SOULMATE DES BLACK LEADERS, UN RETOUR ROCK PYSCHÉ

Il y a près de 6 ans, The Black Leaders faisaient leur entrée sur la scène musicale rennaise. Depuis leurs débuts, les artistes rennais font preuve d’une productivité qui n’a d’égale que leur passion musicale commune et leur harmonie sur le plan artistique. Après 3 albums, dont le dernier Fix of Love sorti en 2018, la formation remet le couvert ce lundi 11 mai 2020 et nous dévoile Soulmate : un quatrième opus dans lequel ils s’aventurent sur des terrains plus psychédéliques.

C’est au milieu de la dernière décennie que commence l’histoire des Black Leaders, dont la première pierre fut posée par Alexandre Odile. Dans le passé, ce guitariste briochin d’origine a officié dans le groupe Arther, créé en 2003 avec des amis du lycée et dans lequel il effectue de nombreux concerts, notamment en Bretagne et en Angleterre. Suite à cette expérience, il s’installe à Paris en 2008 et intègre quelques autres formations. Réinstallé à Rennes en 2012, il se lance dans l’écriture de nouvelles chansons et élabore un projet afin de les porter. 2 ans plus tard et par l’intermédiaire d’une amie, il rencontre alors Marie Guyottot. Flûtiste de formation, la jeune femme avait alors débuté son expérience de chanteuse au sein d’un groupe de reprises, dont elle était ressortie insatisfaite. Réunis par une envie commune de partir sur de nouvelles bases artistiques, ils réalisent chez Alexandre de premiers essais qui s’avèrent concluants. Dans la foulée, le duo enregistre ses premières démos sur les compositions du guitariste. Lancés à la recherche de musiciens pour les accompagner dans cette aventure, les deux artistes recrutent Gilduin Descottes à la basse en avril 2014, suivi de FX, leur premier batteur.

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The Black Leaders (de gauche à droite: Alexandre Odile, Christopher Theard, Marie Guyottot, Olivier Bacon et Laurent Dupuis).
Photo: source Facebook.

Par la suite, les évènements s’enchaînent très vite pour le jeune groupe. En septembre de la même année et avec 5 morceaux à leur répertoire, les quatre musiciens donnent leur tout premier concert à Rennes. C’est d’ailleurs au moment de cette première prestation qu’ils se baptisent The Black Leaders, nom venu sur une inspiration soudaine procurée par la langue de Shakespeare. Peu à peu, ils écument les scènes des cafés et les salles des alentours, étoffant au passage leur répertoire de 6 titres supplémentaires. Les conditions sont alors réunies pour l’enregistrement d’un premier album, intitulé My Best Friend, qui est réalisé au studio du Faune à Montauban-de-Bretagne (35). À l’occasion de cette création, le groupe entame une collaboration avec le producteur et ingénieur du son Arnaud Bascuñana. Rencontré par Alexandre lors de ses années parisiennes, ce dernier a notamment travaillé avec Deportivo, -M- et Les Wampas. Entre temps, la formation s’est également agrandie avec l’arrivée en mars 2015 d’Olivier Bacon aux claviers, ainsi que Christopher Theard (alias Tof), qui remplace FX à la batterie.

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The Black Leaders (de gauche à droite: Marie Guyottot, Christopher Theard, Alexandre Odile et Olivier Bacon).
Photo: Bernard Sammut.

Sorti le 6 novembre 2015 en autoproduction, My Best Friend les révèle sur la scène rock rennaise et figure même en Top découverte sur les ondes nationales de la radio France Bleu. C’est dans ce contexte que le groupe donne quelques concerts sur les scènes rennaises et se produit également dans le quartier de Soho à Londres le 8 janvier 2016. Le 7 novembre de la même année, The Black Leaders dévoilent un deuxième album Take It Easy, dont le clip de la chanson-titre est diffusé sur les chaînes européennes de MTV. Dans l’intervalle, ils entament une nouvelle série de concerts, qui passe notamment à L’International de Paris et au Marquis de Sade à Rennes. L’année suivante, la formation adopte une nouvelle mouture suite au départ de Gilduin, succédé à la basse par Laurent Dupuis (aka LSD).

Après leur troisième opus Fix Of Love, sorti en 2018 en co-production avec le label M&O Music, le groupe nous présente aujourd’hui sa toute dernière création : Soulmate. Ce quatrième album fut dévoilé en avant-première au public rennais le 17 janvier dernier, à l’occasion du retour de la formation sur la scène du Marquis De Sade.

Dès la chanson d’ouverture « Irish Song », les Black Leaders nous emmènent dans un univers envoûtant qui traverse tout cet opus. On y retrouve également l’identité musicale développée par le groupe, consolidée lors de la création de Fix of Love. Définie très souvent sous le terme généraliste « pop rock », son esthétique musicale emprunte plutôt à des influences multiples, plus ou moins associées aux courants du rock et synthétisés ici de façon harmonieuse. Elles transparaissent par exemple dans le jeu de guitare d’Alexandre Odile, dont les powerchords incisifs évoquent tour à tour le hard rock des années 70 dans « Face to Face » ainsi que « Love is Wrong » et le rock alternatif sur des titres comme « No Man’s Land ». Au cours de cette chanson, il décoche également des « cocottes » dont l’aspect funk rock rappelle le style de John Frusciante au sein des Red Hot Chili Peppers, alors que ses motifs à la sonorité claire dans le registre aigu pendant « Holy Victory » évoquent plutôt la signature musicale de The Edge chez U2. Dans un autre registre, les courts motifs joués par Olivier Bacon au synthétiseur semblent, quant à eux, faire écho à la new wave des années 80.

