Municipales 2026 à Rennes : quel scénario pour le second tour à Rennes ?

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Après trois mois de recours et de tensions, le comité électoral de LFI a confirmé la députée Marie Mesmeur (1ère circonscription d’Ille-et-Vilaine) et Gwénolé Bourrée – ex-Union Pirate, ancien collaborateur de Louis Boyard – comme chefs de file pour conduire la campagne rennaise. Mais la partie est loin d’être gagnée pour LFI, notamment en raison du clivage suscité par son lider maximo.

Le 7 mars, l’assemblée municipale insoumise avait désigné le duo Mesmeur/Bourrée (47 voix contre 7), mais le vote – à main levée, faute de consensus – fut contesté par le tandem concurrent mené par l’activiste Ulysse Rabaté. Marie Mesmeur et Gwénolé Bourrée sont chargés d’« animer le collectif de campagne » et de sonder d’éventuelles alliances à gauche. La main est ainsi tendue aux écologistes rennais, tandis qu’une fusion avec la maire PS sortante Nathalie Appéré apparaît déjà exclue.

Alliances locales en France : quand la personnalité de Mélenchon devient un facteur de division

Le paysage de gauche en vue des municipales 2026 apparaît plus fragmenté que jamais. En cause, une intensification des rivalités et même de la « détestation » réciproque entre les principaux partis : le Parti socialiste (PS), Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste (PCF) et La France insoumise (LFI). Au cœur de ces tensions, une personnalité cristallise particulièrement les oppositions : Jean-Luc Mélenchon. Son style politique abrasif et ses prises de position radicales suscitent des réactions épidermiques, y compris chez ses partenaires potentiels à gauche. Plusieurs élus socialistes et écologistes, notamment à Rennes, Marseille ou encore Lyon, estiment ainsi qu’une alliance avec LFI est rendue impossible par le maintien de Jean-Luc Mélenchon en figure tutélaire.

Cette défiance ne se limite pas aux seuls partis concurrents : au sein même de l’électorat traditionnellement acquis à LFI, Mélenchon fait désormais face à une hausse notable des critiques. Si son leadership charismatique lui a longtemps permis d’incarner une gauche combative, les sondages récents montrent une nette augmentation de la défiance envers sa personne. Ce phénomène affecte également les sympathisants insoumis, dont une partie aspire désormais à un renouvellement générationnel et stratégique du mouvement. La question se pose alors avec acuité : Jean-Luc Mélenchon, autrefois atout majeur de son parti, ne risque-t-il pas aujourd’hui de constituer le principal obstacle à l’union des forces progressistes ?

Paradoxalement, cette situation pourrait parfois offrir à LFI une fenêtre d’opportunité électorale inattendue. Si les alliances à gauche demeurent difficiles, voire impossibles dans certaines villes, le risque d’éparpillement des voix est réel. Or, dans ce contexte fragmenté, la stratégie d’autonomie de LFI pourrait justement lui permettre de tirer son épingle du jeu. En se positionnant clairement contre une gauche jugée trop gestionnaire ou modérée, le mouvement de Mélenchon pourrait capitaliser sur sa base électorale, atteindre le seuil suffisant pour se qualifier au second tour, et ainsi profiter d’une confrontation directe face à un candidat centriste, de droite ou d’extrême-droite. Une hypothèse qui comporte toutefois son lot de risques, puisque l’éventuelle absence de rassemblement au second tour promet de conduire à des défaites cuisantes et à une marginalisation durable de LFI au niveau local. Mitterrand aura tué le PS, Jean-Luc Mélenchon tuera-t-il LFI ?

A Rennes, cette stratégie de LFI peut-elle être payante ?

Dans la capitale bretonne, la stratégie adoptée par La France insoumise est audacieuse. En misant sur un duo renouvelé et en affichant une rupture assumée avec le Parti socialiste de Nathalie Appéré, LFI espère séduire un électorat de gauche radicale, jeune et critique envers la gestion municipale qui est perçue comme pas assez sociale et dirigée par une administration et des élus de plus en plus technocrates. Toutefois, cette tactique comporte le risque de se retrouver isolée au second tour. La réussite de cette stratégie dépendra largement de la capacité du binôme Mesmeur-Bourrée à fédérer au-delà du cercle insoumis traditionnel et à mobiliser massivement les abstentionnistes ainsi que les électeurs désenchantés par la politique municipale menée jusqu’ici, notamment les jeunes et des habitants des cités.

Projection (à l’instant T aujourd’hui) : quel scénario pour le second tour à Rennes ?

