Hamon-Martin c’est un duo. Un duo ancien, mais qui remue encore très bien. Un couple qui ne peut s’empêcher de multiplier les partenaires. En tout bien tout honneur, et pour le plus grand bonheur de nos auditifs canaux (dixit Jarry). Notamment formés à l’école de la musique de danse traditionnelle bretonne, leurs performances scéniques s’y enracinent, mais avec une fougue aussi impertinente dans ses excès dogmatiques que pertinente en matière d’harmonie.

C’est dans le cadre (quasi champêtre) du théâtre du Vieux Saint-Étienne que le duo augmenté nous a conviés à partir en voyage. Une sorte de conte mystico-dadaïste centré sur le parcours à ornières de la paire Erwan Hamon (bombarde et flûte traversière en bois) et Janick Martin (accordéon diatonique). Les autres membres de l’équipée colorée étaient Gilles Chabenat (virtuose expérimentateur de la vielle à roue électrifiée) et Julien Stévenin (contrebassiste appliqué au doigté subtil).
Et si la météo, dehors, était clémente et harmonieuse, que dire de se qui se tenait à l’intérieur, miroitant sur les vieux murs de la vénérable église ? Les parties contées par Janick Martin, les lumières, la mise en scène, simple, mais pas toc, subtilement naïve et jamais bébête, alors qu’il s’agissait précisément d’évoquer une course avec une étrange bestiole : un zèbre multicolore. Un symbole parfait de cette nostalgie au sourire tendre qui nous fait idéaliser un temps enfui qui n’a jamais vraiment existé. Et qui, finalement, n’existe que dans un avenir à construire à temps et à contretemps, par touches, par échos et harmonisations. Musicalement, en somme.

Quelqu’un à dit que la musique était l’art ultime de faire advenir à nos sens le passé et le futur dans l’ici et le maintenant des vibrations. C’est bien cet étrange rite alchimique qu’il nous a été donné de voir. Sans volonté de « faire comme », de chercher à sonner médiéval ou « musique du monde », sans désir corseté de « métissage imposé », voilà la musique tombe du ciel et y remonte. Elle descend fouailler les entrailles de la terre. Elle se perd dans les labyrinthes brumeux des hautes herbes. Nous parcourons un espace qui n’existe pas ailleurs. Nous dansons des danses inconnues, mais millénaires. La conjonction s’opère. Cet instant unique libère des pesanteurs.
Encore une fois, si l’exercice est toujours périlleux, il faut saluer le brio avec lequel Hamon-Martin et leur équipe ont su conjuguer tous ces éléments. Les lumières et les cinq paravents sur lesquels étaient projetés des images qui illustraient sans lourdeur les différentes atmosphères, tout était harmonieux. Les parties contés, avec ce langage subtilement décalé rendait plus prégnant encore ce sentiment que les notes et les mélodies dépassent largement le cadre restreint de nos langues. Elles portent un supplément de vie, une supplément d’âme, de chaleur…

Thierry Jolif
Hamon-Martin, Blue and Black Zebra, c’était au Théâtre du Vieux Saint Étienne, à Rennes le jeudi 4 juillet 2013 dans le cadre du festival Les Tombées de la Nuit, Production Esta-fête, Néry Catineau : mise en scène, Laurent « Graal » Rousseau : photographies, vidéos, Damien Richard : vidéo.
