Avec la rubrique psychédélice, Unidivers.fr part à la rencontre de personnalités qui nous interrogent, voire nous inspirent… Nous pénétrons la cuisine de leur âme tandis qu’ils nous narrent un événement de leur vie en relation avec la… chère : boisson, légume, viande, fruit, plat, repas, saveur, odeur… Nos invités partagent un moment de leur intimité avant d’illustrer l’impact du souvenir par une image ou une musique.
Aujourd’hui, Unidivers accueille l’écrivain Virginie Carton. Après Des amours dérisoires paru chez Grasset en 2012, Virginie Carton a confirmé son talent avec La blancheur que l’on croyait éternelle, roman tendre, nostalgique, drôle, toujours guidé, comme l’indique le titre emprunté au répertoire d’Alain Souchon, par une bande-son qui sème de-ci delà des petites phrases qui éveillent notre mémoire collective. Une auteure à la fois moderne et touchante par son attachement aux choses, musiques et ambiances des années de son adolescence.
« Je ne bois jamais de vin rouge, ni bordeaux, ni Saumur, ni Gamay, ni Saint-Julien, ni aucun de ces grands ou moins grands vins que l’on partage autour d’une bonne table. J’aimerais pourtant, j’admire même les grands œnologues qui transmettent l’histoire de cette part du patrimoine français et ceux qui ont le goût, la connaissance du vin. C’est même parfois utile en société.
Mon histoire avec le vin s’est arrêtée un jour de l’été 1982 sur une route de vacances du sud de la France. J’avais dix ans. Ce jour-là, il faisait une chaleur étouffante, nous roulions sous un soleil de plomb dans la 304 beige de mes parents, quand ils ont décidé de faire un détour chez un viticulteur du Gard. En guise de souvenir de vacances, ils avaient eu l’idée de revenir avec une bombonne de vin. Cinq litres de Château Chirac.
Après cette halte et probablement quelques verres de dégustation, mes parents mirent la bombonne dans le coffre et l’on reprit la route. Malencontreusement, elle s’est ouverte ou brisée je ne sais plus bien, et les cinq litres ont été absorbés par la feutrine du coffre. L’odeur s’est répandue dans tout l’habitacle, exacerbée par la chaleur.
Malgré un nettoyage avec les moyens du bord sur les côtés de la route, l’odeur du vin mêlée à celle des plastiques de la voiture et aux senteurs épicées de l’été a persisté pendant le reste des vacances. Moi qui avais déjà facilement mal au cœur en voiture, cette odeur m’a rendue malade tous le reste du voyage et m’a écœurée à jamais du vin. Et de l’odeur du vin.
Dans le même temps, nous écoutions en boucle une cassette Simon and Garfunkel dans l’autoradio. Par chance, je ne me suis jamais lassée de Simon and Garfunkel… »