Il est des figures que l’Histoire semble oublier un temps, avant qu’elles ne reviennent frapper à la porte de la mémoire collective avec la force d’un moteur d’avion ou d’une voiture lancée à toute allure. Viviane Elder est de celles-là. Née à Rennes en 1904, morte à Cannes en 1960 dans l’indifférence, cette femme aux mille vies fut tour à tour actrice, aviatrice, pilote automobile. Une pionnière, une rebelle élégante, une Rennaise de sang et d’âme.
Une enfance bretonne, enracinée dans la terre
Avant de s’appeler Viviane Elder, elle était Eugénie Hignette, née le 23 mai 1904 à Rennes. Fille de laboureurs, elle grandit dans une Bretagne encore rurale, sévère mais fondatrice. C’est là, dans les paysages d’Ille-et-Vilaine, que s’ancrent les premières étincelles d’indépendance. Rennes, dans sa vie, n’est pas une simple origine géographique. C’est un socle, une langue maternelle de courage et de ténacité. Elle n’y passera pas toute sa vie, mais y puise une force tranquille : celle de la terre natale que l’on n’oublie jamais.
Du ciel au cinéma : l’appel de l’altitude
Dans les années 1930, Viviane Elder choisit Paris et les cieux. Elle devient aviatrice, puis actrice. Elle saute en parachute en Algérie, joue dans des films aux côtés de Jean Gabin. Mais ce n’est pas la gloire qu’elle cherche : c’est l’élévation. En 1934, elle participe aux « Douze Heures d’Angers », course d’endurance aérienne, puis remporte la « Coupe de l’Aviatrice » à Évreux. Elle affronte le désert libyen, les tempêtes méditerranéennes. Quand son avion s’abîme au large de Tunis, c’est une page qui se tourne — celle du ciel.
Le vrombissement des moteurs : Le Mans et après
Qu’importe : Viviane Elder descend sur terre… pour mieux foncer. Elle devient pilote automobile, l’une des toutes premières femmes à oser les circuits d’hommes. En 1949, elle participe aux 24 Heures du Mans avec sa propre voiture, une Simca 8. Elle est la première femme à prendre le départ de cette course mythique après la guerre. Elle abandonnera, mais qu’importe encore une fois : ce qui compte, c’est la course, l’élan, la témérité.
Rennes, toujours en filigrane
Si elle meurt à Cannes, loin de sa terre d’origine, son souvenir est resté profondément inscrit dans la mémoire rennaise. Aujourd’hui, la ville lui rend hommage, notamment à travers le salon Rétro Passion. Des articles, des plaques, des expositions rappellent qu’elle fut « une des leurs ». Pas simplement une étoile filante du monde du sport et du cinéma, mais une femme de caractère née sur les pavés bretons.
Car il faut bien le dire : ce tempérament de pionnière, ce goût du risque, cette noblesse farouche – cela ressemble furieusement à une certaine idée de Rennes. Une ville qui n’a pas peur de marcher à contre-courant, une ville qui forge des êtres intrépides, entiers, et farouchement vivants.
Une héroïne moderne avant l’heure
Viviane Elder est aujourd’hui redécouverte non seulement comme une figure de l’émancipation féminine, mais aussi comme un modèle d’audace pour les nouvelles générations. Elle a bousculé les normes, renversé les rôles, et tout cela avec une élégance intacte.
Actrice, aviatrice, pilote. Bretonne. Vivante. Viviane Elder, c’est tout cela à la fois. Une femme qui a eu plusieurs vies, mais un seul souffle : celui de la liberté.
