Grand Angle de Simone Somekh : probablement un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire d’hiver… Une performance pour ce récit traduit remarquablement de l’italien !
Ezra a quinze ans et a grandi à Boston, dans une famille juive religieuse. Un jour, par jeu ou par provocation, il photographie une jeune fille de son lycée, introduite subrepticement à l’étage des garçons. Cela lui vaut un renvoi définitif.
Choqué par la décision dure et verticale de l’école juive où il suit ses cours, comme par la réaction de ses parents, Ezra va partir étudier ailleurs en quête d’un judaïsme tolérant et éclairé, prenant ses distances avec son milieu (sa tante Suzie demeurant toutefois son meilleur joker). C’est aussi la pleine période de l’apprentissage pour Ezra, celle qui le conduira vers une forme d’émancipation et la découverte du libre arbitre. Cela ne se passera pas dans la douceur et la sérénité quotidiennes. Le jeune homme se confronte à nombre d’épreuves. Crise de foi, mais aussi crise familiale et parfois crises amicales. Quand certains lui tournent le dos, car il peut remettre certains dogmes en cause, d’autres se montrent accueillants, doués du sens du partage et de la confiance.
Car au fond, Ezra est un adolescent presque comme tous les autres. Certes, il est brillant, passionné, fidèle en amitié, mais rencontre aussi toutes les questions qui tourmentent les jeunes de son âge : l’identité, les premiers émois, l’amitié, le présent comme le futur, les envies, les tentations, et puis cette religion qu’il aborde et comprend autrement que ceux de sa proche communauté. Croire est une chose, douter est une force. Et son judaïsme personnel, il n’entend pas qu’on le lui dicte sans cesse, de manière triste et autoritaire ; il veut le vivre librement, dans la joie, même si pour cela il doit se battre, avec ses armes : la réflexion, la tolérance et l’acceptation des différences.
Au fil de la narration, Ezra grandit, il devient photographe et part pour New York, la Grosse pomme qui l’attire tant, qui rebute tout autant ceux qui l’entourent. Non il n’abandonne personne, il aspire juste à trouver sa place dans une société du XXIe siècle en osmose avec les uns les autres, tout en vivant sa foi comme il le souhaite. Et même s’il doit laisser derrière lui des bagages trop lourds accumulés depuis l’enfance, c’est libre et léger, affranchi qu’il ira vers la Vie.
Ce premier roman de Simone Somekh est d’une puissance rare et d’une maturité à faire pâlir parfois. C’est aussi une remarquable démonstration sur la modernité et l’ouverture d’esprit nécessaire dans toutes les religions du monde. Grand angle sur la vie, l’existence, la foi. Grand angle sur l’esprit communautaire.
Grand angle de Simone SOMEKH – éditions Mercure de France – 216 pages – Parution : janvier 2019. Prix : 21,80 €. Traduit de l’italien par Léa Drouet.
Couverture : Getty Image © Gary S. Chapman – Photo auteur Simone SOMEKH © DR.
Premier roman.
Né à Turin en 1994, Simone Somekh est journaliste et vit aux États-Unis. Grand angle, en cours de traduction dans plusieurs pays, a remporté le très prestigieux Prix Viareggio du Premier roman 2018.