Paul Jorion est chercheur en sciences sociales. Il occupe depuis 2012 la chaire Stewardship of Finance (la finance au service de la communauté) à la Vrije Universiteit de Bruxelles. Ses travaux ont gagné en popularité grâce à son ouvrage intitulé Vers la crise du capitalisme américain qui prévoyait la crise des subprimes de 2007 et le risque de récession mondiale inhérent. Il est l’invité des Champs libres à Rennes le samedi 1er décembre à 15h30 [et de nouveau à Rennes le 29 janvier 2015] . Entretien avec le créateur d’un blog de réflexion dont le slogan est… « Big Brother mangera son chapeau ! »
Nicolas Roberti – Élève de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss et du mathématicien Georges-Théodule Guilbaud, vous avez été conduit à appliquer des modèles logico-mathématiques à l’anthropologie puis aux sciences cognitives et à l’économie. Il peut sembler dès lors bon de commencer cet entretien en évoquant les travaux issus du groupe que vous avez fondé en 1994, Théorie et clinique des pathologies de la pensée. Après vingt ans de recherche, quelle conception vous faites-vous de la conscience, de son intentionnalité et des possibilités de construire du sens réfléchi ou pré-réfléchi par l’individu dans son rapport à lui-même comme à la communauté ? Pour aller directement au cœur du propos, existe-t-il un libre-arbitre ?
Paul Jorion – Je ne pense pas. À mon sens, la conscience est un office d’entérinement des actions et des pensées que l’individu se constate en train de produire. Il existe une dynamique d’affects qui nous font réagir aux situations au sein desquelles nous nous trouvons, situations qui sont constituées aussi bien des paroles que nous nous entendons prononcer que des interactions qui sont les nôtres avec le reste du monde.
Dans ce cadre, cette fenêtre de la conscience a pour seule finalité la survie. Elle permet d’enregistrer en mémoire les réactions les plus adaptées à des situations potentiellement gratifiantes ou dangereuses. Cette aventure commence avec la naissance et se conclut par la mort. La séquence nous apparaît comme une saga dramatique, relativement passionnante, mais n’est que le fruit d’une reconstruction volontariste leurrée dans son rapport à la réalité. Nous ne sommes pas passifs au sens où nous éprouvons véritablement ces situations, mais notre degré de liberté, étant ce que nous sommes, est nul : il n’y a aucune possibilité de jouer la pièce autrement.
Nicolas Roberti – Votre conception du réel me semble faire écho au perspectivisme de Nietzsche.
Paul Jorion – Oui, dans la mesure où pour lui le sujet est « agi » bien davantage qu’il « n’agit ». Il ne le dit pas le plus souvent sous une forme aussi explicite. Il a ce regard qu’on appelle par tradition « désespéré » mais qui ne l’est pas véritablement, qui est simplement « désenchanté » sur la réalité humaine parce que Nietzsche appartient à la famille des sceptiques.
Nicolas Roberti – Si ce n’est que dans la vision de Nietzsche, une fois le constat arrêté, avec toute sa charge de désenchantement, il s’agit pour l’homme de se fixer un but immanent qui se traduit par son propre dépassement. L’état des lieux de la situation de la conscience que vous formulez autorise-t-il un basculement susceptible de reconstruire une histoire, individuelle ou communautaire, marquée du sceau du sens, de l’espérance et de la réalisation ? Ou bien, la conscience étant intrinsèquement leurre, tout regard projectif sur le monde ne peut être que déceptif ?
Paul Jorion – Non, parce que la présence de l’affect ouvre la voie à une perspective esthétique : ce spectacle de la vie ne nous est offert qu’une seule fois, notre souci intérieur est qu’il soit le plus beau possible. À défaut d’y trouver du sens, qui manque nécessairement, nous pouvons y trouver de la beauté.
