Après deux ans d’expositions contraintes, le Voyage à Nantes revient gonflé à bloc pour une nouvelle édition riche en propositions artistiques ! Jusqu’au 11 septembre 2022, (re)découvrez des lieux emblématiques de la ville comme le Château des ducs de Bretagne, la Place Graslin, le Jardin des plantes mais aussi des quartiers plus surprenants transformés du tout au tout par des artistes de renommée nationale et internationale. Un élan de créativité et de fraîcheur pour bien débuter la saison estivale !
Enfin l’été et ses vacances tant attendues ! Pour Nantes, c’est évidemment le retour de son grand festival d’art contemporain, le Voyage à Nantes (VAN), qui enchante petits et grands comme touristes et locaux. Un air de fête s’empare de la ville et des réalisations monumentales poussent comme des champignons magiques. Une édition qui garantit de quoi crébillonner encore des heures et des heures dans ses rues !
Au nombre des nouveautés cette année, des places comme le marché de Talensac ont été investies pour la première fois par le festival. Les automates de Gavin Pryke qui avaient eu le plaisir, l’année dernière, de nous surprendre au détour d’une rue, sont aujourd’hui concentrés juste au-dessus des stands des commerçants. Une œuvre désormais permanente, car à l’abri des intempéries. On compte également l’apparition de tramways flambant neufs sur les lignes 1 et 3, réalisés par l’artiste Julien Colombier. De plus, cette nouvelle édition du VAN voit l’apparition d’un parcours inter-écoles. Imaginé comme un pas de côté à la ligne verte, fameux fil rouge du festival, ce nouveau circuit met l’accent sur la création des jeunes étudiants et autres événements liés au quartier de la création. Parmi les sept sites participants figurent l’école d’architecture et ses projets sociaux de proximité, ou encore l’école des beaux-arts qui, sous vitrine, propose une exposition tout en jeu de miroirs, renversante et baroque à souhait.
Le directeur général du VAN, Jean Blaise, nous explique qu’il s’agit toujours de penser un espace à métamorphoser, avant de sélectionner l’artiste adéquat. Une fois l’heureuse ou l’heureux élu invité, c’est carte blanche ! Comme par hasard, la plupart d’entre eux ont recréé des scènes de théâtre au sein de la ville, faisant de chaque place une mise en abîme d’elle-même. À titre d’exemple, Alexandre Benjamin Navet et ses couleurs joyeuses s’est emparé de la place du Commerce, pour transporter les flâneurs dans son carnet de croquis enchanteur.
Cependant, cette tendance à la monumentalité ne résulte pas de la seule volonté des artistes, comme nous le confie le sculpteur néerlandais Krijn de Koning. Invité par le VAN pour créer une nouvelle traversée de l’îlot Gloriette, quartier en soi assez mal connu des nantais, on demande à l’artiste, à sa grande surprise, d’arrêter de concevoir de petites propositions et de commencer à voir les choses en grand ! Une vision qui aboutit à l’installation “Extensions” qui revigore le passage. Mais cette inclination au spectaculaire dans l’art contemporain n’est pas, à tous les coups, gage de qualité. Les œuvres les plus intéressantes se trouvent sûrement ailleurs…
Sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet ! L’exposition de Charles Fréger, Aam aastha, au Musée d’histoire de Nantes, est l’une des plus marquantes de cette édition. Pendant deux ans, l’artiste et son équipe ont mené une production de photos itinérante à travers moult régions de l’Inde. Les portraits qui en résultent dépeignent le travail journalier de nombreux hindous, mais pas n’importe lequel, celui d’incarner dieux et déesses. Alors l’espace d’un instant, celle ou celui de la caste la plus basse s’élève en divinité céleste, même si ses pieds continuent de fouler le sol. Loin de connaître chaque rituel dans ses moindres détails, Charles Fréget ne prétend pas réaliser une série édifiante, laquelle nous introduirait à un quelconque mystère, mais prend le parti de se laisser guider à la surface des choses. Un cortège hallucinant qui nous fait perdre nos repères avec brio.
Dijon abrite une chouette porte-bonheur, Sarlat possède ses trois oies, mais quelle entité représente Nantes ? Neptune comme le veut la tradition ? Ou cet étrange castor qui se déplace au fil des ans parmi les reliques de la ville ? Autrefois visible à la porte Sauvetout, le bestiau a maintenant élu domicile à la porte Saint-Pierre. Vestige archéologique nantais par excellence, l’animal bâtisseur ne pouvait pas rêver d’une meilleure tanière. Réalisée par Laurent Le Deunff, la sculpture elle-même est un symbole de l’Histoire, de ses lacunes et de ses incongruités, puisqu’elle n’est pas un simple castor mais ce dernier tel qu’on se le représentait au XVe siècle, c’est-à-dire, avec une véritable queue de poisson !
Enfin comment parler du VAN 2022 sans apprécier le travail de Pascal Convert ? Au passage Sainte-Croix, l’artiste expose des empreintes sombres et obsédantes de khatchkars arméniens : des blocs de pierre ornés parmi les plus vieilles représentations au monde du culte chrétien ! Le tout s’accompagne d’un documentaire relatant les récentes destructions de ce patrimoine mondial par les forces azerbaïdjanaises voisines.
« On pense toujours que l’ornement est quelque chose d’inutile, de décoratif. Pas du tout ! Les ornements migrent de pays en pays et de religion en religion, c’est ce qui permet aux civilisations de communiquer entre elles. »
Pascal Convert
Unidivers vous invite également à faire un détour par le cimetière historique Miséricorde où Pascal Convert est intervenu une seconde fois. Lieu d’exposition inhabituel et particulier, loin des blanches cimaises muséales, le sculpteur fait preuve de douceur et de justesse. Les stèles en verre qu’il dissémine çà et là, se dressent comme si elles avaient toujours fait partie du lieu. Lumineuses, elles font surgir des figures apaisantes de cerf, de biche et de chevreuil au milieu des tombes. L’une d’entre elles a éclaté en mille morceaux, c’est pourquoi l’artiste l’a restaurée avec la technique japonaise traditionnelle du kintsugi. Une cautérisation à l’or qui vient sublimer ses fractures, un peu à l’image de ce lieu qui essaie de réparer les cicatrices laissées par le temps…
Maintenant c’est à vous amis lectrices et lecteurs de vous faire votre propre avis sur cette nouvelle édition ! Cela fait dix ans que le VAN constitue un pilier de la vie culturelle nantaise et garantit sa vivacité. Financé à hauteur de 3 millions d’euros par Nantes Métropole, les principaux acteurs de la culture sont de la partie et on peut se demander ce qu’en pensent ceux qui restent dans leur ombre. Un article sur leur point de vue vaudrait le coup d’être publié. Affaire à suivre.
INFORMATIONS PRATIQUES
Le Voyage à Nantes se déroule jusqu’au 11 septembre 2022 à de multiples endroits de la ville.
Toutes les infos sont sur : https://www.levoyageanantes.fr/
Tél : 02 72 64 04 79