Dans le cadre des célébrations du soixante-dixième anniversaire du débarquement des troupes alliées sur les plages normandes, Guillaume Saint-James et Chris Brubeck proposer un projet intitulé Brothers in Arts. Les deux compères sont réunis autour de leur passion commune pour le jazz, mais aussi grâce à leurs pères, amoureux de musique et tous deux témoins des évènements de juin 1944.
C’est donc une famille recomposée qui entre sur la scène de l’Auditorium des Archives de Rennes. Une histoire de famille franco-américaine, avec Guillaume Saint-James le Normand et Chris Brubeck né à Los Angeles, réunis grâce et par l’histoire.
À l’origine de la composition de Brothers in Arts, il y a deux pères. D’abord Dave Brubeck, père de Chris, et légende du jazz. Débarqué avec son parachute sur les épaules sur Omaha Beach, il va suivre la Troisième Armée du Général Patton jusqu’à Metz, où les combats font rage. Destiné à rejoindre le front pour la Bataille des Ardennes, l’une des plus sanglantes du conflit en Europe, c’est à ce moment que le destin de Dave Brubeck va prendre un tour inattendu. Ébloui par le talent du jeune pianiste lors d’une représentation avec des choristes de la Croix Rouge, le supérieur de Dave prend la décision d’affecter le jeune soldat à la création d’un groupe. C’est ainsi que naîtra le Wolf Pack Band, l’un des premiers groupes de musique où se côtoient blancs et noirs, au sein d’une armée américaine encore sous le coup de la ségrégation raciale. Le groupe jouera régulièrement derrière les lignes de front jusqu’à la fin de la guerre. Puis Dave Brubeck retournera aux États-Unis, où il fera naître sa légende.
Du côté du clan Saint-James, l’anecdote racontée non sans une certaine émotion par Guillaume remonte au 7 juin 1944. Âgé de 13 ans, son père fut opéré de l’appendicite, éclairée par une simple bougie, au beau milieu des GI qui repoussaient les troupes allemandes en dehors de Bayeux. Côté musique, le paternel, médecin de campagne, était plutôt dans le jazz amateur. Guillaume Saint-James raconte les heures passées par son père derrière le piano du salon ou bien les trajets en voiture où résonnaient les mélodies de Glenn Miller, de Duke Ellington ou bien du quartet légendaire de…Dave Brubeck.
Guillaume Saint-James et Chris Brubeck se réunissent donc autour d’un projet musical faisant écho à l’histoire de leurs pères. C’est à l’occasion d’un concert de l’Orchestre Symphonique de Bretagne, où ils se retrouvèrent ensemble sur scène, qu’ils découvrirent que leurs pères avaient foulé le même sol. De cette rencontre est né le désir de rendre hommage à leurs pères, ainsi qu’à tous les hommes et femmes qui acteurs et témoins des évènements de juin 1944. Car au-delà de leur histoire personnelle, Brothers in Arts est aussi un moyen de rendre hommage à ceux qui ont combattu au nom de la liberté et de la dignité humaine. C’est ainsi que l’explique Marc Feldman, administrateur général de l’Orchestre Symphonique de Bretagne : « Présenter Brothers in Arts est notre façon de se souvenir et de transmettre la Mémoire de ces simples hommes et femmes aux générations futures. ». En commandant cette œuvre à quatre mains, l’Orchestre Symphonique de Bretagne a voulu soutenir un projet artistique, mais aussi l’inscrire dans le mouvement plus vaste des commémorations du Débarquement en cette année 2014, comme l’explique Marc Feldman en prélude du concert.
Sur scène, histoire et musique sont au rendez-vous. Les deux hommes aiment raconter le passé à travers les mots et les notes. Les instruments font sonner ballades et rythmes plus swing en laissant transparaître le mélange de deux univers, caractéristique de leur rencontre : le jazz américain et la musique française. Accompagnés par Didier Ithursarry à l’accordéon, Christophe Lavergne à la batterie et Jérôme Séguin à la basse, les deux compères font sonner leur trombone et saxophone à coups de solos et mélodies entêtantes. Comme tout band de jazz, la rigueur laisse aussi place à l’improvisation. Jérôme Séguin et Chris Brubeck font saigner leurs basses pendant de longues minutes en se répondant chacun leur tour à coups de solos, et le dernier morceau voit chacun se faire plaisir, sous les applaudissements du public, captivé. Un mini-concert, comme un aperçu, en vue des deux représentations, en version symphonique prévues les 12 et 13 juin au Théâtre National de Bretagne, où ils seront accompagnés par cinquante musiciens, pour raconter une histoire de jazz.
Brother in Arts, pour célébrer donc soixante-dix ans de liberté et une histoire (presque) familiale. Car au-delà de leurs pères, ils sont aujourd’hui devenus, comme l’explique si bien Chris Brubeck, « frères de jazz ».