Nicolas Roberti – Votre conception de la conscience comme leurre postule que l’intention est un artefact qui n’apparaît à la conscience qu’après avoir posé l’acte dont elle est censée être à l’origine. Sans infirmer votre lecture, ne pourrait-on pas penser que la manifestation a posteriori traduit un ensemble de choix ou, tout au moins, de préchoix, opérés en amont dans une dimension de la vie psychique qui présiderait aux préorientations de l’individu dans son rapport au monde ? Ces préchoix, originés dans un système mémoriel mouvant, permettraient alors, à défaut d’une intention autonome, des possibilités hétéronomiques qui se manifesteraient après coup à la conscience en un contenu de sens doté d’une certitude latitude de variation.
Paul Jorion – Je comprends votre point de vue, mais ne le partage pas. S’il n’y a pas de place pour un projet individuel, il y a cependant place pour un projet de l’espèce, dans cette tâche générale de la production et de la perpétuation de la vie. Il y a deux dimensions : la survie individuelle et la reproduction de l’espèce. La combinaison des deux génère ce que les physiciens appellent « un gradient » : une voie toute tracée qui sera celle de notre comportement et que dessine la moindre résistance dans ce double système de contraintes. Cette formulation prolonge du reste celle de Freud : nous avons deux « soucis », mais qui ne sont pas de l’ordre de la « cause efficiente », ce qui voudrait dire avec notre conscience dans un rôle directeur, mais au sens de la « cause finale » : nous sommes entraînés dans un processus où nous sommes motivés à survivre en tant qu’individus et, de manière incidente mais liée, à assurer la continuité de l’espèce. Tout cela parce que la vie, le processus biologique, a échoué dans le cas de notre espèce à réaliser ce qui aurait pu être l’une de ses formes, celle qui aurait rencontré les aspirations de l’individu, à savoir que l’immortalité lui soit garantie.
Nicolas Roberti – Ceci, l’individu le sait instinctivement, ce qui renforce sa participation à la main secrète de la nature qui pousse l’espèce à se prolonger dans l’histoire. Dans cette tension où aucun levier de transformation ne semble constituable, une éthique est-elle possible et laquelle ? Une conscientisation spinoziste, une méditation continue sur le non-agir ?…
Paul Jorion – Le donné de l’humain est d’appartenir à une espèce sociale, il y a dans notre cas, existence d’un zoon politikon (« L’homme est par nature un animal politique ») qui a réussi, par le moyen de la technologie, à prolonger la survie de l’individu. Par l’invention de la médecine, et d’autres techniques qui nous ont permis d’améliorer notre confort, nous avons trouvé le moyen de prolonger la vie individuelle au-delà de son donné naturel pur et simple. Cela est possible par la création de la culture qui n’est rien d’autre que l’extension du processus biologique dans le cas d’une espèce comme la nôtre.
Dans ce cadre du zoon politikon comme donné, l’éthique est le moyen, sans aucune transcendance, de nous constituer des environnements qui maximisent la durée possible de notre vie individuelle.
Nicolas Roberti – Votre « sagesse » prescrit donc, notamment au regard de la mort, une acceptation de la finitude humaine au profit d’une amélioration des environnements sociaux et vitaux…
Paul Jorion – Si ce n’est que rien n’exclut à l’avenir une perspective hégélienne du devenir : le processus biologique que nous observons n’est pas nécessairement la forme de ses voies de transformation. Le physique a engendré le chimique qui a, à son tour, engendré le biologique. Le processus biologique n’était pas déductible a priori du processus chimique, de la même manière que le processus chimique n’était pas déductible a priori du processus physique. Nous ignorons s’il n’y aura pas une étape ultérieure, qui succédera au processus biologique. Des cultures, la nôtre en particulier, ont imaginé des personnages démiurgiques comme étant la cause première de notre présence sur terre. Rien n’atteste leur présence mais rien n’interdit non plus de penser que le biologique engendrera un jour à son tour un processus qui se rapprocherait alors de ce que nous avions imaginé comme le divin.
Nicolas Roberti – Suggérez-vous qu’une fois écartée l’acception de Dieu comme cause efficiente, Dieu pourrait se révéler une forme de projection, comme une « post-construction » qui constituerait un nouveau stade de l’humanité ?