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Marie Guyottot, Christopher Theard, Alexandre Odile et Olivier Bacon des Black Leaders.
Photo: Bernard Sammut.

Pour créer Soulmate, le groupe a également fait évoluer son style musical vers une esthétique plus inspirée du rock psychédélique. On en perçoit notamment les teintes brumeuses et presque impressionnistes pendant « Beautiful Life » ou encore « Black Clouds », marquée entre autres par les parties mélodiques et nappes d’accords très aériennes au synthétiseur. Sur ce morceau, la forte présence des cymbales dans le jeu de batterie de Christopher Theard, ainsi que le recours au carillon, participent également de cette ambiance tamisée. De plus, la plupart des rythmiques énoncées par le batteur sont évolutives et confèrent au discours musical un aspect très mouvant, qui le rapproche du rock progressif. Quant aux lignes de basse assurées par Laurent Dupuis, elles occupent parfois un rôle mélodique de premier plan sur des morceaux comme « Black Clouds » et « No Man’s Land ». Par ailleurs, on est agréablement surpris de déceler, par moments, des éléments davantage liés aux répertoires extra-européens : Dans « Black Clouds », par exemple, la rythmique de batterie évoque celle du baion brésilien, rendu célèbre dans la musique populaire par des chansons comme « Stand By Me » de Ben E. King. De même, les parties de guitare d’Alex Odile exploite par moments des inflexions modales qui se rapprochent parfois des modes méditerranéens ou du « râga Bhairav », gamme mélodique présente dans la musique indienne.

En parallèle, le charme de chaque morceau doit aussi beaucoup à la belle voix de Marie Guyottot, qui est l’une des principales singularités des Black Leaders. Parfois comparée à celle de de Dolores O’Riordan (la regrettée chanteuse des Cranberries), elle se fait profonde et vibrante lors de chansons telles que « Activated Carbon ». Elle peut également être brûlante de passion pendant ses envolées dans les aigus, comme dans « Love Me Like You Do ». Son lyrisme lui permet ainsi de porter, avec toute sa sensibilité, les paroles des 11 chansons de Soulmate, toutes écrites par Alexandre Odile, également compositeur de la musique. Dans la plupart de ces textes, les relations amoureuses demeurent l’un des sujets centraux de la formation. Mais elles ne sont pas de tout repos et s’avèrent très souvent ambigües ou contrariées, voire tourmentées. C’est pourquoi certaines de ces compositions retraduisent des sentiments mêlés et les moments de doute, voire de désespoir (« No Man’s Land ») qui assaillent souvent les âmes éprises. En parallèle, le magnétisme et l’accoutumance qui s’invitent parfois au centre de ces histoires sentimentales y sont également retranscrits. De plus, cette exploration du sentiment amoureux ne fait pas l’économie d’une certaine sensualité, comme en témoignent le charme vénéneux de l’instrumentation dans « Love Me Like You Do » et les ostinatos hypnotiques des lignes de basse pendant « Black Clouds ».

Mais pour autant, les Rennais n’hésitent pas à exploiter des thématiques extérieures, qui se rapportent à d’autres états d’âme, eux aussi bien présents dans nos sociétés contemporaines. De fait, le propos de « Holy Victory », à l’accompagnement instrumental plus solaire, dresse le portrait d’une femme forte, digne et soucieuse de justice, qui refuse de rabaisser ses semblables ou de les laisser à l’abandon. Un enjeu d’humanisme dont semble ne pas se soucier le protagoniste de « Beautiful Life », qu’on devine prisonnier d’une vie trop parfaite, dont la désillusion semble transparaître à travers l’ostinato joué par Alexandre Odile à la guitare, qui revient de façon récurrente à travers tout le morceau.

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The Black Leaders (de gauche à droite: Laurent Dupuis, Christopher Theard, Olivier Bacon, Marie Guyottot et Alexandre Odile).
Photo: Bruno Bamdé.

Avec Soulmate, les Black Leaders ont réussi à enrichir leur expression musicale, tout en conservant l’esprit de leurs débuts. Ils y déploient, à travers ces 11 morceaux à la construction élaborée, un rock mélodieux et mouvementé qui nous captive jusqu’à la dernière seconde. Certes, il nous faudra patienter pour voir et écouter les artistes sur scène, quand les conditions seront plus favorables. Heureusement, l’écoute de cet album nous permettra d’attendre ce moment dans les meilleures conditions. Notre plaisir de les retrouver, ou de les découvrir, n’en sera que plus grand…

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pochette de l’album “Soulmate” des Black Leaders.
Visuel: Capitain Cerda/ByChinaski

L’album Soulmate des Black Leaders sort aujourd’hui lundi 11 mai 2020. Il est disponible à l’écoute sur les plateformes de streaming et à la vente à distance.

Retrouvez également le clip de “Love Me Like You Do” dans la playlist d’Unidivers.

La page Facebook des Black Leaders

Leur chaîne Youtube

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

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