UNE VIREE AMERICAINE AVEC LA SUGAR FAMILY

C’est en 2016, dans le café rennais du Chat Bavard, que fut fondée la Sugar Family, suite aux sessions réalisées par les musiciennes et interprètes Leïla Chevrollier-Aïssaoui et Léna Rongione. L’arrivée progressive de Matthieu Grimm à la guitare et de Victor Denancé au violon fiddle leur a permis de mettre en place un collectif soudé. Leur EP, sorti en 2016, devrait bientôt être suivi d’un futur premier album qui intègrera de nouvelles compositions. Leur dernière tournée avait débuté le 16 juin à l’occasion de la fête de la musique à Thorigné-Fouillard et s’est achevée samedi 25 août à Bréal-Sous-Montfort, au village du festival du roi Arthur.

 

Photo: Mouna Saboni

Cette année, le festival du roi Arthur, qui a attiré 33 000 spectateurs, a bénéficié d’une programmation caractérisée par l’éclectisme. Cet aspect s’est manifesté tant sur le site même du festival que dans sa partie village, où divers groupes ont réalisé des performances toutes aussi réussies les unes que les autres. Il en a été ainsi du concert donné par la Sugar Family, le samedi 25 août à 12h30, scène Viviane.

Cette formation rennaise réunit cinq musiciens passionnés, autour d’un ensemble d’esthétiques musicales réunies sous le terme d’ « old time music ». Il s’agit du plus ancien répertoire américain qui nous soit parvenu après les musiques amérindiennes et dont les musiques country sont issues. Ces esthétiques, aux multiples influences (notamment britanniques, celtiques et afro-américaines) nous semblent très familières mais elles restent finalement encore assez méconnues. Par ailleurs, le nom même de la Sugar Family fait explicitement référence aux groupes familiaux de la country américaine, en particulier le plus populaire, la Carter Family. Parmi les reprises qui constituaient leur répertoire, trois d’entre elles étaient des chansons folk popularisées par les Carter : Bury Me In The Weeping Willow, Keep On The Sunny Side et Can Be The Circle Unbroken, une adaptation d’un hymne chrétien de 1908. Mais s’il est bien connu que la famille, c’est sacré, nous savons tous également que le cercle des amis l’est aussi et de façon toute aussi importante. De fait, la Sugar Family est porté par cinq musiciens rennais qui se sont associés il y a maintenant deux ans : Leïla Chevrollier Aïssaoui (chanteuse du groupe Leïla & The Koalas) au chant et au banjo-uke, Victor Denancé au violon fiddle et à la guitare, Léna Rongione (également moitié du groupe IO) au banjo et au chant, ainsi que Matthieu Grimm à la guitare. Cet été, le collectif s’est agrandi du contrebassiste Evan Kervinio et, lors de leur concert, a accueilli Charles Blandin qui remplaçait Matthieu Grimm à la guitare.

Photo: Nico M

Leur set a débuté sur le sémillant Sail Away, Ladies, une chanson du Kentucky dont la composition remonterait au XIXe siècle et qui a été notamment interprétée en 1927 par Uncle Dave Macon. L’essentiel de leur performance a donc été consacré à des reprises inspirées de musique “old time” (Over In The Gloryland). Elle a également mis en avant le répertoire de la musique cajun louisianaise, à travers une interprétation instrumentale du standard Reel de joie, à forte inspiration irlandaise. Mais elle incluait également l’une des compositions du groupe, I Found My Babe, débutant par une lente et belle introduction vocale à deux voix, celles de Leïla Chevrollier et Léna Rongione.

A l’écoute, on remarque, sur de nombreuses chansons, que la voix de Leïla Chevrollier prend certains accents délicieusement nasillards qui ne sont pas sans évoquer le timbre vocal de Sara Carter de la Carter Family. Mais d’autres aspects plus doux de sa vocalité, notamment dans I Found My Babe, peuvent rappeler celle de Rhiannon Giddens. Cette dernière nous avait d’ailleurs enchanté le 21 décembre 2017 avec son concert Celtic Blues au TNB en collaboration avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne. Même si leurs parcours musicaux s’avèrent différents, ce rapprochement entre ces deux artistes n’est pas totalement hasardeux : en effet, c’est ce même mouvement de réinterprétation de la « Old time music » (soit les prémices des musiques populaires américaines contemporaines) que partage la Sugar Family avec d’autres artistes actuels comme Rhiannon Giddens. C’est aussi dans ce même contexte que ce répertoire a été récemment remis en lumière, dans le cadre du documentaire des American Epic Sessions (avec entre autres une redécouverte des premiers enregistrements de la Carter Family), porté par l’illustre Jack White.

Photo: Nico M

Lors de leur prestation, les musiciens de la Sugar Family ont démontré une grande fidélité aux esthétiques de la musique « old time » dont ils revendiquent l’influence. En outre, les mélodies jouées par Victor Denancé au violon fiddle, lors des introductions et des « breaks » instrumentaux se rapportent autant à ce répertoire qu’au violon cajun et aux racines des répertoires country dans les musiques irlandaises. On note également la grande habileté du jeu mélodique de Léna Rongione au banjo, aux solos impeccables. Le tout est agréablement mêlé aux harmonies vocales assurées par les musiciens eux-mêmes, évoquant autant celles des musiques country que des spirituals.

Par ailleurs, nous pouvons considérer que ce concert du groupe rennais, le dernier de leur tournée, a su remplir avec succès l’une des fonctions premières auxquelles les esthétiques country semblent destinées : la danse. Léna Rongione, entre autres, a également démontré un certain talent pour le « clogging ». Cette danse populaire, souvent apparentée aux claquettes et proche de la danse irlandaise, a complété, le temps d’une chanson, le dynamisme du jeu instrumental des autres musiciens. Leurs interprétations, privilégiant les tonalités majeures enjouées et les rythmes « uptempo » très entraînants, ont su véhiculer un réel entrain. S’ajoutait à cela leur bonne humeur qui semble avoir été communicative auprès du public. C’est ainsi qu’au milieu du spectacle, une ronde a été improvisée par une partie des spectateurs, emmenant dans la danse les plus téméraires. La scène s’est déroulée sous l’oeil amusé et toujours malicieux de Leïla Chevrollier. C’est ce qu’on appelle finir la saison en beauté…

Leur chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwP47Jau560BjBIcF4k7Gcg/feed

La page Facebook du groupe :https://www.facebook.com/thesugarfamily/

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

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