Paul Jorion – C’est cela. De la même manière qu’à l’époque où n’existaient encore sur le globe terrestre que des acides aminés, il n’aurait pas été raisonnable de prédire l’apparition d’une espèce telle que l’espèce humaine, capable de prolonger par sa culture les processus naturels bien au-delà de ce suggère la simple physique. De la même manière, on ne peut pas exclure que ce processus biologique produise lui aussi ultérieurement, par émergence, comme on peut constater celle-ci à différents niveaux, un autre type de phénomènes. Et que ce que nous avons imaginé à tort comme s’étant produit avant nous : un Dieu démiurge, n’apparaisse en fait ultérieurement. Autrement dit, que Dieu se révèle non pas comme la cause première qu’on avait imaginé pour se rassurer, mais comme cause finale.
Nicolas Roberti – Vous convergez alors avec les conceptions transhumaines…
Paul Jorion – Vous faites allusion à la reformulation par Teilhard de Chardin de cette conception hégélienne ?
Nicolas Roberti – Pourquoi pas, mais, au-delà, au mouvement futurologique.
Paul Jorion – Cela ne m’est pas familier. Pouvez-vous m’éclairer ?
Nicolas Roberti – En quelques mots, le transhumanisme prône l’usage des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Même s’il comprend de nombreuses sensibilités, son principal objectif poursuit la production d’une posthumanité où les êtres humains seraient dotés de pouvoirs nouveaux, voire accéderaient à l’immortalité.
Paul Jorion – Cela paraît très intéressant, je ne manquerai pas de me renseigner.
Nicolas Roberti – Une fois le cadre anthropologique et téléologique posé, nous pouvons converger vers la déclinaison du champ économique. Il y a chez vous une critique de la formulation même de ce qu’est la science économique. Dans Misère de la pensée économique notamment, vous vous élevez contre l’influence conformiste, notamment anglo-saxonne, dans l’élaboration d’une science économique, autrement dit d’un ensemble de moyens d’analyse, prospective ou non, de phénomènes économiques. Comment vos travaux s’emploient-ils à subvertir ce conformisme institutionnalisé et à participer au renouvellement d’une science économique plus adaptée au réel et à l’idée que vous vous en faites ?
Paul Jorion – A mon sens, une science économique a bel et bien existé, il s’agit de l’économie politique. Hélas, elle a été délibérément torpillée à l’instigation des milieux financiers qui n’ont pu tolérer son existence et ont encouragé à sa place la formulation d’un autre type de discours. Cette réaction ne date pas de la Critique de l’économie politique par Marx, mais prend place dès la formulation par David Ricardo d’une théorie de la valeur fondée sur le travail uniquement, impliquant que toute redistribution de la valeur créée qui n’est pas justifiée par un travail produit, suppose une spoliation. Cette proposition est de nature scientifique – quand bien même sa forme m’apparaît insuffisante, car il convient de prendre en compte tous les éléments que Proudhon appelait « d’aubaine » qui font qu’ une catalyse mutuelle s’observe entre l’ensemble des éléments qu’il faut rassembler pour manufacturer une marchandise.
Quoi qu’il en soit, il y avait là chez Ricardo, reprise ensuite par Marx, une hypothèse scientifique dont il convenait de déterminer la validité. À la place, a été produit un discours conçu au simple usage des financiers dans leur dialogue avec les politiques. Ce discours a ainsi pour fonction de masquer la réalité qui serait décrite dans une argumentation de type scientifique.
Dévoyé en discours dogmatique, il est fondé sur des postulats impossibles à tester qui oblitèrent les questions capitales, notamment la redistribution de la richesse créée, les formes de la propriété privée, les rapports de force existant au sein de l’économie, etc. C’est donc bien logiquement que ce discours de substitution n’a pas su anticiper une crise de l’ampleur de celle des subprimes qui a démarré en 2007. Pire, une fois celle-ci éclatée, les outils manquant pour la décrire, aucune directive micro- ou macro-économique n’a pu être formulée pour y remédier.
