Tropique du Képone
Tropique du Képone, Myriam Soulanges et Marlène Mertil © Eloïse Legay

Monde.s est le dernier temps fort de la saison 2023-2024 du Théâtre l’Aire Libre. Les 7 et 8 juin 2024, Le joli collectif propose un dialogue entre le Québec, la Guadeloupe et la Martinique à travers des propositions artistiques qui traitent des urgences et les imaginaires de ces différents territoires.

Après Vivantes, en septembre 2023, et BAL, en mars 2024, Monde.s poursuit la volonté d’association Le joli collectif de réunir les publics du Théâtre l’Aire Libre, à Saint-Jacques-de-la-Lande, autour de temps forts fédérateurs. Les vendredi 7 et samedi 8 juin prochains, le dernier de la saison sera dédié à deux aires géographiques lointaines : le Québec et les Antilles.

Vincent Collet
Vincent Collet, metteur en scène et membre du Joli collectif, co-directeur artistique de l’Aibre Libre, Saint-Jacques-de-la-Lande © C. Ablain

Monde.s, car le temps fort s’ouvre à la création et au dialogue internationaux. Cette nouvelle proposition fait le lien avec le réseau Résidence en mouvement, ou ROM (pour Residencies On The Move), créé en 2019 et agrandi en 2023 avec l’arrivée de deux théâtres canadiens et du festival italien Santarcangelo. Dans ce dispositif, Le joli collectif permet aux artistes de circuler dans d’autres pays pendant la période de laboratoire de leur projet. Ils peuvent ainsi travailler leurs créations et les nourrir. « Ce qui fait le lien, c’est que le temps fort est dédié à d’autres géographies, mais l’idée n’est pas de créer un focus sur un pays, plutôt de mettre ces espaces en dialogue », précise Vincent Collet, metteur en scène à la co-direction artistique de l’Aire Libre avec Enora Boëlle et Jenny Dodge. Dans la première édition du dernier temps fort de la saison 2023-2024, l’association a choisi de créer un dialogue entre des artistes québécoises, guadeloupéennes et martiniquaises, « pas tant dans les thématiques que dans la réalité de ce que cela dit », informe-t-il. « On parle d’une Amérique francophone, à la fois le Québec, en Amérique du Nord, et la Caraïbe, dans le golfe du Mexique. Ce lien pouvait être générateur de sens. »

En partenariat avec la webradio des arts et du commun R22-Tout Monde, installée à Rennes depuis 2022, deux émissions feront justement le lien sur ces histoires et thématiques communes. La première, en ouverture d’édition, questionnera “Outre-Mer / La Caraïbe, se désaliéner du regard de la métropole” vendredi 7 juin à 17h30 ; la seconde portera sur le Québec et « Devenir le maître à la place du maître » samedi 8 juin à 16h30. « De par ces liens historiques, les deux territoires se rejoignent dans la recherche d’émancipation. » Toutes les propositions programmées ne toucheront pas ces questions, mais seront abordées la décolonisation, la réappropriation d’une histoire et d’une identité, et réinterroger ces liens dans l’histoire et les stigmates laissés. « Au Québec, les Francophones se sont toujours considérés comme une minorité qui devait se défaire de l’emprise des Anglo-Canadiens », raconte le metteur en scène. « Pourtant, au moment de l’indépendance, ils ne se sont pas posé la question de la place des peuples autochtones. Ils ont juste voulu devenir « maître à la place du maître » ». En citant L’Œil du maître de Dalie Giroux, Vincent Collet rappelle que cette dernière a interrogé dans ses pages ce mouvement d’émancipation des francophones au Québec, mais qui ne les a pas amenés à regarder les autres minorités qui existaient à côté d’eux. Limbo de la Québécoise Amélie Dallaire se situe davantage dans la critique d’un univers ultra libéral, un des aspects que l’on retrouve partout, mais qui est très fort dans la société américaine. Avec humour, elle montre l’aseptisation d’un territoire.

