Georges Guitton a publié Rennes, de Chateaubriand au Père Ubu aux Presses Universitaires de Rennes, fin 2023. À travers une enquête historique et documentaire, l’ouvrage aborde la relation qu’ont entretenue de célèbres auteurs français du XIXe siècle avec la capitale bretonne, après un premier volet sur des écrivains du XXe. La rédaction a sélectionné quatre d’entre eux et vous propose aujourd’hui d’en apprendre plus sur l’encre et la plume du rennais Paul Féval.
Auteur rennais, Paul Féval a laissé dans le sillage de ses écrits nombre de témoignages littéraires évoquant la capitale bretonne, son histoire et ses mœurs. S’il l’a quitté pour s’installer à Paris au cours de sa vingtaine, ses allers-retours incessants à Rennes chaque été témoignent de l’affection que porte l’écrivain à la ville.
Une enfance pauvre au coeur de Rennes
L’écrivain Paul-Henri-Corentin Féval naît le 30 septembre 1816 sous le règne de Louis XVIII, à Rennes dans l’hôtel de Blossac situé rue du Chapitre en face de la basilique Saint-Sauveur. Bien que le domaine semble fastueux, ce n’est qu’apparence. « Nullement châtelains les Féval sont les modestes locataires de l’un des appartements situés au second étage, sous les toits », écrit Georges Guitton. Du fait de la tourmente politique au moment de la Révolution française, « la famille de La Bourdonnaye de Blossac, propriétaire de l’hôtel, récupéra son bien et le divisa en une série d’appartements mis en location. C’est dans ce palais aussi déchu que l’était la ville de Rennes depuis la disparition de son Parlement que le petit Paul va passer son enfance ».
La pauvreté fait de lui un écrivain populaire qui comprend les misères du peuple. La mère de Paul Féval est issue d’une vieille noblesse terrienne du Pays de Redon, bien que la famille n’en soit pas plus riche.
Le parcours scolaire de Paul Féval est semé d’embûches. Lorsqu’il rejoint le Collège royal et municipal de Rennes à 10 ans, le même établissement où étudia l’écrivain malouin Chateaubriand quelques années plus tôt, il y est victime de harcèlement scolaire. « Frappé, chahuté, mal aimé, il passe des années si sombres que plus tard il préféra ne plus penser à cette époque ».
« Direction la faculté de droit… »
Paul Féval rejoint la faculté de droit, bien qu’il ne s’y épanouisse guère. Ce qui l’anime, ce sont ses activités extérieures : il se gave de « lectures interdites : Soulie, Balzac et Sand cachés au fond de son pupitre sous des traités de droit ». La nuit, « il rejoint furtivement ses amis à l’auberge de la Pomme-de-Pin, rue du Pré-Botté, pour des parties de billard et de cartes jusqu’au lever du jour ».
Il décroche sa licence de droit à 20 ans, mais il ne se révèle pas très confiant comme avocat. « Dans Le Coup de grâce, récit autobiographique de 1880, l’écrivain raconte, version parmi d’autres, qu’au moment de plaider, il n’avait trouvé dans sa serviette que les poésies d’Alfred de Vigny, son dossier étant resté à la maison. D’où le fiasco subi à l’audience ».
Suite à ce fiasco, son ambition littéraire le pousse à partir à Paris. « Adieu Rennes et ce “milieu trop étroit” où vivre est “la plus lamentable de toutes les misères pour un grand esprit et un grand coeur…”, assène-t-il sans prétention dans Bouche de Fer ».
L’éternel retour de Paul Féval à Rennes
Suite à ses déboires à Rennes, Paul Féval s’installe à Paris où sa « vraie vie » commence. Mais la capitale bretonne reste « un point fixe dans les tumultes de cette vie ». Paul évoque sans cesse la ville : « elle est la souche de son imaginaire débridé. Une bonne quinzaine de romans prennent la capitale bretonne et la Bretagne pour cadre », rapporte Georges Guitton.
Chaque été, l’écrivain rennais revient dans sa ville natale 3 rue d’Orléans, où il loge chez son frère Louis-Édouard. « Depuis ce pied-à-terre de la rue d’Orléans, Paul parcourt la Bretagne. Escale dans les Côtes-du-Nord au manoir de l’Abbaye acheté par ce même frère Louis. Séjour à la Perrière, près de Port-Louis, où il pèche au chalut avec un vieux marin dur-à-cuire. échappée dans la péninsule de Kerlouan. Longues pauses du côté de Redon… »
Tout au long des rues de Rennes selon Paul Féval…
Derrière les tumultes vécus par l’écrivain rennais dans la capitale bretonne, sa relation à l’égard de la ville est ambigu. Il montre « tour à tour la mélodie de l’éloge et le tambour du dénigrement ». Voici notre (petite) sélection de citations de Paul Féval parmi celles rapportées par Georges Guitton sur des lieux toujours bien connus par les Rennais… :
- Hôtel de ville : « Son clocher en poire renversée est peut-être un peu bizarre et sent trop la fantaisie, mais au total, c’est un monument remarquable et fait pour flatter l’orgueil des Rennais ».
- Place Saint-Anne : Elle « était à Rennes ce que la porte Saint-Denis était à Paris. Il n’y aurait pas eu de bonne échauffourée si l’on n’eût fait un tour de la place Sainte-Anne. Ce grand trapèze boueux, entouré de masures mal famées, était le théâtre favori de l’émeute » (Le Comte Barbe-Bleue).
Georges Guitton, Rennes, De Chateaubriand au Père Ubu, préface de Pascal Ory, Octobre 2023. Achat disponible sur le site des Presses Universitaires de Rennes ou en librairie, 20€.
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