50 ans, ça se fête ! Et pour se faire, le bâtiment des archives municipales de Rennes ouvre grand ses portes au public à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, samedi 21 et dimanche 22 septembre 2019. Dans une ambiance festive, une découverte inattendue du bâtiment sera proposée par le collectif Rennais Vitrines en cours, installations et projections d’images argentiques. Entretien avec le co-fondateur, Nicolas David.
Que cache ce bloc de béton aux ornières semblables aux meurtrières des châteaux forts du Moyen-âge – pour une question de conservation -, situé au 18 avenue Jules Ferry à Rennes ? Aussi original qu’imposant, le bâtiment des archives municipales de Rennes recèle la mémoire de la capitale bretonne. À l’heure où il souffle ses 50 bougies, le temps est venu de donner une nouvelle forme aux Journées Européennes du Patrimoine et de valoriser autant l’intérieur que l’extérieur… Le co-fondateur du collectif Vitrines en cours, Nicolas David parle du projet.
« Nous avons deux types de travaux ; l’habillage d’espace où nous travaillons en live, au feeling, sans répétition. Nous avons également une partie création où nous travaillons avec des musiciens, une danseuse par exemple. Pour ce deuxième volet de notre production, nous passons du temps en résidence de création. Nous utilisons toujours notre matière argentique, mais ce n’est pas du tout le même travail », Chris Raclet lors de l’entretien réalisé pour Unidivers en mars 2018
Unidivers – À l’ère de la création numérique, qu’est-ce qui vous intéresse dans l’utilisation de matières analogiques que l’on ne retrouve pas forcément dans les nouvelles technologies ?
Nicolas David – La démarche est plus artisanale. Nous mélangeons les images récupérées à droite et à gauche et les images contemporaines ou prises de vues originales. Nous aimons manipuler la matière argentique, aussi bien le film en lui-même que le matériel. Changer les objectifs ou bouger les projecteurs permet de multiples points de vue.
Sur une installation comme le cinquantenaire du bâtiment des Archives Municipales de Rennes, on multiplie les points de projections. Une quinzaine de projecteurs seront utilisés – diapositives 16 mm principalement. Ils permettent ainsi d’habiller l’espace et de projeter les images sur différents murs et supports.
Ce type de performance possède un facteur temps intéressant. Il arrive que l’on change vite les images, et d’autres fois, on prend notre temps. Il y a les aléas de l’analogique aussi : il faut parfois faire la mise au point, changer une lampe, une courroie, tourner un projecteur, etc. On aime ce côté palpable et l’improvisation que cela peut amener…. Des contraintes qui peuvent ouvrir pleins de possibilités et de directions intéressantes.
Unidivers – Toute l’installation fait donc partie intégrante de la performance.
Nicolas David – En effet. Je ne cherche pas à opposer l’outil analogique et l’outil numérique, mais je m’éclate plus avec le premier. Chris [Raclet], projectionniste cinéma de métier, est aussi attaché à cette matière. C’est plus jouissif de composer en direct, en envoyant une image après l’autre afin de les associer, de les superposer et ainsi créer des tableaux en live. La performance est, selon moi, plus vivante que si l’on compose avec une souris, derrière un ordi.
Les retours du public sont orientés sur l’installation elle-même. Cette multitude de projecteurs, le cliquetis du 16 mm et la diapositive ont un charme particulier. Nous sommes sur des praticables, au milieu du public et de cette manière ils peuvent voir autant la projection que le cheminement.
Unidivers – Pour l’événement « 50 ans, ça se fête ! », une proposition live est proposée. La matière principale est issue des archives municipales, mais utiliserez-vous également des images contemporaines ?
Nicolas David – Bien sûr. On se laisse toujours une part d’improvisation. En plus des visuels des archives, nous avons intégré à la sélection des images de la Cinémathèque de Bretagne (elle présentera un court-métrage en introduction du film Un jour de fête de Jacques Tati, N.D.LR.). Par contre notre projection sera improvisée. On a créé une banque d’images, mais nous composerons en fonction du lieu. Il détermine l’orientation de la projection et nous inspire.
Unidivers – L’architecture des archives municipales date des année 60 et est caractéristique de cette période : un bloc de béton et une ossature métallique. Que vous a t-il inspiré ?