Nicolas Roberti – Je vous sens d’une fibre plus anarchiste que marxiste. Vous sentez-vous plus proche des marxistes hétérodoxes ou des socialistes utopiques ?
Paul Jorion – Des seconds assurément, notamment Sismondi, Proudhon, Owen en Grande-Bretagne, Thoreau aux États-Unis. S’il fallait absolument choisir entre ces deux termes, ma fibre serait davantage socialiste ou anarchiste dans la mesure où ma réflexion est non-dogmatique alors que le marxisme a sombré bien vite dans le dogmatisme, avec la personne de Marx lui-même d’ailleurs.
Nicolas Roberti – Le monde libéral a, selon vous, produit un discours marchand qui favorise les intérêts du capital au détriment d’une science à vocation universelle de compréhension objective des phénomènes. Alors, que faire pour restaurer la possibilité d’une science économique un tant soit peu objective et réaliste ?
Paul Jorion – Il faut reconstruire une économie politique : il faut produire maintenant les instruments d’analyse qui font encore défaut. Le point de départ consiste à se resituer dans les années 1870 où l’économie politique a été jugulée et poursuivre la réflexion telle qu’elle avait été produite jusque-là afin, car des fondations solides avaient été établies. Produire de nouveaux outils, c’est ce que j’ai essayé de faire, par exemple en proposant un modèle du mécanisme de la formation des prix. La voie à emprunter est celle d’une anthropologie économique qui s’attache à concevoir une économie non coupée ni du politique ni du social, mais sertie à l’intérieur de l’ensemble commun. C’était le projet de Karl Polanyi, l’un des fondateurs avec Marcel Mauss de l’anthropologie économique.
Et, cette tâche n’est pas nécessairement complexe. La complication de la « science » économique dominante n’est pas le reflet de la complexité intrinsèque des questions économiques : la complication des explications participe de la dimension idéologique du discours économique au service d’un obscurcissement volontaire de la réalité. Une véritable science économique doit par exemple être bien davantage qualitative que quantitative.
En parallèle de mes efforts, un certain nombre de physiciens analysent depuis quelques années les questions d’économie en extériorité [non-alignés sur le discours ambiant] et opèrent des progrès constants. Des laboratoires d’intelligence artificielle réalisent ainsi des simulations à partir d’hypothèses variées fondées sur une lecture objective des fonctionnements économiques.
Nicolas Roberti – Permettez-moi d’être un soupçon provocateur. La redéfinition d’un vocabulaire et d’une grammaire simplifiées susceptibles de désigner une pratique du réel qui engloberait l’économie, le politique et le social ne risque-t-elle pas d’endiguer le pluralisme de l’interprétation, la diversité des points de vue, la multiplicité des voies réelles ou prospectives qui président à la création de la valeur (originale) dans le logiciel libéral ? Autrement dit, une description du réel par cette économie politique que vous appeler de vos voeux ne risque-t-elle pas de devenir à son tour doctrinale et attenter aux aspirations de liberté créatrice qui est aussi un fondement du libéralisme ?
Paul Jorion – J’entends votre question. Mais la réalité, c’est que nous sommes dans une situation économique et financière qui est à ce point désespérée que c’est la survie même de l’espèce qui est désormais en cause : l’émergence que nous avons évoquée précédemment d’un après-le-biologique est peut-être d’ores et déjà exclue, car nous nous sommes enferrés dans des voies de garage quant à la relation entre notre espèce et la planète qui l’accueille, et nous persistons à chercher des solutions à l’intérieur d’un cadre devenu parfaitement inapproprié. Aussi il est un luxe qu’on ne peut plus se permettre dans l’urgence présente : se poser trop de questions sur les implications possibles des approches véritablement neuves.
