Comme Charles Zaremba, les traducteurs et traductrices, souvent dans l’ombre de la chaîne du livre et, plus généralement de la création littéraire, travaillent à offrir au lectorat les découvertes étrangères. Baudelaire traducteur de Poe, Alexandre Vialatte et la littérature allemande, Henri Thomas, Philippe Jaccottet : certains demeurent célèbres. En France, un livre sur six est issu de la traduction. Qui sont ces traducteurs ? Comment considèrent-ils leur travail ? Quelle est leur relation à l’œuvre originale ? Première rencontre avec Charles Zaremba, grand traducteur de Kertész et des littératures hongroise et polonaise.
Vous connaissez sans doute Imre Kertész, prix Nobel de littérature. Vous connaissez peut-être, dans la superbe littérature hongroise, Sandor Marai, Laszlo F. Földényi ou encore Attila Bartis. Peut-être avez-vous lu certains auteurs polonais comme Andrzej Stasiuk ou Marek Krajewski. Sur la couverture, en petites lettres minuscules (mais pourtant capitales), vous trouverez un nom : celui de Charles Zaremba. Né en 1959, ce linguiste et spécialiste des langues slaves enseigne à l’université d’Aix-Marseille. Depuis les années 90, il a traduit près d’une trentaine de textes issus des littératures hongroise et polonaise : des romans, des nouvelles, des essais, et même un livret d’opéra ! Il est connu pour être le traducteur du hongrois Imre Kertész, prix Nobel de littérature en 2002. Entretien avec un passeur.
Unidivers : Comment en êtes-vous venu à devenir traducteur ?
Charles Zaremba : Question difficile. Vivant depuis toujours dans un milieu bi- voire plurilingue, c’était naturel.
Unidivers : Pouvez-vous nous parler de votre vision de ce métier, de ce travail ?
Charles Zaremba : C’est pour moi une activité artisanale, au sens où chaque réalisation est nouvelle et unique et où chaque traducteur a ses « ficelles ».
Unidivers : Un traducteur, selon vous, est-il un écrivain ?
Charles Zaremba : Dans une certaine mesure. Je dirais plutôt un « auteur second » dont l’invention se limite au maniement de la langue.
Unidivers : Vous êtes linguiste et spécialiste des langues slaves. En quoi ce travail universitaire participe-t-il à votre œuvre de traducteur ?
Charles Zaremba : Il me permet de prendre de la distance avec les structures linguistiques, d’accepter les contraintes purement linguistiques qu’imposent certaines langues, indépendamment de toute volonté de l’auteur.
Unidivers : Comment abordez-vous l’œuvre de Kertész, que vous avez traduit ?
Charles Zaremba : En tant que lecteur – comme tout le monde. En tant que co-traducteur, comme un défi à relever.
Unidivers : Quel regard portez-vous sur les littératures polonaise et hongroise ?
Charles Zaremba : Curieux, attentif. La production des deux pays est importante, mais rien ne se détache vraiment du lot dernièrement.
Unidivers : Quel est le meilleur moment, jusqu’à maintenant, de votre vie de traducteur ?
Charles Zaremba : Les brefs instants de bonheur que procurent les « trouvailles ». Et l’adaptation scénique du Kaddish de Kertész, interprétée par Jean-Quentin Chatelain, qui montre que le texte français « fonctionne ».
Unidivers : Est-ce que le traducteur, selon vous, ressent comme l’écrivain un sentiment d’insatisfaction à la fin de sa traduction ?
Charles Zaremba : Pas à la fin, mais au moment de la parution.
Unidivers : Est-elle toujours perfectible ?
Charles Zaremba : Oui.