Limbo Amélie Dallaire
Limbo, Amélie Dallaire

Les îles de la Guadeloupe et de la Martinique ont quant à elles « des choses à défendre en termes de modèles économiques et de pouvoir, dans lesquels ils se sont retrouvés enfermés. » Les spectacles au programme questionnent notamment l’image que les Français ont pu avoir des Antilles. Dans son témoignage dansé, Cover, Myriam Soulanges raconte son ressenti à son arrivée dans l’hexagone dans les années 90 en tant que danseuse, et de quelle manière elle a vécu le racisme intériorisé de la population. Par le biais d’éléments autobiographiques, intimes, les artistes écrivent aussi le vécu de leurs territoires, leur réalité. « Elles donnent des éclairages sur leur condition en tant que citoyenne et artiste. » En duo avec Marlène Myrtil, les deux chorégraphes interrogent dans Tropique de Képone la dévastation écologique qu’a procuré l’agriculture intensive de la banane, « qui a empoisonné les corps et la terre pour 400 ans », informe le metteur en scène. « Le but était de rencontrer d’autres artistes et de rencontrer d’autres questionnements. On a été vers des spectacles qui parlent d’une autre réalité afin de montrer l’importance de s’intéresser à d’autres cultures et de raconter des histoires d’ailleurs. »

Par le biais de leurs pratiques, les artistes parlent ainsi de problématiques et d’urgences qu’il est important de nommer. « En tant que programmeur, il est nécessaire d’avoir conscience de l’importance de ces sujets pour les personnes qui les traitent. » Dans le concert-récit Mamisargasa 3.0, Annabel Guérédrat mêle une problématique environnementale à un questionnement sociétal. En plus d’aborder le phénomène désastreux qui touche la Martinique, la sargasse (algue qui devient toxique en séchant), elle interroge la place des sorcières. Ce poème rock s’est construit autour de ce phénomène dévastateur et prend une forme incantative dans une recherche de solution à cette catastrophe. La ressemblance avec les algues vertes en Bretagne ne peut que permettre une identification facile du public breton. L’artiste affirme ici son statut de sorcière caraïbéenne, désignation qui lui donne la force de combattre. La “sorcière” met en avant l’énergie à déployer pour être plus forte que ces catastrophes. « La création est basée sur la force et un courant esthétique qui est : comment être une sorcière sur scène ? »

Première édition en 2024, le temps fort prendra par la suite la forme d’une biennale. L’année prochaine, la clôture de la saison à l’Aire Libre s’ancrera à l’inverse dans le territoire. Un événement plus local sera proposé afin de prendre le temps de penser une deuxième édition qui fera probablement voyager en Afrique. Ce choix se lit comme un complément à cette première édition qui propose un voyage artistique et sociétal vers des géographies que Monde.s nous apprend à connaître autrement.

Découvrez la programmation complète

**VENDREDI 07.06**
• 17h30 • Conversation
OUTRE-MER / CARAÏBES, SE DÉSALIÉNER DU REGARD DE LA MÉTROPOLE
• 18h & 20h • Étape de travail
LE LANGAGE CLAIR d’Amélie Dallaire
• 19h • Danse
COVER de Myriam Soulanges
• 21h • Concert-récit
MAMISARGASSA 3.0 & SES GUESTS d’Annabel Guérédrat
• 22h • Performance-concert
BORIS PERCUS – show tambour bèlè et musique électro

**SAMEDI 08.06**
• 16h30 • Conversation
QUÉBEC, DEVENIR LE MAÎTRE À LA PLACE DU MAÎTRE
• 18h • Théâtre
LIMBO d’Amélie Dallaire
• 20h • Danse
TROPIQUE DU KÉPONE de Myriam Soulanges et Marlène Myrtil
• 21h • Concert-récit
MAMISARGASSA 3.0 & SES GUESTS d’Annabel Guérédrat
• 22h • Dancefloor
DouceSoeur – dj set

TARIFS
16€ plein • 12€ réduit • 8€ etudiant·es,
-26 ans & famille • 6€ Carte Sortir

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