Certes, il y a des dangers parce que nous savons qu’en situation de crise fleurissent les tentations, notamment l’embrigadement qu’on observe dans le fascisme, qui travaillent à orienter le destin humain vers celui d’autres espèces animales sociales au comportement proprement « machinique », comme la ruche ou la fourmilière, où le sacrifice total de l’individu est le prix à payer. Orwell a décrit cela dans 1984 ou dans Le Meilleur des mondes de Huxley, quand les impératifs de la machine sociale éliminent toute possibilité pour l’individu d’exister encore en tant que tel. Nous avons eu la malchance d’en voir un échantillonnage au cours du XXe siècle.
Cela étant dit, les conséquences ultimes du libéralisme promettent de conduire également à cet écueil quand bien même son intention était tout autre. Le fait que Hayek ou Friedman en soient venus à soutenir la dictature militaire de Pinochet nous rappelle à quel point l’enfer peut être pavé de bonnes intentions… Ces deux parangons du libéralisme, qui prétendaient nous protéger de tout élément de totalitarisme qui pourrait être implicite à une rationalisation plus poussée de nos comportements, ont finalement versé dans ce qu’ils dénonçaient.
Nicolas Roberti – De l’autre côté, notre grand Foucault national a applaudi en 1978 à l’avènement de Khomeyni et de sa « spiritualité politique »…
Paul Jorion – Oui, mais Foucault était au final du même bois qu’Hayek et c’est cela qui l’a conduit à se fourvoyer de la même manière exactement. C’est au nom du libéralisme qu’il s’est retrouvé dans le même type d’impasse, à cautionner ce type de régime.
Dans la revendication absolue de la liberté individuelle pour tous qu’on trouve à l’origine au XIXe chez Stirner et ses épigones, on constate un entérinement de l’ordre social donné. C’est la conséquence logique de ce principe de liberté absolue : cautionnant les rapports de force existants, il confirme in fine la domination exercée par l’aristocratie fondée sur l’argent.
Nicolas Roberti – Comment dès lors distribuer équitablement les richesses créées ?
Paul Jorion – Il y a deux voies possibles. Soit un système qui conjugue dans chaque individu les trois grandes fonctions de la division sociale du travail, à l’image de celui imaginé par la participation gaullienne, où chacun se retrouve à la fois capitaliste, patron et salarié, c’est-à-dire le principe à la base de la coopérative, prôné par les socialistes et les anarchistes. Le problème de l’antagonisme entre ces fonctions cesse alors de se poser pour avoir été « dilué ». Soit un processus de type marxiste, passant par une prise de conscience des conséquences inévitables de la division sociale du travail, et débouchant sur la nécessité d’abolir l’impact politique des classes qui découlent de cette division. Autrement dit, il convient de briser la machine à concentrer la richesse que nous avons tolérée dans chacune des formes de nos sociétés – que son moteur soit la rente dans le cas des sociétés fondées sur la propriété terrienne ou sur l’intérêt pour celles fondées sur l’argent. Sans cela, il n’est pas de sortie possible de ces systèmes économiques qui se grippent périodiquement.
Nicolas Roberti – Si Marx a vaticiné l’accélération fatale des crises du capitalisme, une essentielle plasticité du capitalisme conjuguée au libéralisme politique retarde depuis des années cette sombre perspective…
Paul Jorion – C’est vrai, mais cela est dû au fait que Marx a voulu abstraire (par distraction ou négligence ?), du cadre historique de la lutte des classes, ces paramètres capitaux que sont la formation des prix et la détermination du niveau des salaires. Il s’est ainsi privé du moyen de prévoir quels seraient les facteurs qui détermineraient véritablement la fin du système capitaliste.
Nicolas Roberti – Certains préconisent la prohibition de l’héritage. Qu’en pensez-vous ?
Paul Jorion – C’est effectivement l’un des moyens. Tout ce qui ossifie les configurations d’avantages acquis favorise bien entendu la concentration du patrimoine. L’interdiction de l’héritage est en effet l’un des premiers moyens prônés par les socialistes utopiques pour prévenir celle-ci. Reste qu’il est impossible d’y avoir recours hors d’une réflexion générale sur la propriété privée.