Rennes, dimanche 2 avril, un avis d’agitation était émis par le Triangle, invité par les Champs libres à orchestrer ce Premier dimanche. Un programme riche en danse évidement, mais aussi en littérature, en street art et en rencontres entre public, danseurs amateurs et danseurs professionnels.
Les Rennais aiment danser et voir danser. Il l’ont encore prouvé ce dimanche 2 avril aux Champs Libres. Toute l’équipe du Triangle était aux manettes : un programme choisi et très orienté vers les danses participatives. Un avant-goût du festival Agitato qui se déroulera au mois de juin prochain. Bref, la transmission de la danse sous ses diverses formes était à l’honneur.
Simon Queven a proposé La vague (1930), chorégraphie quasi méditative d’Albrecht Knust, disciple de Rudolf Laban. En moins d’une heure, les danseurs amateurs se sont vus transmettre cette chorégraphie chorale où il est question de respiration et de mouvements repris en canons. La danse est composée de mouvements très simples à mémoriser et ne nécessitant pas une condition physique extraordinaire. Elle est donc accessible et laisse toute la place au chorégraphe pédagogue afin d’initier les danseurs novices au travail du sensible. Pour ce premier contact, une vingtaine de participants se sont prêtés au jeu qui sera concrétisé durant le festival Agitato à travers une proposition comprenant cette fois-ci 64 danseurs amateurs. Ils donneront toute son ampleur à cette Vague.
La transmission du travail sensible fut également la préoccupation de Catherine Legrand pour Valse. La valse est une danse que la jeune génération ne connait pas toujours. Catherine Legrand fait cheminer un très bel exercice : faire travailler la mémoire corporelle et raviver les souvenirs de danse de personnes du troisième âge qu’elle mêle aux autres générations. La jubilation était au rendez-vous !
Cette jubilation intergénérationnelle se retrouvait tout au long de l’après midi avec des ateliers et notamment avec l’installation interactive Ork1 d’Alexandre Berthaud. Au milieu d’une petite piste de danse, le danseur active par ses mouvements des instruments à cordes et des percussions conçues par le plasticien musicien. Un manière amusante de résoudre la question “qui précède quoi?”. La musique précède-t-elle la danse ou est-ce le contraire ? La danse peut-elle se faire sans musique et la musique existe-elle sans danse ?
Le public a pu s’approprier des pièces de la danse contemporaine du XXe siècle et expérimenter également le travail qu’il est possible de faire avec des pièces ramenées à la vie à partir de documents photographiques ou filmiques. La danseuse et chorégraphe Latifa Laâbissi travaille avec des photographies des pièces de Valeska Gert, danseuse dans des cabarets, reniée par ses paires de son vivant, et dont les œuvres ont été ramenées à la connaissance du public par des historiens de la danses et des chorégraphes chercheurs. Latifa Laâbissi recrée régulièrement le répertoire de Valeska Gert, à l’exemple de la danse de la sorcière cabarettiste dans son Écran somnambule. Pour ce Premier dimanche aux Champs Libres, Latifa Laâbissi a proposé une reconstruction de trois danses, La mort, La maquerelle et Canaille regroupées dans la pièce Phasme. Un interprète danse dans un premier temps la chorégraphie face au public avec un écran télévisé dont on ne voit pas les images, puis il tourne l’écran vers le public et recommence sa danse synchronisée avec les photographies qui s’enchaînent à l’écran. L’effet est saisissant, l’expressivité de Valeska Gert est démultipliée par le danseur bien vivant. Latifa Laâbissi interprète ensuite Samouraï en remettant en contexte l’histoire qu’elle danse.
Dans cette même démarche mais avec une variante dans la méthode, Florence Casanave a présenté Youtubing, une reconstruction de la pièce Watermotor (1978) de Trisha Brown, récemment disparue. Florence Casanave danse avec une synchronie virtuose devant un écran cinématographique sur lequel sont projetées les images de la pièce dansée par Trisha Brown. Là aussi l’effet est remarquable. C’est comme si Trisha Brown en personne était sortie de l’écran pour danser devant le public ; par ce truchement, Florence Casanave démontre que la pièce est toujours active.
Mais ce Premier dimanche aux Champs Libres a su tout autant donner la place belle aux danses urbaines avec le Hip-hop kidz et la Yaoundé danse connexion qui ont réaffirmé, avec le soutien d’un public grandissant, l’importance du hip-hop et de la breakdance dans le cœur des Rennais.
C’est avec des cerveaux hypertrophiés, hyperpailletés et tout de lamé vétus que les membres de la BaZooKa ont conclu cet avis d’agitation. Dans une ambiance électrisée et hyperfestive, sans boule disco mais avec force propositions chorégraphiques, l’invitation fut lancée : rendez-vous au mois de juin pour un Agitato très prometteur.
Photographies : Gaëlle Lecart