustic à la pointe des chats sur l’Île de Groix, à 5 km au large de Lorient. La ferme Chatté est située face à l’océan. Originaire de Hennebont dans la région de Lorient et après l’obtention de son BTS de viticulture obtenu à Acropolis à Montpellier, Mathieu Le Saux se forme à la viticulture au Domaine des Faverges à Saint-Saphorin en Suisse. Il choisit l’île de Groix pour s’installer afin de bénéficier du micro climat du sud Bretagne. Son sol schisteux est aussi propice à la culture de la vigne et promet des vins exprimant une belle minéralité. Noémie est, elle, plus spécialisée dans le maraîchage biodynamique et l’arboriculture. Leur projet est ambitieux et complet. Il prévoit de faire du vin, du cidre, du maraîchage, des haies fruitières et un peu d’élevage avec trois vaches, trois chèvres et trois poules, orienté sur le modèle de la polyculture et basé sur la tradition.
Le couple plante en 2019 les premiers pieds de vigne et les arbres pour le verger, mais comme il faut être patient avant de récolter les fruits, Mathieu Le Saux achète des pommes dans différents vergers issus de toute la Bretagne pour réaliser son cidre et produire 10 000 bouteilles par an. En ce qui concerne la vigne, il faut attendre cinq ans pour obtenir de belles grappes pour les premiers vins blancs et rouges de Groix. Combatif et déterminé, le couple se projette sur 2023 et 2024, car le parcours a été semé d’embûches. Le défrichage de vieux prunelliers et de vieilles aubépines a été une des principales difficultés rencontrées, mais aussi les imprévus liés à la météo : trois gelées et les sécheresses depuis 2021 ont cassé la terre. Alors il a fallu replanter ! C’est un challenge de chaque jour, des problèmes, mais aussi le courage et la volonté de réussir. La vigne pousse sur des schistes et produira un vin de type Anjou, assez fruité avec de l’acidité. Le vignoble de la ferme chatté avec ses quatre hectares de vigne prévoit de produire 15 000 bouteilles par an d’un vin blanc très sec et iodé.
L’Association pour le Renouveau du Vin Breton a été fondée par l’œnologue Pierre Guigui en 2005. En 2007, les vignes existantes sont alors recensées. Elles ont pour la plupart un caractère associatif et patrimonial car la culture de la vigne en Bretagne est interdite. La vente du vin l’est aussi. En 2015, le mot Renouveau est remplacé par Reconnaissance et l’association regroupe des membres issus des cinq départements de la Bretagne historique.
En janvier 2016, la législation européenne évolue et donne la possibilité à la France d’obtenir de nouveaux droits de plantation, valables sur l’ensemble du territoire, soit 8000 hectares. Quelques passionnés s’engouffrent alors dans cette nouvelle brèche, obtiennent des droits et créent des structures professionnelles, aux quatre coins de la Bretagne. L’Association pour le Renouveau du Vin Breton est présidée aujourd’hui par Rémy Ferrand. Sa dernière assemblée générale s’est tenue à Luitré-Dompierre (35), non loin de Fougères. Plus d’une centaine de personnes, venues de toute la Bretagne et même de plus loin, se sont retrouvées en cette journée du samedi 25 novembre 2023. (photo ci-dessous)
En somme, les aventures humaines, les perspectives et les enjeux environnementaux sont réunis pour que les vignes reprennent racine en Bretagne.
C’est dommage que vous ne preniez en compte que l’aspect administratif de la Bretagne, alors que dans votre article vous citez Nantes. La Bretagne est composée de 9 pays et de 5 départements dont la Loire-Atlantique qui a un vignoble important que ce soit le Muscadet, le Gros-Plant et le renouveau du Berligou. Ce sont bien des vins de Bretagne avec de plus, une action pour obtenir une IGP “vin de Bretagne”.
Bonjour Monsieur,
Merci de votre commentaire. Il fait écho à d’autres de la même veine que nous recevons de temps à autre.
Au demeurant, dès le début de l’article, on cite bien le pays nantais ; précisément, au regard de la Bretagne historique. Du reste, Unidivers publie régulièrement à la une des articles relatifs à Nantes et à la Loire-Atlantique.
Cela étant dit, qu’on l’appelle région administrative ou autrement, il y a bien un état de fait (depuis 72 ans) qu’il convient de prendre en compte pour ne pas troubler une bonne partie du lectorat (issus des 5 départements en question comme des 96 autres) qui n’est pas au courant des velléités de réunification.
Cordialement,