Nicolas David – Le point de projection principal, le bâtiment-pont, est original, une architecture graphique avec ses ornières. On le considère comme un écran géant sur lequel on va composer en direct. Il ne s’agit pas d’un spectacle, nous habillons l’espace avec des images, en utilisant parfois d’autres supports. L’ancien bâtiment des archives départementales va également être un point de projections, tout comme la seconde partie du bâtiment des archives municipales où une exposition photo sera présentée (L’Écrin, exposition de photographies de Candice Hazouard, visible jusqu’au 11 octobre 2019, NDLR). On aime jouer avec le cadre et l’environnement. C’est une performance live sans heure précise d’arrivée pour le public. On les invite à déambuler, écouter la musique, boire un verre, manger un bout, etc.
Unidivers – Vous a t-on donné carte blanche pour ce projet ?
Nicolas David – Exactement. Pour la petite histoire, les archives de Rennes ont sollicité les Tombées de la Nuit, qui ont pensé à nous en voyant le lieu. Nous avions déjà travaillé ensemble à la maison de la consommation et de l’environnement, en partenariat également avec les Champs Libres (Présentation de leur création Kaléidoscope en décembre 2018 dans le cadre du week-end Dedans/dehors, N.D.L.R.).
Notre rôle de projectionnistes a évolué car nous avons co-organisé l’événement avec d’autres associations – Les Pies Chicailles, organisateurs de concerts à Rennes ; l’association Grand Géant pour la décoration et la mise en lumière du site. L’événement est également co-piloté par l’association Patchrock et entre dans la programmation de Dimanches à Rennes par Les Tombées de la nuit.
Quand nous avons rencontré l’équipe des archives, ils voulaient connaître nos propositions pour cette journée et donner une ambiance festive à la soirée. Nous avons fait appel à des associations, également des amis, afin de proposer plus que des projections d’images. C’est important qu’il y ait des offres vivantes en complément, comme le concert de Kim, un chouette artiste français à la fois chanteur et multi-instrumentiste, et le cinéma en plein air assuré par un copain projectionniste avec qui nous avons déjà travaillé.
Les archives souhaitaient ouvrir ce bâtiment atypique connu, mais mal connu des Rennais finalement. Outre la dimension festive, l’objectif de la performance est de montrer à l’extérieur ce qu’il se passe à l’intérieur. Des visites guidées sont proposées gratuitement au public pendant le week-end, mais notre but était de laisser entrevoir ce qu’il pouvait bien se passer à l’intérieur du bâtiment. Alors, nous avons filmé dans les magasins où se trouvent les archives.
On a profité des Journées européennes du patrimoine pour faire connaître ce lieu. Le chantier du métro ferme l’avenue Jules Ferry et donne un espace propice à l’organisation de l’événement.
Unidivers – Les Archives Municipales ou la Cinémathèque regorgent de milliers de documents et images. Comment avez-vous géré la sélection ? Un fil conducteur vous a-t-il aidé ?
Nicolas David – Il s’agit de Rennes, la ville en elle-même, en essayant de se concentrer sur cette période, 1969 – 2019. Après, c’est essentiellement le feeling qui parle. On aurait pu passer des années à fouiller dans le fond des archives. Il y a une richesse incroyable d’images, mais on a privilégié le côté graphique : les vieux plans, la calligraphie, des images marrantes ou des affiches de festivités comme les fêtes de la jeunesse qu’il y a pu avoir à Rennes.
On a retrouvé des images de déambulations de cirque sur le Mail à la cinémathèque de Bretagne, avec lesquelles on peut faire un parallèle avec des images issues de notre propre bibliothèque. Maintenant que l’on a la matière, on sait que l’on va pouvoir jouer avec et s’amuser à associer, superposer des images d’archives et des images originales.
Unidivers – Pour un projet de ce type, combien d‘images sont nécessaires ?
Nicolas David – Entre 150 et 200 diapos. On va jouer avec une cinquantaine de boucles de 16 mm. C’est-à-dire que l’on utilise des petits bouts de films mis en boucle un peu comme des samples. Le process peut être comparé à celui la musique, on va trouver une petite séquence drôle pour en faire une boucle et la faire tourner toute la durée de la performance. Nous composons de cette manière, en associant les images fixes et les images animées. Après la création d’un tableau, on le laisse un peu tourner avant de le faire évoluer en modifiant une, deux, ou trois images.
Nous allons imaginer une dizaine de tableaux sur la soirée, mais on a de la matière pour projeter jusqu’au bout de la nuit (rires).
Unidivers – Je vous remercie Nicolas David.
50 ans, ça se fête, 21 et 22 septembre 2019 – Journées Européennes du Patrimoine
De 20h30 à minuit – Images projetées et DJ
Les archives municipales de Rennes
18 avenue Jules Ferry
35 000 Rennes