En cas d’éclatement de la gauche au premier tour, les projections préliminaires dessinent un scénario très fragmenté. Le PS de Nathalie Appéré pourrait recueillir entre 22 et 28 %, LFI (Marie Mesmeur et Gwénolé Bourrée) tout comme la liste écologiste (menée par Priscilla Zamord et Gaëlle Rougier via l’association Confluence) devrait remporter respectivement de 11 à 17 %. À droite, Charles Compagnon (Horizons) obtiendrait autour de 10-12 %, Rennes à droite de Thomas Rousseau environ 3 à 5 %, la liste centriste du MoDem 35 (conduite par Marie-Pierre Vedrenne et Nicolas Boucher) avec Renaissance (Carole Gandon), serait créditée de 13-16 %, et la candidature d’extrême droite incarnée par Julien Masson, porte-parole du RN à Rennes, pourrait atteindre les 10 % (si la situation de la sécurité à Rennes se dégradait encore).

Un second tour à trois listes semble alors plausible :
– soit une gauche modérée (PS) autour de 30-35 %, une alliance potentielle LFI-écologistes atteignant 30-35 %, et une coalition centriste et droite modérée autour de 30 % ;
– soit une alliance potentielle PS-EELV qui réunira autour de 45% des voix, LFI seul à 20-22%, coalition centre-droit 35-38 %

La clé du scrutin résidera donc dans les choix stratégiques des écologistes : une union des avec Nathalie Appéré assurera la victoire de cet équipage ; une alliance avec LFI renforcerait considérablement le poids électoral de ce tandem face au PS sortant (mais au prix d’un possible effritement de leur base modérée) ; une absence d’union faciliterait une victoire socialiste au second tour grâce à la dispersion des voix de gauche et le report de voix.

Les écolos sont donc en réflexion. Laurent Hamon, coprésident des écologistes à la Ville de Rennes, a confirmé que leur projet – cavalier seul, union avec le PS ou LFI – sera travaillé au sein de l’association Confluences (dirigée par Gaëlle Rougier et Priscilla Zamord), avec une décision stratégique (alliances ou candidature autonome) prévue à l’automne 2025, après échanges avec toutes les forces de gauche

Un facteur non négligeable

Dans un contexte d’instabilité nationale et internationale croissante, marqué par les crises géopolitiques, climatiques et économiques, une partie de l’électorat – y compris à gauche – pourrait privilégier la sécurité institutionnelle à l’audace idéologique. Dans cette logique, le PS local, ici incarné par Nathalie Appéré, est perçu comme une force de stabilité républicaine ; aussi pourra-t-il bénéficier d’un réflexe de conservation en cas d’alliance LFI-EELV. Des électeurs de centre-gauche, de centre-droit, voire de droite modérée, pourraient ainsi voter en faveur de la maire sortante au second tour, non par adhésion, mais pour faire barrage à ce qu’ils percevraient comme une prise de risque politique excessive : une municipalité dirigée par l’extrême gauche ou une coalition insoumise-écologiste jugée trop radicale et peu rompue aux affaires.

Autres limites à garder à l’esprit

  1. Incertitude sur la mobilisation électorale :
  2. Dans un contexte de défiance envers les professionnels de la politique et autres représentants technocrates, l’abstention aux élections municipales à Rennes en 2026 pourrait raisonnablement se situer entre 50 % et 58 % au premier tour, avec possibilité de dépasser les 60 % dans certains quartiers populaires, donc avec des effets asymétriques sur les différents électorats (en particulier les jeunes, très concernés par LFI).
  3. Poids des micro-dynamiques locales :
    Des variables comme les conflits internes, la campagne de terrain ou les débats d’actualité (logement, sécurité, transition écologique) peuvent faire varier fortement les résultats à Rennes, ville très politisée mais aussi imprévisible.
  4. Flottement sur l’extrême droite :
    Le score susceptible de monter à 10 % pour le RN est conditionné à une hypothèse (détérioration de la sécurité corollaire d’une croissance d’un sentiment d’insécurité et/ou survenue d’un traumatisme national ou international). C’est une estimation spéculative mais plausible : le RN n’a jamais percé à Rennes, mais sa base est de plus en plus présente dans les communes périphériques et son discours séduit de plus en plus de seniors, mais aussi de jeunes actifs.

Contexte politique à Rennes
Depuis 1977, la mairie est restée ancrée à gauche par le PS
En 2020, les écologistes ont obtenu 25,37 % au premier tour, mais LFI n’avait rassemblé que 7,5 %, échouant à se maintenir au second tour
LFI connaît une montée en puissance à Rennes, avec un score de 36,31 % à la présidentielle 2022 et une victoire de la NUPES aux législatives 2024 avec 56 %
Rennes est l’une des dernières grandes villes PS en France, ce qui pourrait renforcer la tension dramatique autour de la succession Appéré et les alliances de 2026.

Prochaines étapes
Automne 2025 : décision conjointe de la gauche rennaise (EELV, LFI, PCF…) quant à une éventuelle liste d’union.
Mars 2026 : tenue du 1ᵉʳ tour des municipales à Rennes.